La pénalisation du mariage, selon laquelle les personnes mariées doivent parfois payer plus d'impôts que les concubins, est au cœur des débats du Conseil national. Cette situation doit être corrigée. Toutefois, la manière de procéder reste matière à débats.
Qu'est-ce qui sera décidé prochainement au Conseil national?
Juridiquement, c'est compliqué. Deux initiatives populaires contradictoires s'opposent: d'une part celle du Centre («Oui à des impôts fédéraux équitables pour les couples mariés – pour enfin en finir avec la discrimination du mariage!») et d'autre part celle des Femmes PLR («Pour une imposition individuelle indépendante de l'état civil»). L'initiative du Centre demande expressément une imposition commune des couples mariés, alors que l'initiative des Femmes PLR l'interdit. Le Conseil fédéral propose un contre-projet indirect selon lequel tout le monde serait à l'avenir imposé individuellement, y compris les époux.
Pourquoi cette proposition est-elle controversée?
Parce que toutes les variantes ont des avantages comme des inconvénients et laissent des gagnants et des perdants. Selon la formulation exacte des modèles en discussion, le niveau des barèmes fiscaux et les déductions possibles, on paiera ensuite plus ou moins d'impôts.
Les couples mariés et les concubins ne sont pas les seuls concernés: tout le monde est concerné, y compris les célibataires et les couples de retraités. Une lutte à couteaux tirés est donc en cours au Parlement, où il est également question des projets de vie comme des formes de société qu'impliquent ces deux modèles. Pour Le Centre, il est par exemple important que les couples mariés continuent d'être considérés comme une unité et pas simplement comme deux contribuables.
Comment se passe l'imposition aujourd'hui?
Le droit fiscal prévoit que les couples mariés soient imposés ensemble. Cela signifie que les revenus et la fortune des deux conjoints sont additionnés. Pour les concubins, ce n'est toujours pas le cas, même s'ils vivent sous le même toit depuis des décennies.
Qu'est-ce que la pénalité de mariage?
Les couples mariés se voient simplement appliquer un autre barème. Ils ne paient pas obligatoirement plus d'impôts. Cela dépend de si les deux conjoints ont tous deux le même revenu.
Aujourd'hui, les couples mariés qui vivent selon le modèle traditionnel des rôles s'en sortent mieux fiscalement que les concubins. C'est le cas lorsque lorsqu'il s'agit d'un couple marié avec un seul revenu. En revanche, les couples dans lesquels les deux gagnent à peu près autant ont tendance à payer plus d'impôts lorsqu'ils sont mariés.
Sur quoi se penche le Parlement exactement?
Après de longs débats et de nombreuses propositions de compromis, une solution est désormais au premier plan: toutes les personnes sont imposées individuellement, indépendamment de leur état civil.
Afin d'alléger la charge des couples mariés, la déduction pour enfants, qui est actuellement de 6700 francs, sera désormais de 10 700 francs (proposition du Conseil des Etats), voire de 12 000 francs (proposition du Conseil fédéral et du Conseil national), et sera répartie par moitié entre les deux conjoints. En outre, le barème de l'impôt est modifié de manière à ce que les bas et moyens revenus paient moins, alors que les revenus plus élevés paient plus.
Ce sont les détails qui sont débattus, comme le montant de la déduction pour enfants. La question de savoir ce qu'il advient de la déduction pour enfants lorsque l'un des partenaires ne gagne rien ou presque rien suscite également des discussions. Pour ce partenaire, une demi-déduction pour enfants ne sert à rien, puisque sa facture fiscale est déjà nulle. Sa demi-déduction pour enfants n'apporte un allègement fiscal que si elle peut être transférée à celui ou celle qui gagne le plus. Cela favoriserait les couples avec un modèle familial classique.
Qui est pour, qui est contre?
Les délibérations menées jusqu'à présent montrent que Le PLR est clairement en faveur de l'imposition individuelle. Le PS et les Vert-e-s ont tendance à l'être également, pour autant que la réforme n'entraîne pas de pertes fiscales importantes. C'est pourquoi le bras de fer tourne également autour de la question du niveau des barèmes fiscaux et des déductions – car cela a une influence directe sur le montant des recettes fiscales de la Confédération.
En revanche, l'UDC et le Centre continuent quant à eux de défendre une solution dans laquelle les couples mariés sont imposés ensemble.
Quelles sont les chances?
Ce sera probablement serré, les deux camps ont à peu près le même nombre de voix. Sans la gauche, il n'y aura certainement pas de majorité pour l'imposition individuelle favorisée par le PLR. C'est pourquoi le montant des déductions fera l'objet d'une lutte et d'un marchandage jusqu'à la dernière minute.
Quelle est la suite des événements?
Au Conseil national, l'affaire est à l'ordre du jour de la session spéciale qui a débuté ce 5 mai. En juin, ce sera au tour du Conseil des Etats. Même si une majorité se prononce en faveur du changement de système au Parlement, l'imposition individuelle n'aura pas lieu avant longtemps. Il faut d'abord une votation populaire, puis il faudra encore de nombreuses années avant que la décision ne soit appliquée. Car les détails du projet de loi sont compliqués. De plus, tous les cantons devraient adapter leurs propres lois fiscales.