18 mois de prison avec sursis
Comment le viol d'une ado sur un vol Swiss marque un tournant judiciaire

Le viol d’une adolescente sur un vol Swiss entre Mumbai et Zurich a bouleversé la Suisse. Condamné à 18 mois avec sursis et expulsé, l’auteur reçoit une peine jugée clémente par l’opinion, mais saluée par des élus qui y voient une avancée.
Publié: 06:10 heures
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Dernière mise à jour: il y a 58 minutes
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Une fille de 15 ans a été violée en mars dernier par un homme d'affaire indien de 44 ans. Les faits se sont déroulés lors d'un vol Mumbai-Zurich (Illustration).
Photo: KEYSTONE
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Solène MonneyJournaliste Blick

Un viol commis en mars dernier sur un vol Swiss entre Mumbai et Zurich a profondément choqué la Suisse. Durant le trajet, un homme d’affaires indien de 44 ans avait glissé ses doigts dans le vagin de sa voisine de siège, une adolescente de 15 ans qui somnolait. Il l’avait ensuite contrainte à frotter sa main sur son sexe à travers ses vêtements.

La jeune fille, d'abord pétrifiée, avait eu le courage d’alerter le personnel de bord. A l’atterrissage, l’homme avait été immédiatement arrêté. Après avoir nié dans un premier temps, il a finalement reconnu les faits et plaidé coupable de viol et d’actes sexuels sur mineure devant le tribunal de district de Bülach (ZH), le 19 août.

Violer et repartir libre

Le verdict a surpris: 18 mois de prison avec sursis, dont 156 jours de détention déjà purgés en préventive, une interdiction à vie de travailler avec des mineurs et une expulsion de cinq ans du territoire suisse. Il est donc possible, en Suisse, de violer une ado et de repartir sans être condamné à de la prison ferme. Pour bon nombre de citoyens, ça ne passe pas.

Précisons que la coopération de l’auteur a permis une procédure simplifiée, ce qui a eu un effet atténuant sur la sanction. Mais le juge lui-même a reconnu une décision «clémente», néanmoins «acceptable». Une véritable honte pour une partie du public. Pourtant, des élus romands tiennent à saluer une avancée permise par la nouvelle loi sur les délits sexuels. C'est en effet la première fois qu'une affaire était jugée à l'aune de ce nouveau droit.

«C'est un sacré pas qu'il faut saluer»

Pour la conseillère nationale socialiste Jessica Jaccoud, l’essentiel ne réside pas que dans la durée de la peine, mais aussi dans la qualification des faits: «Sous l’ancienne loi, cet homme n’aurait pas été condamné pour viol, mais pour des 'actes d’ordre sexuel'. La nouvelle norme pénale permet de le condamner pour viol. C’est un sacré pas qu’il faut saluer.»

Mais une fois le viol reconnu sur une mineure de 15 ans, la question s'impose: 18 mois avec sursis, est-ce suffisant? Léonore Porchet invite à déplacer le regard: «Les victimes n’ont pas pour rêve de punir le plus possible, mais d’être reconnues dans ce qu’elles ont subi. Et c’est ce que permet ce nouveau droit.»

Le sursis pose problème

Elle concède néanmoins comprendre l’émotion suscitée: «Le sursis me pose problème dans les affaires de viols, mais ma préoccupation principale est de savoir de quoi ont besoin les victimes. Le rôle de la justice n’est pas de punir, mais en premier lieu de protéger la société.»

Pour Jessica Jaccoud, également avocate, la sanction est «conforme» aux pratiques pour une première condamnation, même si la part d’exécution ferme aurait pu être plus élevée. Expulsé de Suisse, l’homme est retourné à sa vie en Inde, une issue qui peut paraître commode. «Ce que je constate, c’est que nous avons un homme qui a effectué de la prison et qui est expulsé du territoire avec l’interdiction d’y revenir. Je pense que cette mesure garantit la sécurité des femmes en Suisse», estime la députée socialiste. L'Inde va-t-elle reconnaître que l'homme d'affaire est interdit de travail au contact de mineurs? Il y a peu de chance, mais c'est une mesure obligatoire en Suisse lorsqu'un auteur est reconnu coupable de viol sur mineur. 

Une peine «relativement» clémente

L’avocat et conseiller aux Etats neuchâtelois Baptiste Hurni, qui siégeait à la Commission des affaires juridiques du Conseil national au moment de la révision, admet que la peine semble «relativement clémente». Le socialiste souligne cependant qu’il est difficile de s’en faire un avis tranché sans disposer de l’ensemble du dossier.

Comme les deux élues vaudoises, Baptiste Hurni rappelle qu'avec l'ancien droit, la peine aurait été encore plus légère. Pour lui, ce jugement prouve l'applicabilité de la réforme: «Ce nouveau droit est praticable, contrairement à ce qu'avançaient nos opposants qui nous disaient que c'était la porte ouverte à l'arbitraire.» 

La sidération enfin reconnue

Si la peine infligée divise, ce jugement marque donc un tournant. Pour la première fois, la justice suisse a reconnu l’état de sidération comme élément constitutif d’un viol et retenu la pénétration digitale dans cette qualification. En effet, le parquet a retenu «l'état de choc» de la victime, incapable de réagir lorsque l’homme d’affaires s’en est pris à elle.

«Avant, seule la résistance physique ou la violence permettaient de qualifier un viol. Là, on reconnait enfin la sidération, cela change tout dans notre manière d'envisager ces actes», ajoute la Verte Léonore Porchet. La conseillère nationale vaudoise salue aussi le fait que la pénétration digitale ait été reconnue comme constitutive du viol. «Un des cœurs de la réforme était de reconnaitre toutes les formes de viols.»

Pour rappel, la réforme du droit pénal sexuel définit un viol comme toute pénétration non consentie, qu'elle soit orale, vaginale ou anale. Les Chambres avaient longuement débattu sur la question cruciale du consentement. Finalement, la solution du refus s'était imposée (non, c'est non), mais en prenant compte de l'état de sidération de la victime. Elle est entrée en vigueur au 1er juillet.

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