Plus de pression, moins de gratification
Face aux stratagèmes de pourboire forcé, les Suisses deviennent radins

En Suisse, les pourboires restent bien vus à condition qu’ils soient donnés de plein gré. Une étude montre que lorsqu’ils sont suggérés de manière insistante, notamment par les terminaux de paiement, l’effet est souvent contre-productif.
Publié: 24.06.2025 à 17:20 heures
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Les Suisses sont généralement généreux lorsqu'il s'agit de donner un pourboire.
Photo: Getty Images
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Christian Kolbe

Bonne nouvelle pour le personnel de service: les Suisses continuent d’être généreux lorsqu’il s’agit de laisser un pourboire au restaurant. Seuls 5,4% des clients déclarent ne jamais donner de gratification, quelle que soit la qualité du service. Les autres ouvrent volontiers leur porte-monnaie, et pour près des deux tiers d’entre eux, le pourboire fait naturellement partie de l’expérience au bistrot.

C’est ce que révèle la dernière étude menée par la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW) à Winterthour, mandatée par la Banque Cler. Mais étonnament, lorsqu’ils laissent un pourboire, les clients préfèrent le faire en espèces, malgré l'explosion des moyens de paiement digitaux.

Regain de générosité chez les jeunes

L'étude révèle une autre tendance encourageante: les jeunes adultes recommencent à donner un peu plus souvent qu’au cours des dernières années. Ce changement s’expliquerait par une amélioration de leur situation financière, mais aussi par une plus grande reconnaissance envers le personnel de service.

«Le résultat montre clairement que la réticence des jeunes à laisser un pourboire est liée à leurs moyens financiers, et non à un rejet du principe ou à une conception différente de la reconnaissance», explique Samuel Meyer, directeur général de la Banque Cler.

Forcer le client? Contre-productif!

Mais tout n’est pas si simple. Le pourboire reste un geste de remerciement spontané et apprécié, tant qu’il reste volontaire. Lorsqu’il est suggéré de manière insistante, que ce soit par un terminal de paiement ou même par le personnel, l’effet est souvent contre-productif. La majorité des clients rejettent ces formes de pression.

Même à l’heure des paiements sans contact, trois quarts des personnes interrogées préfèrent que le personnel annonce le total, que le client décide lui-même du montant du pourboire, puis le saisisse dans le terminal. La transparence et la liberté de choix restent les maîtres mots.

Un paternalisme mal reçu

Le problème, c’est que ces pratiques intrusives deviennent de plus en plus fréquentes. De nombreux terminaux de paiement proposent automatiquement des pourcentages prédéfinis, accompagnés d’options comme «pas de pourboire» ou «passer». Or, ces suggestions rigides sont mal vues: 62% des personnes interrogées les perçoivent négativement. Elles préfèrent déterminer elles-mêmes le montant, sans être influencées ni infantilisées par des choix préprogrammés. «Plus les clients sont sollicités activement pour laisser un pourboire, moins ils s’y retrouvent», conclut l’étude.

La culture du pourboire reste bien ancrée en Suisse, malgré la hausse des prix ces dernières années. Mais pour qu’elle perdure, encore faut-il que le processus reste respectueux du client. Le paiement ne devrait pas être orienté par les intérêts des fournisseurs de terminaux ou des restaurateurs, mais pensé avant tout pour les consommateurs.

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