Valse des départements autour d'Ignazio Cassis?
Les deux arrivées au Conseil fédéral pourraient avoir un effet domino

Après des années de Conseil fédéral stable, l'arrivée de deux nouveaux ministres en décembre et les élections fédérales vont changer le visage du gouvernement. Au PLR, certains estiment qu'il y a une opportunité pour Ignazio Cassis de quitter le DFAE. Analyse.
Publié: 06.11.2022 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2022 à 09:58 heures
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Mal aimé de la population, Ignazio Cassis subit des attaques presque constamment depuis son arrivée au gouvernement.
Photo: Getty Images
Reza Rafi

Le 7 décembre, le Conseil fédéral va changer une première fois de visage. Avec les départs de Simonetta Sommaruga et d'Ueli Maurer, ce sont deux «meubles» du gouvernement qui s'en vont. La campagne bat son plein, tant que PS qu'à l'UDC. L'heure est actuellement à l'audition des différents candidats.

Pendant ce temps, au PLR, on spécule. Car certains libéraux-radicaux estiment que ces changements pourraient profiter à Ignazio Cassis: ils verraient d'un bon œil que le ministre des Affaires étrangères change de département à l'issue de son année présidentielle.

Dans quel département travaillera Ignazio Cassis?

Les classements de popularité au gouvernement sont cruels avec le Tessinois, qui ne décolle pas des dernières places. Certains de ses camarades de parti estiment qu'un changement de département pourrait lui donner un bon coup de fouet à l'abord d'une année électorale capitale.

Pour que ce scénario se produise, il y a plusieurs pistes. L'une d'elle revient souvent: si Alain Berset lâchait le département de l'Intérieur, Ignazio Cassis pourrait prendre le relais. N'était-il pas médecin au civil, à Montagnola (TI)? Mais il y a aussi le jeu politique. Car si une majorité de l'Assemblée fédérale veut empêcher le département de l'Environnement (DETEC) de tomber entre les mains de l'UDC, cela pourrait offrir une fenêtre d'opportunité pour Ignazio Cassis et le PLR. Ou, éventuellement, si Viola Amherd (Centre) veut quitter le département de la Défense, celui qui incombe souvent aux nouveaux élus.

Karin Keller-Sutter aux Finances?

Selon les informations de Blick, certains membres du groupe parlementaire du PLR ont déjà eu des entretiens avec Ignazio Cassis. Mais le silence règne. La direction du parti, pour sa part, ne souhaite pas répondre aux questions sur ce sujet. Un élu libéral-radical estime pour sa part que ce n'est pas la manœuvre la plus importante: il y a davantage d'enjeu à ce que Karin Keller-Sutter reprenne les Finances, un département transversal et crucial pour que la politique budgétaire reste en mains bourgeoises.

Il faut néanmoins reconnaître que le bilan (provisoire) d'Ignazio Cassis au DFAE a aussi des points positifs. En 2017, il avait démarré en fanfare avec sa phrase culte sur un «bouton reset» sur lequel il fallait appuyer. Quelqu’un semblait enfin pouvoir débloquer la politique européenne, engluée au temps de Didier Burkhalter.

Finalement, le Tessinois a surtout séduit les deux extrêmes (droite conservatrice et milieux syndicaux), avec l'enterrement de l'accord-cadre avec l'Union européenne. Perçu d'abord comme volatil sur l'Europe, il a été célébré en démolisseur de ponts avec Bruxelles.

Enfin, il a pris une carrure d'homme d'État tant avec l'accueil de Vladimir Poutine et Joe Biden à Genève (bien que ce soit Guy Parmelin qui ait été sur le terrain en tant que président) et pas plus tard qu'il y a trois semaines lors de sa visite surprise à Kiev.

Des attaques de toutes parts

Mais pas le temps de se reposer sur ces lauriers récents: depuis son arrivée au gouvernement, Ignazio Cassis fait l'objet de vives attaques. Peu après son élection, le président de l'époque du PS, Christian Levrat, l’avait traité de «stagiaire» — un reproche qui avait rejailli au visage du Fribourgeois lorsqu'il est lui-même devenu président de la Poste et qu'il a dû justifier un revenu pour son «initiation» de 12'000 francs.

D'autres attaques proviennent directement de la salle du Conseil fédéral... et de son propre camp. La rivalité avec sa collègue de parti Karin Keller-Sutter en matière de politique européenne, par exemple, fait l’objet de commérages dans tout le Palais fédéral.

Mais les piques les plus violentes — à en croire l'entourage du ministre — viennent de gauche. Les socialistes Alain Berset et Simonetta Sommaruga auraient tiré à boulets rouges sur le dernier projet prestigieux d’Ignazio Cassis, le fameux rapport sur la neutralité, et auraient contribué à le torpiller.

Le PLR sur les talons du PS

Cette stratégie est logique, du point de vue de la gauche: selon les sondages, il n’est pas exclu que le PLR rattrape le PS lors des prochaines élections fédérales. Et les alliés verts sont aussi sur les talons des socialistes. Ignazio Cassis est donc une cible toute trouvée, une façon de lézarder le bloc bourgeois.

La récente rumeur de la Berne fédérale, selon laquelle l’idée de voter blanc en cas de réélection d'Ignazio Cassis circule au sein de la fraction du PS, va dans le même sens. Mais destituer un conseiller fédéral en poste équivaudrait à briser un sacré tabou.

Tout est question de cuisine interne: la répartition des départements est l’affaire des seuls membres du gouvernement, qui décident en toute indépendance. Un conseiller national fait remarquer que les cartes seraient redistribuées du jour au lendemain si les six derniers cycles de discussions avec Bruxelles aboutissaient à une percée avec l’UE.

Et, en fin de compte, les conseillers fédéraux sont aussi des êtres humains. Et leurs motivations, comme celles de tout homme, sont souvent difficiles à déchiffrer.

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