Vous est-il déjà arrivé de guigner les discussions de votre voisin sur son téléphone, par-dessus son épaule? C’est ce qui est virtuellement arrivé à Carole Spycher* – contre sa volonté – lorsqu’elle a obtenu un nouveau numéro de téléphone en s’abonnant chez l’opérateur GoMo, sous-traitant de Salt.
En février dernier, cette Vaudoise quitte son ancien fournisseur «afin de profiter d’une offre tout à fait concurrentielle chez GoMo». On lui «certifie» que son nouveau numéro est un «original», qu’il n’a «jamais été attribué jusque-là», raconte-t-elle à Blick. Elle reçoit donc une nouvelle carte SIM, mais attend la fin de son abonnement précédent pour l’installer.
Des inconnus l’appellent en pleine nuit
Trois mois plus tard, le 20 mai, elle insère enfin la petite disquette dans son natel. Mais tout ne se passe pas comme prévu. «Dans la minute qui a suivi, j’ai reçu un appel d’un numéro inconnu», s’amuse Carole. Elle décroche: «A l’autre bout, une jeune femme à l’accent bien local, bien vaudois, qui se demande qui je suis. Elle cherche son frère Sébastien*, alors je l’informe qu’il s’agit d’une erreur.»
La cliente de GoMo comprend que son «nouveau numéro» a un ancien propriétaire qui vit dans le même canton qu’elle – que ses proches pensent toujours pouvoir contacter à ce numéro. Mais ce n’est pas tout. Le jour même, Carole est ajoutée à plusieurs groupes WhatsApp. Et pendant un mois, elle assure avoir reçu «de nombreux appels», des «messages combox en pleine nuit».
Vie et photos de famille, histoire de potes, groupes d’ultras, de jeux vidéo et de fêtards, anniversaires et infos médicales: elle a accès à «tous les numéros» et «toutes les informations», même intimes, de Sébastien. Carole nous montre par exemple une journée de fin mai où elle a reçu une dizaine d’appels de numéros inconnus.
Un accès non consenti à la vie privée
Au bout de deux semaines, elle finit par appeler un de ces numéros au hasard et tombe sur la mère de son compère d’infortune téléphonique. Celle-ci lui indique que son fils vient de changer de numéro définitivement. Dans un premier temps, Carole préfère en rire. «Cet homme à la vie sociale particulièrement riche, mais ce n’est pas mon monde, sourit-elle. Je suis surtout contente de ne pas être tombée sur des informations compromettantes.»
Mais celle qui travaille comme gestionnaire dans une assurance en vient à s’inquiéter pour la protection des données. Devant Blick, elle se questionne sur le fait que dans ses échanges, on lui a confirmé le vrai nom de Sébastien et on lui a donné la date de sa résiliation d’abonnement. Son conseil juridique lui a par ailleurs confirmé que la situation est «problématique» au regard de la Loi sur la protection des données (LPD).
«La personne qui tombe sur ces informations pourrait être mal intentionnée», suppose-t-elle. En ce début du mois de juin, elle contacte donc GoMo, via le tchat prévu à cet effet sur le site de l’opérateur. Carole est «mise en relation avec des agents dont l’orthographe était plus que douteuse et leurs manières de procéder à la limite de la malhonnêteté».
Des solutions insatisfaisantes
On lui dit d’abord qu’il est «impossible que ce numéro soit attribué à une tierce personne». Puis, ses interlocuteurs incriminent WhatsApp et lui demandent de désinstaller l’application. «Ça a surtout inquiété mon patron de me voir disparaître d’un coup de mon groupe WhatsApp du travail», souffle la future ex-cliente de GoMo.
Dernière solution, on lui propose de bloquer un par un tous les contacts de l’ancien propriétaire de son numéro. Excédée par ces démarches, Carole demande la résiliation de son abonnement et le remboursement de l’ensemble de ses frais. Elle déplore «le manque de prise au sérieux de la situation par GoMo» et «un service clientèle médiocre».
Puis, c’est le «silence radio» pendant plusieurs jours. Le lundi 16 juin, de son propre chef, elle appelle son propre numéro depuis son travail et tombe sur son profil d’assuré, avec plusieurs détails. C’en est trop pour la professionnelle du domaine, qui a désormais une preuve formelle que le numéro n’est pas un original.
Elle laisse tomber
Mais là encore, la «non-considération de GoMo pour la loi» frustre la Vaudoise. On lui propose «d’effacer le numéro du client à mon travail» en lui expliquant que les numéros en 078 seraient «des numéros recyclés», ce qui «ne serait pas le cas des numéros 076, 079 et 077» (voir explications de Salt ci-dessous).
Après des semaines d’allers-retours, à se faire «balader pendant des heures sur des plateformes de tchat», Carole laisse tomber et commence les démarches pour retourner chez son ancien opérateur. «Proposer des abonnements pas chers, c’est cool. Mais il y a tout de même un minimum de prestations à assurer», résume l’ex-cliente de GoMo.
*Noms d'emprunt
Blick a tenté de joindre GoMo, c’est finalement le service de presse de Salt, la maison mère, qui a répondu à nos questions sur cette histoire «cocasse, mais grave», comme la décrit Carole. «Nous comprenons que l’expérience décrite ait été frustrante et déstabilisante pour la cliente», commence la porte-parole de l’opérateur Ana Biljaka qui lui présente les excuses de son employeur «pour les désagréments occasionnés».
Salt assure prendre «ce type de préoccupations très au sérieux» et avoir mené «une analyse interne approfondie afin de comprendre ce qu’il s’est passé». L’opérateur reconnaît toutefois des «informations incorrectes» et que «que la communication initiale du service client contenait une information erronée» sur le numéro vendu comme «jamais attribué», mais cherche à s’expliquer.
«Le numéro en question a été désactivé en août 2024, puis réattribué en février 2025, conformément aux pratiques standards du secteur, détaille Ana Biljaka. Le 'recyclage' des numéros est un processus courant et accepté dans le monde entier, en raison de la disponibilité limitée du nombre de numéros.»
Des données supprimées, mais...
Mais concrètement, que s’est-il passé pour que Carole se retrouve avec un accès à la vie privée de Sébastien? «Dans ce cas, la cliente s’est abonnée à GoMo en ligne, et le système lui a automatiquement attribué un numéro disponible», analyse la porte-parole de Salt. Ainsi, «le numéro avait bien été utilisé auparavant, bien qu’il soit apparu comme disponible dans notre système au moment de la souscription de l’abonnement».
Le numéro en question avait été désactivé depuis plus de six mois, un délai au-delà duquel les agents de GoMo n’auraient, selon Salt, plus accès «à l’historique des affectations» des numéros de téléphone à recycler. «Ce qui explique pourquoi l’agent(e) n’a pas pu confirmer l’utilisation du numéro», conclut Ana Biljaka. Salt assure qu'«une fois désactivé, un numéro est supprimé de tous les systèmes actifs et toutes les données associées au/à la client(e) précédent(e) sont intégralement effacées.»
La faute à WhatsApp?
Comme expliqué à Carole, Salt remet la faute sur WhatsApp: «Il s’agit d’une application tierce qui agit de manière totalement indépendante des opérateurs télécoms. La plateforme utilise les numéros de téléphone comme identifiants d’utilisateur.» En somme, si un ancien utilisateur ne supprime pas ou ne met pas à jour son compte WhatsApp, des liens de contact ou des appartenances à des groupes pourraient subsister après la réaffectation du numéro. «Malheureusement, les opérateurs et donc GoMo n’ont aucun contrôle sur la manière dont ces services externes gèrent ces associations», déplore la communicante.
Quant aux appels et aux messages reçus par Carole en dehors de WhatsApp? «Cela peut parfois se produire après la réaffectation d’un numéro, notamment si des tiers conservent encore l’ancien numéro dans leurs contacts, répond la porte-parole de Salt. Nous sommes conscients que cela puisse être perçu comme intrusif, et nous nous excusons pour la gêne occasionnée.» L’opérateur précise toutefois n’avoir constaté «aucune fuite de données» et se pose en exemple du respect de la vie privée.
Conseils pour éviter que cela vous arrive
«Salt Mobile SA, responsable de GoMo, respecte pleinement les règles en vigueur en matière de protection des données et applique des protocoles de confidentialité stricts», affirme la porte-parole. Salt recommande à sa clientèle qui constaterait un problème du genre de contacter leur service client. Et pour éviter que cela ne se répète, l’opérateur appelle ses abonnés qui changent de numéro à désactiver ou mettre à jour «tout service lié à leur numéro avant de résilier leur contrat, dans la mesure du possible».
Depuis notre échange, GoMo a recontacté Carole Spycher, pour lui «proposer des solutions»: un «changement de numéro gratuit» ainsi que la possibilité «de résilier son abonnement à la date de son choix, sans pénalité». En conclusion de toute cette histoire, la désormais ex-cliente de GoMo a tout de même reçu, à titre de compensation, un mois d’abonnement gratuit au prix de 29,90 francs. Pas de quoi la rassurer…
Blick a tenté de joindre GoMo, c’est finalement le service de presse de Salt, la maison mère, qui a répondu à nos questions sur cette histoire «cocasse, mais grave», comme la décrit Carole. «Nous comprenons que l’expérience décrite ait été frustrante et déstabilisante pour la cliente», commence la porte-parole de l’opérateur Ana Biljaka qui lui présente les excuses de son employeur «pour les désagréments occasionnés».
Salt assure prendre «ce type de préoccupations très au sérieux» et avoir mené «une analyse interne approfondie afin de comprendre ce qu’il s’est passé». L’opérateur reconnaît toutefois des «informations incorrectes» et que «que la communication initiale du service client contenait une information erronée» sur le numéro vendu comme «jamais attribué», mais cherche à s’expliquer.
«Le numéro en question a été désactivé en août 2024, puis réattribué en février 2025, conformément aux pratiques standards du secteur, détaille Ana Biljaka. Le 'recyclage' des numéros est un processus courant et accepté dans le monde entier, en raison de la disponibilité limitée du nombre de numéros.»
Des données supprimées, mais...
Mais concrètement, que s’est-il passé pour que Carole se retrouve avec un accès à la vie privée de Sébastien? «Dans ce cas, la cliente s’est abonnée à GoMo en ligne, et le système lui a automatiquement attribué un numéro disponible», analyse la porte-parole de Salt. Ainsi, «le numéro avait bien été utilisé auparavant, bien qu’il soit apparu comme disponible dans notre système au moment de la souscription de l’abonnement».
Le numéro en question avait été désactivé depuis plus de six mois, un délai au-delà duquel les agents de GoMo n’auraient, selon Salt, plus accès «à l’historique des affectations» des numéros de téléphone à recycler. «Ce qui explique pourquoi l’agent(e) n’a pas pu confirmer l’utilisation du numéro», conclut Ana Biljaka. Salt assure qu'«une fois désactivé, un numéro est supprimé de tous les systèmes actifs et toutes les données associées au/à la client(e) précédent(e) sont intégralement effacées.»
La faute à WhatsApp?
Comme expliqué à Carole, Salt remet la faute sur WhatsApp: «Il s’agit d’une application tierce qui agit de manière totalement indépendante des opérateurs télécoms. La plateforme utilise les numéros de téléphone comme identifiants d’utilisateur.» En somme, si un ancien utilisateur ne supprime pas ou ne met pas à jour son compte WhatsApp, des liens de contact ou des appartenances à des groupes pourraient subsister après la réaffectation du numéro. «Malheureusement, les opérateurs et donc GoMo n’ont aucun contrôle sur la manière dont ces services externes gèrent ces associations», déplore la communicante.
Quant aux appels et aux messages reçus par Carole en dehors de WhatsApp? «Cela peut parfois se produire après la réaffectation d’un numéro, notamment si des tiers conservent encore l’ancien numéro dans leurs contacts, répond la porte-parole de Salt. Nous sommes conscients que cela puisse être perçu comme intrusif, et nous nous excusons pour la gêne occasionnée.» L’opérateur précise toutefois n’avoir constaté «aucune fuite de données» et se pose en exemple du respect de la vie privée.
Conseils pour éviter que cela vous arrive
«Salt Mobile SA, responsable de GoMo, respecte pleinement les règles en vigueur en matière de protection des données et applique des protocoles de confidentialité stricts», affirme la porte-parole. Salt recommande à sa clientèle qui constaterait un problème du genre de contacter leur service client. Et pour éviter que cela ne se répète, l’opérateur appelle ses abonnés qui changent de numéro à désactiver ou mettre à jour «tout service lié à leur numéro avant de résilier leur contrat, dans la mesure du possible».
Depuis notre échange, GoMo a recontacté Carole Spycher, pour lui «proposer des solutions»: un «changement de numéro gratuit» ainsi que la possibilité «de résilier son abonnement à la date de son choix, sans pénalité». En conclusion de toute cette histoire, la désormais ex-cliente de GoMo a tout de même reçu, à titre de compensation, un mois d’abonnement gratuit au prix de 29,90 francs. Pas de quoi la rassurer…