«Il est bonne. Une bonne n***esse»: 500 pages de conversations problématiques révélées par les autorités lausannoises
Environ 500 pages de conversations problématiques ont été découvertes par le Ministère public. Deux groupes Whatsapp privés, actifs, dont un nommé «Pirate F», et un autre, «Les cavaliers», comprenant des dizaines de policiers, dont certains sont encore membres du corps de police, sont au centre des révélations.
On y trouve des blagues racistes, dont une évoquant «une bonne n***esse», en légende de la photo d'une personne noire. Des références à Adolf Hitler, au KKK ou à un «temps maghrébin… gris, voilé» sont révélées le 25 août par le Commandant. Une image montrant une personne handicapée accompagnée de la légende «Je vais cuisiner un t'risotto» a été diffusée dans l'un de ces groupes.
Quatre policiers suspendus
Le commandant a présenté au municipal les images que le Ministère public lui a transmises. «Il y a d'abord un effroi et un choc face à de telles images, nous n'avions jamais été confrontés à des propos racistes, ni le commandant, ni moi. Ces images sont une tache sur l'uniforme qu'il nous conviendra de nettoyer. La police doit mériter la confiance de l'entier de la population.»
Quatre suspensions ont déjà été prononcées, par décision de la Municipalité. D'autres sont à venir. L'enquête pénale se prolonge et les décisions pénales n'ont pas encore été décidées.
Les policières et policiers qui ne sont plus au corps de police échappent par ailleurs à une sanction de l'employeur à l'employé. Pierre-Antoine Hildbrand souhaite créer un registre des corps de police, dans le cas où un participant à ces propos raciste postulerait à la police d'un autre canton.
Fin de la conférence de presse
Cette conférence de presse est terminée, merci de l'avoir suivie en notre compagnie.
Qui sont les quatre policiers suspendus?
Les quatre agents suspendus étaient en poste en 2023. Ils étaient à différents niveaux de carrière, mais pas dans des groupes dirigeants, détaille Pierre-Antoine Hildbrand. Les deux groupes WhatsApp incriminés comptaient des policiers, mais aussi des policières. Cependant, aucune femme n'est pour l'heure inquiétée.
Dans le groupe «Les Cavaliers», six policiers échangeaient des propos. Quatre sont donc suspendus, deux avaient quitté la police lausannoise – ce qui laisse présager que la crise puisse déborder ailleurs. Pour rappel, la suspension est une mesure préventive au tout début de l'instruction. Les personnes suspendues perdent leur accès au téléphone, aux bâtiments de l'administration, à leur arme, à leur badge. Les suspensions n'ont pas de limite temporelle.
D'autres suspensions vont être prononcées
Jusqu'à 48 personnes étaient également réunies dans le canal «Pirate F», en référence à leur section de police-secours, la section F. D'autres suspensions vont être prononcées.
Les membres de ces groupes qui auraient vu les propos racistes ou sexistes pourraient aussi être inquiétés. «On ne peut pas traiter de la même manière une personne qui pose avec un insigne nazi, et une autre, qui vient de finir sa formation et se retrouve mise sur un groupe par un collègue plus âgé», nuance toutefois Pierre-Antoine Hildbrand. Les procédures seront donc différentes, ainsi que les sanctions.
A ce stade, toutes les personnes concernées n'ont pas été entendues. La Municipalité a souhaité faire part de ses décisions sur les agents suspendus sans attendre.
10% des agents lausannois concernés
La police de Lausanne emploie 501 policières et policiers. Les révélations du Ministère public touchent une cinquantaine d'entre eux, soit environ 10% des effectifs. Peut-on parler d'un problème systémique? «C'est prématuré de considérer que tout est limité à ce groupe de personnes, ou qu'il soit totalement représentatif de tous les agents», répond Pierre-Antoine Hildbrand.
Des échanges «insidieux» et «invisibles»
Dans un communiqué envoyé hier, le syndicat des fonctionnaires de police s'est plaint d'un manque de soutien psychologique. Le municipal de la Sécurité rappelle que «tout un système de débriefing» existe, «un soutien particulier par rapport aux événements dramatiques». L'élu PLR précise par ailleurs que le syndicat est ouvert à un audit.
Concernant les valeurs du commandant Botteron, ce dernier affirme qu'il n'a pas pu maîtriser tout ce qui a été dit dans des groupes WhatsApp, des échanges qu'il qualifie d'«insidieux» et «invisibles».
Appel au calme du Syndic
«On partage la tristesse et on comprend la colère qui s'exprime. J'aimerais appeler au calme. On ne résout jamais les problèmes par la violence, mais par le dialogue. Nous allons voir dans quelle mesure nous pouvons ouvrir le dialogue avec ces jeunes», conclut le Syndic Grégoire Junod, évoquant les émeutes de dimanche soir.
Un dommage énorme pour tous les agents
Grégoire Junod évoque une grave crise que va traverser la police de Lausanne, avec des répercussions éventuelles sur d'autres corps de police.
Il s'agit de retrouver du sens dans les missions des agents. Les propos choquants, racistes, sexistes, validistes causent du tort à tous les agents. Selon le syndic, le soutien public et politique à la police municipale est important dans la capitale vaudoise. Le débat sur le port d'arme a notamment été balayé rapidement. Des négociations salariales viennent d'aboutir entre la Municipalité et les syndicats. Les découvertes du Ministère public ont ainsi profondément choqué l'Exécutif lausannois.
Le Syndic déplore un racisme systémique
La Municipalité veut suivre de près les changements nécessaires au corps de police lausannois. Un point hebdomadaire sera tenu entre les différents experts.
«Nous voulons dire notre effroi par rapport à ce qui a été fait», témoigne Pierre-Antoine Hildbrand.
Grégoire Junod reprend la parole. Il parle au nom de tout l'Exécutif. Ce dernier est choqué que des représentants de la fonction publique «puisse se laisser aller à de telles dérives. J'aimerais condamner ce qu'il faut bien qualifier de racisme systémique. La police doit traiter chacune et chacun de la même manière. Lorsqu'on salit l'uniforme, on brise un lien de confiance indispensable entre la police et la population.»
Un «effet de groupe» aurait empêché certains agents de réagir
On ne peut pas travailler qu'avec des sanctions, estime Pierre-Antoine Hildbrand. Des réformes en profondeur seront entamées. Des changements organisationnels seront proposés et la Municipalité a demandé les services d'André Duvillard, ancien délégué du Réseau national de sécurité, pour mener des réformes, ainsi que d'autres experts.
«Vous avez vu des images effroyables», indique l'élu PLR. L'exercice du jour est ainsi celui de la transparence. Plusieurs exemples choquants sont diffusés sur les écrans.
Le municipal de la Sécurité prend la parole et présente ses condoléances
Pierre-Antoine Hildbrand, municipal de la Sécurité, présente à son tour ses condoléances à la famille du jeune décédé dans la nuit de samedi à dimanche. Il comprend la colère et la tristesse des proches du défunt, mais «rien n'excuse les violences et les destructions de biens privés ou publics. La violence n'est pas la solution.»
Le Commandant Botteron se dit choqué
«J'ai près de 40 ans de carrière», confie lundi le Commandant, choqué. «Penser qu'on n'est pas pires que les autres ne me convient pas et ne me conviendra jamais. Nous sommes la police de Lausanne et à ce titre, nous sont confiés des devoirs particuliers.»
Il poursuit: «Je me suis engagé il y a plus de 40 ans pour faire la différence et protéger la population. Ces policiers ont tout mon respect, mais pas les autres.»
Gagner en visibilité, sécuriser l'espace public et rompre avec la prédominance de la culture d'intervention et d'urgence ont été les grands combats du Commandant Olivier Botteron. Le corps de police affirme aujourd'hui vouloir s'engager dans une réforme pour mettre à terme à ces «discriminations insidieuses».
L'Affaire du pouce-levé: contexte
Dimanche 11 juin, lors d'une émission de la RTS, la photo d'un policier pouce levé devant un tag «RIP Mike». Interrogé par des journalistes, le commandant de la police lausannoise répond qu'il s'agit probablement d'un agent lausannois, le reconnaissant au port de son arme sur la droite.
Le 13 juin, le commandant adresse un message à l'ensemble du corps de police municipale. Il affirme qu'il mènera les investigations nécessaires pour identifier l'auteur.
Le 10 juillet, le policier a été identifié et est licencié. Il n'est plus policier au moment des faits. L'auteur du cliché ne s'est jamais fait connaître.
Le 23 juillet, le Ministère public ouvre une enquête pénale à l'encontre de plusieurs policiers. Deux groupes Whatsapp privés, actifs, dont un nommé «Pirate F», et un autre, «Les cavaliers», comprennant des dizaines de policiers, dont certains sont encore membres du corps de police, sont découverts.
Dernièrement, le Ministère public fournit au Commandant une clé USB comprenant plus de 2000 pages de conversations et de photos. Environ 500 pages comportent un certain nombre de messages, images, blagues à caractère raciste, sexiste ou dénigrant les personnes en situation de handicap.
La Municipalité présente ses condoléances à la famille du jeune décédé dimanche
Ce sujet-là n'est pas le cœur de la conférence de presse, précise le Syndic, Grégoire Junod, mais la Municipalité tient à présenter ses condoléances à la famille du jeune décédé dimanche au volant d'un scooter alors qu'il était poursuivi par la police
A Lausanne, la crise s’aggrave au sein de la Police municipale. Une conférence de presse municipale aura lieu à 13h30 autour du dossier Mike Ben Peter, Nigérian de 39 ans décédé en 2018 après une interpellation anti-drogue au cours de laquelle il a notamment été plaqué au sol.
La rumeur d’une «révélation fracassante» agitait Lausanne depuis plusieurs jours. Elle se confirme avec ce rendez-vous face aux médias. La Municipalité indique avoir pris connaissance de «messages transmis par le Ministère public au Corps de police» dans le cadre du dossier de l’ex-policier municipal photographié, pouce levé, devant un graffiti en hommage à Mike Ben Peter. L’exécutif lausannois se présentera in corpore pour détailler l’affaire et les décisions qui en découlent.
Dialogue rompu entre police et autorités
Dimanche, le syndicat des fonctionnaires de police (AFPL) a publiquement exprimé son inquiétude quant à ce qui pourrait être dévoilé lundi. «N’y allons pas par quatre chemins: la police de Lausanne est en crise. Le dialogue est rompu entre la Police et ses autorités politiques; la communication qui sera faite demain en est la démonstration», écrit le syndicat.
Dans un communiqué nourri, son président, Cyril Portmann, dépeint des effectifs opérationnels en érosion à la suite de «nombreuses vagues de départs», des attentes «toujours plus fortes» en matière de lutte contre le trafic de rue, un focus extrême sur les affaires de stupéfiants et un soutien psychologique jugé insuffisant au regard des missions confiées aux agents.
Le syndicat s’alarme aussi de suspensions «pour des raisons qui semblent peu claires» et de décisions prises «de manière hâtive, voire arbitraire». Tout en rappelant qu’«en cas de violation de la loi ou des devoirs professionnels», les enquêtes sont «évidentes et nécessaires», l’AFPL met en garde contre des annonces «prématurées» qui «arriveraient davantage dans le cadre d’un calendrier politique que dans l’intérêt des employés et de la population lausannoise».
Week-end sous haute tension
Plusieurs faits dramatiques se sont télescopés ce week-end dans la capitale vaudoise. Dans la nuit de samedi à dimanche, un jeune de 17 ans est décédé alors qu’il circulait au guidon d’un scooter volé, poursuivi par la police. Ce drame rappelle celui des Plaines-du-Loup, où Camilla, 14 ans, avait perdu la vie lors d’une poursuite en deux-roues sans casque.
Dimanche 24 août au soir, des émeutes ont éclaté dans le quartier de Prélaz. Un bus des transports publics lausannois a été saccagé et recouvert du slogan «La police tue RIP» – des dizaines de tags similaires ornent le quartier. Les autorités n’ont pas, pour l’heure, détaillé l’ampleur des dégâts.
Le rapport sur la mort de Roger Nzoy Wilhelm dévoilé ce lundi
Lundi, le climat sera aussi marqué par la présentation publique du rapport de la Commission indépendante chargée de faire la lumière sur la mort de Roger Nzoy Wilhelm, décédé le 30 août 2021 à la gare de Morges, où un agent de la police régionale lui avait tiré dessus à trois reprises. Réalisée en collaboration avec Border Forensics, la contre-enquête s’est étalée sur deux ans. Ses conclusions, très attendues, risquent d’ajouter une nouvelle couche de tension à un paysage sécuritaire déjà sous pression.
Entre l’annonce municipale autour du dossier Mike Ben Peter, les alertes du syndicat, le choc du décès du mineur et la publication du rapport sur Roger Nzoy Wilhelm, Lausanne traverse un moment de vérité pour sa police municipale. La conférence de presse annoncée devrait préciser les mesures prises en interne. Le syndicat, lui, promet de «veiller» au respect des droits fondamentaux des agents et de pousser à un audit indépendant.