Saisi par la justice
Accusé d'escroquerie, l'ex-cadre de la BCN avait un bateau à un demi-million!

L'ex-cadre de la Banque cantonale neuchâteloise soupçonné d'avoir détourné 10 millions s'était payé un bateau à 500'000 francs. L'embarcation a été saisie par la justice, a appris Blick. Des bribes d'informations filtrent peu à peu sur la dizaine de comparses présumés.
Publié: 01.09.2022 à 12:28 heures
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Dernière mise à jour: 01.09.2022 à 12:31 heures
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Membre d'un grand club-service, le prévenu aurait acheté son bateau (ici représenté par une image d'illustration) auprès d'un autre adhérent.
Photo: SANDRO CAMPARDO/KEYSTONE/DR
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Amit Juillard

On en sait un peu plus sur son train de vie. Soupçonné d’avoir détourné 10 millions de francs, le désormais ex-cadre de la Banque cantonale neuchâteloise (BCN), présumé innocent, possédait un petit yacht. Lequel lui aurait coûté environ 500’000 francs, selon plusieurs témoignages recueillis par Blick.

Le luxueux bateau a été saisi par la justice, confirment en outre plusieurs sources très proches du dossier. Procureur général suppléant, Nicolas Aubert ne commente pas. L’affaire, révélée par Blick début juin, recèle encore bien d’autres secrets. Alors levons un coin du voile, suivons quelques pistes, si vous le voulez bien.

Qui a touché les 9 autres millions?

Mais d’abord, récapitulons. Pour mémoire, dans le cadre de ses fonctions, l’ancien collaborateur aurait fait bénéficier une dizaine d’investisseurs — des proches — de transactions frauduleuses sur le marché des devises et aurait perçu des commissions (lire encadré ci-dessous), à l’insu de la BCN, partie plaignante.

Entre 2013 et 2021, il aurait retiré, à coups de milliers ou de dizaines de milliers de francs (comme il était habilité à le faire), les sommes en cash avant de les redistribuer, selon Nicolas Aubert, interrogé début juillet par «Arcinfo».

Dans les colonnes du même quotidien local, le présumé escroc a admis — par la voix de son avocat lausannois, Laurent Moreillon — s’être attribué un million de francs et a promis de rembourser cette somme. Par ailleurs, la défense remet en question le montant total de dix millions avancé par le Ministère public.

Revenons au présent. À ce stade, une question brûle toutes les lèvres dans la République. Qui sont celles et ceux qui auraient touché les neuf autres millions, également sous enquête pénale? Les personnes sondées sont frileuses, invoquent des «rumeurs invérifiables» et refusent souvent d’en dire davantage. Mais de premiers éléments filtrent.

Gêne au sein d’un club service

Selon le procureur, cité dans la presse locale, ce sont des citoyennes et des citoyens du canton horloger, ou ayant un lien avec la région, des «gens plutôt aisés» qui ont donc cherché à faire fructifier leur fortune. Des informateurs de Blick pointent vers un important club service, qui regroupe de nombreux directeurs et des têtes connues.

C’est au sein de cette association philanthropique, qui sert aussi de plateforme de réseautage, que l’on retrouve par exemple celui qui a vendu — à travers sa boîte, a priori — ladite embarcation au prévenu. Contacté, l’entrepreneur rappelle le secret des affaires et ne divulgue aucune information sur sa clientèle ou ses ventes.

En filigrane des téléphones, toujours la même gêne. De la nervosité, parfois. La plupart parlent toutefois de l’ex-banquier en des termes sympathiques. Ils évoquent une personne «appréciée», «amicale», «attachante», «de bonne compagnie».

Absence soudaine

Ou encore quelqu’un «qui a fait beaucoup pour redynamiser le club ces dernières années, mais qui a soudainement coupé les ponts et n’est plus venu aux séances depuis le début de l’année». Soit peu avant le dépôt de la plainte pénale par la BCN, le 8 mars, après qu’un audit de routine interne avait mis au jour les agissements litigieux du responsable licencié.

Plusieurs adhérents, dont certains au sein du comité, souhaitent néanmoins que le statut de membre de l’accusé soit discuté. «L’éthique est l’une de nos valeurs fondamentales, glisse cet interlocuteur. Au vu de ce qu’il a déjà avoué dans la presse, on ne peut pas dire qu’il ait respecté ce principe.» D’autres prônent le statu quo.

Cinq chefs d’accusation

Le président de l'institution, élu en juillet 2022 pour un an, «confirme que [le principal concerné] est toujours membre à l’heure actuelle». «Mais je ne souhaite pas commenter davantage avant que la justice n’ait pu trancher», appuie-t-il poliment.

À l’heure actuelle, le Ministère public retient cinq chefs d’accusation: escroquerie (ou complicité de, pour les co-prévenus), abus de confiance qualifié, gestion déloyale qualifiée, corruption passive et blanchiment d’argent. L’enquête ne sera pas bouclée avant plusieurs mois.

Quelle est la valeur exacte du bateau? D’autres biens ont-ils été saisis? Si oui, lesquels et pour quel montant total? Comment le principal prévenu le vit-il? Sollicité à plusieurs reprises par e-mail et par téléphone, son avocat n’a pas répondu aux questions de Blick.

Voici le mode opératoire du prévenu

Le travail du prévenu consistait, en partie du moins, à maximiser les profits de la Banque cantonale neuchâteloise (BCN) sur le marché des devises. Dans le cadre de ses fonctions, l’ex-cadre bénéficiait d’une certaine marge de manœuvre pour faire fructifier l’argent.

Il en a fait profiter ses clients privés: «C’est à partir de là qu’il y a eu un préjudice pour la banque», avait résumé Nicolas Aubert, procureur en charge du dossier, cité par «Arcinfo». On parle donc d’un manque à gagner pour la banque plutôt que d’un trou dans la caisse.

L’un des mécanismes, bien connu dans le milieu de la finance, utilisé par l’accusé est «l’effet de levier», comme l’explique le quotidien régional, qui donne un exemple. Prenez une personne qui dispose de 250’000 francs à injecter. Pour maximiser les gains, la banque, de manière légale, complète la somme pour qu’elle atteigne un million de francs.

Des milliers de transactions

Avec ce million de francs, un million d’euros (si l’on considère un taux égal) est acheté. Si, dans le courant de la journée, le taux change et la valeur de l’euro augmente, résulte un bénéfice. Logiquement plus élevé que si la banque n’avait pas complété la somme de base. Dans le cas qui nous intéresse, le résultat de l'opération était parfois multiplié par dix. Si les investissements engendraient des pertes, c'était pour le pomme de la banque, et non pour ses mandataires. Mais l’homme n'admet qu'un grief: celui d’avoir touché des rétro-commissions.

La BCN reproche ainsi à son ex-employé d’avoir fait gagner trop à son cercle sans la rémunérer pour sa participation à l'effet de levier. Les opérations étaient par ailleurs réalisées à la même date comptable, ce qui empêchait la banque de toucher des intérêts sur son prêt. Mais, selon l’avocat de la défense, la BCN a tout de même profité de ces milliers de transactions puisqu’elle «réalise une marge sur tout achat ou vente de devises».

Le travail du prévenu consistait, en partie du moins, à maximiser les profits de la Banque cantonale neuchâteloise (BCN) sur le marché des devises. Dans le cadre de ses fonctions, l’ex-cadre bénéficiait d’une certaine marge de manœuvre pour faire fructifier l’argent.

Il en a fait profiter ses clients privés: «C’est à partir de là qu’il y a eu un préjudice pour la banque», avait résumé Nicolas Aubert, procureur en charge du dossier, cité par «Arcinfo». On parle donc d’un manque à gagner pour la banque plutôt que d’un trou dans la caisse.

L’un des mécanismes, bien connu dans le milieu de la finance, utilisé par l’accusé est «l’effet de levier», comme l’explique le quotidien régional, qui donne un exemple. Prenez une personne qui dispose de 250’000 francs à injecter. Pour maximiser les gains, la banque, de manière légale, complète la somme pour qu’elle atteigne un million de francs.

Des milliers de transactions

Avec ce million de francs, un million d’euros (si l’on considère un taux égal) est acheté. Si, dans le courant de la journée, le taux change et la valeur de l’euro augmente, résulte un bénéfice. Logiquement plus élevé que si la banque n’avait pas complété la somme de base. Dans le cas qui nous intéresse, le résultat de l'opération était parfois multiplié par dix. Si les investissements engendraient des pertes, c'était pour le pomme de la banque, et non pour ses mandataires. Mais l’homme n'admet qu'un grief: celui d’avoir touché des rétro-commissions.

La BCN reproche ainsi à son ex-employé d’avoir fait gagner trop à son cercle sans la rémunérer pour sa participation à l'effet de levier. Les opérations étaient par ailleurs réalisées à la même date comptable, ce qui empêchait la banque de toucher des intérêts sur son prêt. Mais, selon l’avocat de la défense, la BCN a tout de même profité de ces milliers de transactions puisqu’elle «réalise une marge sur tout achat ou vente de devises».

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