Situation surréaliste à Bâle
Les ambulanciers refusent de soigner une femme blessée à 6 mètres de la frontière

La semaine dernière, une joueuse de handball s'est blessée à Bâle. Comme l'accident a eu lieu sur sol français, les ambulanciers bâlois n'ont pas pu porter secours à la femme. La faute à la législation actuelle.
Publié: 12.05.2022 à 15:36 heures
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En raison d'une loi française, des ambulanciers bâlois n'ont pas pu prendre en charge une handballeuse accidentée à 6,5 mètres de la frontière.
Photo: Keystone
Carla De Vizzi

L’amour ne connaît pas de frontières, tout comme l’amitié. Se faire soigner par une ambulance, par contre, ça connaît bien les frontières. Une Bâloise l’a appris à ses dépens samedi dernier, comme l’a rapporté le portail en ligne Primenews.

Cette joueuse de handball s’est blessée sur le court du gymnase de Pfaffenholz, dans le canton de Bâle-Ville. Appelés, les ambulanciers se sont rendus sur place… avant de s’arrêter et de déclarer ne pas avoir le droit de pouvoir la prendre en charge.

Car si le centre sportif est bien utilisé officiellement par des gymnasiens bâlois, il se trouve sur le territoire de Saint-Louis, en France voisine. Les services d’urgence de la ville de Bâle ont donc les mains liées lorsqu’il s’agit d’intervenir sur cette zone. Et ceci malgré le fait que la handballeuse blessée se trouvait à peine à… 6,5 mètres de la frontière suisse!

Son pied pointait dans la mauvaise direction

Les secours sont arrivés sur place dix minutes après l’accident. Mais en raison de la législation, ils n’ont pas pu la prendre en charge. En pratique, ils n’ont pas pu lui administrer des analgésiques ni lui poser de perfusion.

Et ce, malgré les douleurs de la joueuse: il est vite apparu que celle-ci s’était méchamment blessée à la cheville. Après une mauvaise réception, la malheureuse s’est en effet retrouvée avec son pied pointant dans la mauvaise direction.

La confusion ne s’arrête pas là. Car si le service ambulancier contacté ne pouvait rien faire, un médecin urgentiste bâlois a pu prendre la jeune femme en charge, arrivant sur place une vingtaine de minutes plus tard. La handballeuse a ensuite été transportée à l’hôpital universitaire de Bâle.

Punis s’ils étaient intervenus

Mais la loi est-elle vraiment si stricte? Selon Toprak Yerguz, porte-parole du Département bâlois de la justice et de la sécurité (JSD), c'est bien le cas. Il explique que l’équipe de secouristes aurait même pu se rendre punissable si elle prodiguait des soins sur le sol étranger.

«Sur sol français, aucun acte médical délégué par un médecin ne peut être effectué par des ambulanciers (ndlr: en France, les pompiers), explique Toprak Yerguz. Cela concerne notamment l’administration de médicaments ou de perfusions. Il en va de même en Allemagne.»

Le fait de devoir faire appel à des médecins d’urgence n’est toutefois pas sans poser problème. Selon Toprak Yerguz, bien qu’ils soient compétents sur sol suisse et français pour les cas graves, leur nombre réduit n’assure pas de pouvoir les envoyer sur toutes les interventions. Il y a donc un problème de couverture médicale. «Dans le cas de la handballeuse, les secouristes auraient parfaitement suffi pour la prise en charge», explique-t-il.

Les Français ne voient pas le problème

Les services des ambulances de Bâle-Ville ne sont conscients de la problématique juridique que depuis quelques mois. Avant cela, la collaboration avait «eu lieu selon une pratique éprouvée», soutient Toprak Yerguz. Mais la législation française a changé et un flou juridique empêche les ambulanciers bâlois d'intervenir.

Afin de protéger les collaborateurs du prochain dilemme similaire, il s’agit maintenant de déterminer comment des interventions ayant lieu à proximité de la frontière peuvent être effectuées. Cela concerne notamment plus d’un millier de jardins de loisirs bâlois, qui se trouvent sur le territoire français.

Alors que l’incertitude est grande à Bâle, les Français se montrent sereins. «Tout est clair de notre côté, nous ne savons pas où se trouve le problème», a déclaré Marie-Astrid Muller, directrice générale de l’administration de Saint Louis, à Primenews.

L’incident saisi par le politique

Entre-temps, le Département de la justice et de la sécurité de Bâle a lancé des investigations afin de trouver une solution au problème. Mais «il est difficile d’estimer avec quelle facilité les pays concernés parviendront à trouver une solution», poursuit le porte-parole.

Bien que Toprak Yerguz ne s’attende pas à une solution rapide, l’incident de la handballeuse préoccupe déjà la politique. La conseillère nationale socialiste bâloise Sarah Wyss a tweeté qu’elle allait s’occuper du problème. «Je vais me renseigner sur les possibilités de remédier à cette problématique au niveau fédéral», déclare-t-elle.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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