Du jamais vu en Europe
Dans le canton de Schwytz, certains trains circulent désormais en mode pilote automatique

Dans le canton de Schwytz, certains trains circulent désormais en mode «pilote automatique». Le Südostbahn est la première entreprise en Europe à utiliser ce système d’assistance au quotidien. Blick a pu embarquer dans la cabine de conduite pour en faire l’expérience.
Publié: 10:52 heures
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Le conducteur de train Reto Klingenfuss peut intervenir manuellement à tout moment depuis la cabine.
Photo: Thomas Meier
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Andreas Schmid et Thomas Meier

Sur la voie 2 de la gare d’Arth-Goldau, dans le canton de Schwytz, le train à destination de Biberbrugg est prêt à partir. Le départ est prévu à 9h54, l'arrivée à 1h20. En ce jeudi matin, une fine bruine tombe et un épais brouillard enveloppe la région. Peu de voyageurs montent à bord de la rame du train. Ils se doutent encore moins que sur plusieurs tronçons des 20 kilomètres traversant le canton de Schwytz, leur train circule en mode téléguidé.

Dans la cabine, le mécanicien de locomotive Reto Klingenfuss dispose d'un système informatique spécial qui lui sert d’assistant de conduite. Après avoir vérifié deux fois le signal de départ, il met le train en marche. Quelques centaines de mètres plus loin, il active le système automatique d'assistance à la conduite. Dès lors, le conducteur peut poser calmement les mains sur ses genoux.

L'humain demeure indispensable

Le train s'arrête automatiquement dans les gares, tandis que l'ouverture des portes et les dispositifs de sécurité restent sous le contrôle de Reto Klingenfuss. Après chaque départ, effectué manuellement, il rend de nouveau la main au système d'assistance à la conduite.

«C'est un peu comme lorsque le pilote automatique prend le relais dans un avion», explique Reto Klingenfuss. La vitesse est alors entièrement gérée par ordinateur, sur la base des données du trajet et de l'horaire. Elle est définie et ajustée au kilomètre par heure près, une sorte de régulateur de vitesse ferroviaire. A la main, avec le levier, une telle précision serait impossible.

«
Le système ne rend en aucun cas le conducteur de train superflu
Reto Klingenfuss, mécanicien-chauffeur
»

Le parcours est découpé en plusieurs tronçons. Pour chacun d'eux, le système calcule à la seconde près, selon l’horaire, le moment exact où le train doit atteindre le point suivant. Le mécanicien peut toutefois reprendre le contrôle à tout instant, par exemple si un animal s’engage sur la voie ou si l'état des rails ne permet pas d’atteindre la vitesse prévue.

«Le système ne rend en aucun cas le conducteur de train superflu», souligne Reto Klingenfuss. La responsabilité reste entièrement la sienne. Et cela ne changera pas: dans les décennies à venir, il y aura toujours un conducteur à l'avant de la cabine.

Plusieurs conducteurs sceptiques

Les essais du système d'assistance à la conduite sont en cours depuis l’été dernier. Depuis, en moyenne trois trains par jour circulent entre Arth-Goldau et Biberbrugg en mode «pilote automatique». Initialement, la compagnie Südostbahn (SOB) avait prévu de débuter les tests quelques mois plus tôt, mais l'Office fédéral des transports (OFT) avait exigé des garanties de sécurité supplémentaires avant d'autoriser le trafic régulier, à la suite des premiers essais nocturnes.

L'OFT participe également au financement du projet. Il a toutefois demandé à la SOB de préciser comment étaient définis le rôle et la responsabilité du personnel de conduite au niveau de l'interaction avec la technologie. Le projet de système d'assistance à la conduite avait d'ailleurs été lancé dès 2017 par le Südostbahn, avec une étude de faisabilité.

42 conducteurs du SOB ont déjà été formés au nouveau système, désormais installé sur dix rames Stadler «Flirt 3». Certains collègues restent toutefois sceptiques quant à son utilité, reconnaît Reto Klingenfuss, qui siège aussi à la direction du personnel de conduite.

Ils redoutent notamment que le travail en cabine devienne plus monotone et que le conducteur ne se retrouve à superviser un système dont la fiabilité lui échappe. Reto Klingenfuss, lui, perçoit au contraire cette technologie comme une aide précieuse, un outil qui permet de conduire et d'arrêter le train avec une précision au mètre près.

La technologie n'échappe pas à quelques secousses

Le trajet entre Arth-Goldau et Biberbrugg, sur lequel la technique est testée, est très exigeant en raison de la topographie, explique Roger Dällenbach, qui dirige le projet avec le système d'assistance. Les fortes montées et descentes, particulièrement lors de journées automnales pluvieuses — et plus encore en hiver, avec la neige —, mettent la nouvelle technologie à rude épreuve.

Lors des phases de freinage ou d'accélération, notamment dans les zones de transition du relief, le trajet peut encore provoquer quelques à-coups. «Le système a encore quelques angles et arêtes», reconnaît Dällenbach. «Mais ils ne sont que peu perceptibles pour les voyageurs, rassure Roger Dällenbach. Personne n’a jamais voulu descendre avant la fin du trajet», ajoute-t-il avec le sourire.

A l’issue de cette phase d'exploitation expérimentale d'un an, les données seront analysées. Pour l’heure, la SOB ne prévoit pas d'étendre le dispositif à d'autres lignes.

L'entreprise avance avec prudence: contrairement aux métros urbains, qui fonctionnent depuis longtemps en conduite automatique, les lignes à ciel ouvert présentent des conditions bien plus complexes. SOB n'entend par exemple pas s'aligner dans l'immédiat sur les CFF, CarPostal et les livreurs de repas qui prévoient recourir à des taxis sans personnel ou à des robots de livraison.

Une seconde de retard

Alors pourquoi tant d'efforts pour un système qui ne remplace pas le personnel des locomotives et qui ne sera pas généralisé dans un avenir proche? «C'est juste un petit pas vers l'avenir», répond Roger Dällenbach.

La SOB est le premier chemin de fer suisse à utiliser la technologie d'assistance à la conduite dans le cadre d'une exploitation commerciale. L'entreprise espère ainsi réduire sa consommation d'énergie et améliorer sa ponctualité. Selon Roger Dällenbach, il n'est pas encore possible de dire après les quatre premiers mois si la consommation d'électricité a été diminuée. Mais dans tous les cas, l'horaire est respecté avec précision.

L'horloge de Biberbrugg indique presque 10h20 tout pile lorsque le train arrive en gare et commence à freiner. A 10h20 et une seconde, il s'immobilise, à environ deux mètres du point d'arrêt indiqué. Il n'y a plus qu'à applaudir.

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