Liaison entre collègues ou abus de pouvoir?
A Berne, le dossier sexuel de l'Hôpital de l'Ile s'épaissit

Dans un hôpital bernois, une médecin-cheffe accuse l'ancien directeur de viols et d’abus sexuels. Malgré des messages évoquant amour et complicité, elle affirme aujourd’hui avoir été victime d'un grave abus de pouvoir et demande réparation.
Publié: 08:28 heures
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Dernière mise à jour: 09:41 heures
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L'Hôpital de l'Île de Berne fait couler beaucoup d'encre en ce moment.
Photo: Keystone
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Raphael Rauch

Un véritable scandale secoue à l’Hôpital de l’Ile, à Berne: un directeur de clinique est accusé d'avoir abusé sexuellement d'une médecin-cheffe de clinique. La question est maintenant la suivante: s'agit-il d'une réelle agression ou existait-il une liaison entre les deux médecins?

Ils possèdent quelques points communs: ils ont une cinquantaine d'années, sont mariés et ont des enfants. D'ailleurs, les deux familles se connaissent. Entre 2021 et 2023, ils ont une liaison. Le mot code est: «Tu veux prendre un café?». Leurs rencontres sexuelles ont lieu dans l'appartement de la titulaire.

Blick dispose de plusieurs captures d'écran montrant des images à caractère pornographique que le directeur envoyait à son amante. Ces photos sont des images trouvées sur Internet, ni lui ni la médecin-cheffe n'y sont représentés.

Même après l'affaire, ils restent familiers

Mais elle ne semble pas être dérangée par ces messages. En tout cas, la lettre que son avocat envoie à la direction de l'hôpital avec ces exemples de sexting ne contient aucun message dans lequel elle demande à son chef d'arrêter. Au lieu de cela, l'avocat fait valoir que sa cliente a été violée et abusée sexuellement à plusieurs reprises par le directeur de l'hôpital. Si leur liaison semble prendre fin en 2023, les deux médecins continuent à se fréquenter par la suite.

En 2024, elle envoie à son chef les salutations de toute sa famille: «Joyeux anniversaire! Nous t'avons laissé un cadeau!» Fin novembre 2024, elle lui écrit: «Tu m'as fait tourner la tête plus que quiconque. Je ne sais même pas si j'ai déjà été aussi amoureuse». Plus tard, «une grande souffrance» s'y serait ajoutée. «Mais je garderai malgré tout toujours le beau souvenir de notre histoire: passionnante, aventureuse, érotique et pleine de surprises».

Sous le coup d'une «grande émotion»

C'est dès 2025 que cette histoire prend une toute autre tournure. Comme on l'apprend à l'Hôpital de l'Ile, diverses plaintes et une investigation interne ont été déposées contre la médecin-cheffe de clinique. «Elle a soudain accusé ses collègues de saboter ses recherches scientifiques et de lui voler des résultats de recherche», explique un initié.

Le service du personnel et le service juridique s'en mêlent fin janvier. Résultat? La cheffe de clinique est licenciée et immédiatement mise à pied. Son comportement «envers différentes personnes» ne correspond pas «aux valeurs du groupe Inselspital – qui gère la clinique – et aux attentes de vos supérieurs», peut-on lire dans sa lettre de licenciement que Blick s'est procurée.

Et c'est là où le bât blesse: elle est signée par le directeur de la clinique, son «ex-amant», ainsi que par le vice-médecin-chef et le service du personnel. Le licenciement a lieu par écrit, car la médecin-cheffe a «mis fin de son propre chef aux derniers entretiens après peu de temps, sous le coup d'une grande émotion».

Beaucoup de souffrance et un traitement psychiatrique

Après son licenciement, la cheffe de clinique s'exprime par l'intermédiaire de son avocat. Elle demande d'abord un entretien avec directeur de la clinique, en vain. L'avocat écrit alors à l'Hôpital de l'Ile que le directeur de la clinique a commis «depuis des années des actes punissables contre l'intégrité sexuelle de ma cliente, entre autres des viols répétés et du harcèlement sexuel».

Plus encore, sa cliente en aurait beaucoup souffert et aurait dû suivre un traitement psychiatrique en parallèle de son travail. Selon l'avocat, «il y a manifestement eu un grave problème structurel au sein duquel un système toxique a été mis en place par le directeur de la clinique. Un jeu qu'il entretient depuis des années et qui doit être sanctionné sans délai».

«Nous avons eu une liaison avec des relations sexuelles consenties»

Suite à cette lettre, l'Hôpital de l'Ile a commandé une enquête externe au cabinet zurichois Enquire, «un cabinet d'avocats spécialisé dans les enquêtes internes», selon son site internet. Le directeur de l'hôpital a été interrogé pendant cinq heures par deux avocats. Au final, l'Hôpital de l'Ile a licencié le directeur de la clinique cette semaine et a fait savoir par communiqué de presse: «Les enquêtes ont montré que le directeur de la clinique avait gravement manqué à ses devoirs de loyauté et de diligence en tant que responsable».

Bien que la médecin-cheffe accuse son ex-chef de plusieurs viols, le ministère public bernois ne s'est pas encore manifesté auprès du directeur de clinique évincé. Celui-ci rejette fermement les accusations: «Nous avons eu une liaison avec des rapports sexuels consentis. Les captures d'écran prouvent que le désir était réciproque».

L'avocat du directeur de clinique licencié souligne: «La présomption d'innocence s'applique. Mon client a une grande confiance dans l'action de la justice. Il est convaincu qu'il n'a rien à se reprocher sur le plan pénal. Nous examinons actuellement une procédure juridique contre les différentes personnes impliquées, notamment des plaintes pénales pour fausse accusation, diffamation et calomnie.»

De son côté, l'avocat de la médecin-cheffe rejette les accusations et reproche au directeur de la clinique de faire de la victime l'auteur des faits et de détourner l'attention de son devoir en tant que supérieur hiérarchique. Toutes les personnes impliquées bénéficient de la présomption d'innocence.

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