L'avocat de «l'émir» des «Frères de Genève» a démonté mardi matin les accusations du Parquet devant le Tribunal pénal fédéral. Il a contesté l'existence d'une organisation terroriste, ni à Genève, ni à Viti au Kosovo.
Après la peine de neuf ans requise la veille par la procureure fédérale contre son client, Me Kastriot Lubishtani a demandé l'acquittement des chefs de participation et soutien à une organisation terroriste. «Faute de mieux, le Parquet vous a raconté une histoire, une histoire sans consistance». Selon l'avocat, ni les «Frères de Viti», ni son antenne genevoise, ne présentaient les caractéristiques d'une telle organisation: pas de structure hiérarchique – chacun faisait ce qu'il voulait –, pas d'organisation, pas de sanction, pas d'entraînement, pas d'acte de violence, pas d'activité opérationnelle.
«Une utopie»
Les «frères», à Genève comme à Viti, ont été certes fascinés par le groupe djihadiste Etat islamique (EI) durant l'essor de celui-ci, mais ils ne croyaient pas à une prise de pouvoir par la force sur une région du Kosovo, qu'ils savaient irréaliste. «Ils ont juste cru pour un moment à une utopie.»
L'avocat a comparé l'attrait exercé par l'EI sur des milliers de volontaires étrangers à la guerre civile espagnole et aux Brigades internationales. L'émir a sympathisé un temps avec cette cause puis il a nourri des doutes et s'en est finalement distancé. «Son adhésion était purement intellectuelle.»
La corruption d'un procureur au Kosovo a été également contestée. Selon Me Lubishtani, l'acte d'accusation sur ce point est flou et ne tient pas la route. Ce magistrat n'avait pas la compétence de requérir une peine, même si l'on admettait qu'il aurait été payé à l'aide des fonds récoltés par les Frères de Genève.
Peine légère plaidée
Après avoir démonté les griefs de blanchiment et d'entrave à l'action pénale, l'avocat est passé à l'escroquerie par métier. Si l'escroquerie est reconnue, la circonstance aggravante du métier ne serait pas réalisée. L'étalement des faits sur plus de deux ans et les montants modestes ne permettraient pas de retenir une méthode. «Il n'y a pas là de délinquance ancrée mais uniquement une volonté de se remettre à flot», a martelé Me Lubishtani.
L'avocat s'est prononcé en faveur d'une peine de 15 mois maximum et d'une peine pécuniaire de 100 jours-amendes, toutes deux avec sursis pour des infractions patrimoniales, soit des escroqueries aux assurances automobiles et sociales. Une expulsion serait une «mort sociale».
L'accusé a passé plus de 3 ans en détention provisoire puis anticipée de peine, a rappelé son défenseur. Cette privation de liberté et le tort moral devront être indemnisés. L'audience se poursuit cet après-midi avec la plaidoirie de l'avocat du second prévenu.