Affaire de népotisme aux SIG
Christian Brunier réagit aux doutes sur l'indépendance de l'enquête

L'avocat dont le rapport disculpe l'ex-patron des SIG n'est pas indépendant, révèle Léman Bleu. Il a réalisé 9 missions pour la régie, ce qui remet en cause l'impartialité de son verdict. Christian Brunier se dit victime d'une «cabale» et défend ses agissements passés.
Publié: 18:33 heures
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Dernière mise à jour: il y a 29 minutes
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«On peut changer les règles, mais je n'ai pas violé celles qui étaient en vigueur», plaide Christian Brunier
Photo: KEYSTONE
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Myret ZakiJournaliste Blick

Nouveau rebondissement dans l’affaire de népotisme aux Services Industriels de Genève (SIG), au terme de laquelle l’ancien directeur général, Christian Brunier, avait été blanchi: d’après une enquête de Léman Bleu diffusée le 10 septembre, l'enquêteur, Me Stéphane Voisard, initialement présenté par les SIG comme «indépendant» et «externe», était en réalité un des avocats réguliers de la régie publique. 

Nouveaux doutes suscités

La chaîne de TV genevoise a pu prendre connaissance de ses mandats auprès des SIG grâce à une action en transparence. Or il s’avère que Me Stéphane Voisard a mené 9 missions pour la régie, qui lui a facturé pour 255’000 francs d’honoraires depuis 2016, révèle Léman Bleu. Contacté, Robert Cramer, président du conseil d'administration des SIG, et figure nationale du parti des Verts, n’était pas disponible pour nous répondre ce vendredi.

Pour rappel, Christian Brunier, épinglé au printemps 2024 par la presse pour le recrutement de cinq membres de son cercle familial proche, avait fini par démissionner des SIG. 

Dans la foulée, deux audits (qui ont coûté à la régie 80’000 francs) le dédouanaient. La conclusion de l’enquête confiée à Me Stéphane Voisard par Robert Cramer, président des SIG, était que Christian Brunier «n’a pas cherché à influencer le processus de recrutement et ne peut en aucun cas être soupçonné de favoritisme ou de népotisme».

Des mails non pris en compte?

Ces nouveaux éléments posent la question de l’impartialité de l’enquête qui blanchit l’ancien patron des SIG. D’autant que des échanges d'emails confidentiels révélés le 20 août par Léman Bleu et la Tribune avaient montré que Christian Brunier était intervenu directement dans le processus de candidature de la petite amie du fils de sa femme, insistant sur ses qualités, et sur le besoin d’un profil axé sur la vidéo (qui était le sien), ceci sans annoncer le lien familial. Alors qu’elle n’avait pas été le premier choix, elle avait finalement été retenue. 

Contacté par Blick, Christian Brunier nous répond: il explique tout d’abord que ce n’est pas lui qui a choisi Me Stéphane Voisard, qu’il ne le connaît pas, et nous renvoie à la direction et au conseil d’administration des SIG. 

Christian Brunier relativise les cas

Ensuite, il évoque une «cabale» contre lui, qui dure depuis maintenant 18 mois. Concernant les mails précités, il conteste le fait qu'ils aient été écartés de l'enquête. Par ailleurs, il nie qu'il ait existé à l’époque (il y a 8 ans) un lien familial substantiel entre lui et cette jeune femme: «C’était la petite amie du fils de ma femme depuis seulement quelques semaines, je l’avais vue 3 ou 4 fois, pas plus, et je l’ai simplement recommandée, ceci pour un stage d’une année maximum, pas pour un poste de cadre», relativise-t-il. Il ajoute qu’il était seulement intervenu pour souligner «qu’il ne fallait pas écarter d’emblée les candidats de la HEAD, simplement parce qu’un candidat issu de cette école avait auparavant déçu». 

Aux SIG, tient à souligner l’ex-patron, «il était impossible de faire preuve de népotisme, car les choix reposaient toujours sur une décision croisée entre la direction RH et la direction concernée. Cela atténue quasi à 100% le risque de népotisme». Par ailleurs, assure-t-il, «je n'ai jamais été en position de sanctionner, licencier, promouvoir ou augmenter aucune de ces personnes». Pour le vétéran des SIG, qui a passé 45 ans au sein de l'institution, «l’important est que le choix soit libre, et qu’il y ait des regards croisés entre les RH et la direction.»

Il déplore en outre qu’on l’accuse d’avoir également favorisé son ex-femme. «Je n'étais pas encore directeur général. J'apprends qu'elle est intérimaire Manpower. Nous étions dans un divorce très difficile, et la dernière chose que je souhaitais était de la voir aux SIG. Or on m'a accusé de la favoriser, alors que je suis au contraire intervenu pour interrompre le contrat d'intérimaire!»

«Il n'y a rien de plus courant»

Au final, Christian Brunier nous renvoie aux conclusions de l’enquête et de l’audit. «Ils disent qu'il n'y a pas d'irrégularité. Je n'ai jamais forcé quiconque à engager quelqu'un. En revanche, je me voyais mal empêcher quelqu’un de postuler: aurai-je dû empêcher la copine du fils de ma femme de postuler? Mon neveu a fait son apprentissage avant que j'accède au poste de directeur général. Aurait-il dû démissionner? Il n'était pas cadre non plus.»

Christian Brunier s’étonne, car à ses yeux, il n’y a rien de plus courant que des chefs d'entreprise qui recommandent des candidats. «Cela se fait très régulièrement».

Les règles internes des SIG, selon l’ex-patron, prévoient qu’il ne doit pas exister de lien hiérarchique qui permette de positionner un proche pour un avancement ou un licenciement. «Je n'étais pas dans cette situation. Il y avait des cadres entre moi et eux. On peut changer ces règles, mais j’estime que celles qui étaient en vigueur me permettaient d’agir comme je l’ai fait. Si on veut les changer, pourquoi pas.»

Des députés remontés

Alberto Velasco, député socialiste, répond à Léman Bleu qu'un avocat qui a été payé par l’entité, et qui enquête pour cette dernière, pose problème. De même, la députée du Centre, Patricia Bidaux, répond à la chaîne que la confiance est rompue avec «un président qui affirme qu’il a mandaté une équipe externe pour faire le travail et qui finalement n’est pas si externe que ça.»

Engagé en politique durant sa jeunesse, Christian Brunier siégé en tant que député socialiste au Grand conseil genevois durant 11 ans (1997 à 2008). Il avait en outre présidé le parti socialiste genevois de 1997 à 2000.

Selon Léman Bleu, le sujet des SIG occupera prochainement la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil, qui a reçu plusieurs nouvelles alertes ces derniers mois. 

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