Le juge Huber se confie sur la sordide affaire Osterwalder
«Nous avons surmonté ensemble l'inconcevable»

Le «bourreau de bébés» René Osterwalder s'est suicidé. En 1998, le juge Christian Huber a condamné le pédocriminel à 17 ans de prison. Il revient sur cet évènement traumatisant.
Publié: 18:01 heures
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Dernière mise à jour: 18:12 heures
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Il a finalement été condamné à 17 ans de réclusion et interné.
Photo: Keystone
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Beat Michel

Le procès du «tortionnaire de bébés» René Osterwalder a duré trois semaines. Le 19 mai 1998, il a été condamné à 17 ans de réclusion et interné par le jury zurichois composé de neuf membres pour ses actes innommables envers plusieurs enfants en bas âge.

Si le procès a duré aussi longtemps, c'est parce que tous les interrogatoires devant le jury ont eu lieu pendant le procès. «Dans le cas de René Osterwalder, c'était une charge psychique énorme pour les jurés», se souvient le président de l'époque, Christian Huber dans l'entretien qu'il nous accorde. 

Lorsque la nouvelle du suicide assisté du pédocriminel lui est parvenue cette semaine, toute l'histoire a bien évidemment resurgi douloureusement dans son esprit.

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Sans possibilité de libération, Osterwalder a choisi le suicide
Le juge Huber
»

Le fait que le criminel ait choisi le suicide ne surprend pas l'ancien procureur Christian Huber, qui est également procureur en chef, juge en chef, président du jury, et ancien conseiller d'Etat. 

Il explique: «A plusieurs reprises, sa demande de libération conditionnelle a été rejetée. Il ne voyait plus aucune chance de sortir un jour de l'internement».

Les jurés devaient être soutenus psychologiquement

Pour protéger les jurés et lui-même des épreuves psychiques de l'époque, Christian Huber a délibérément raccourci le déroulement de la journée du procès. Il explique à ce sujet: «Le procès durait chaque jour jusqu'à 16 heures. Ensuite, nous nous retrouvions pour un débriefing. Chacun pouvait exprimer ce qui lui pesait le plus. Je voulais éviter qu'un juré ne puisse pas faire face à ces crimes immondes et ne le dise pas. Nous avons surmonté ensemble l'inconcevable».

Cette précaution est jusqu'à présent unique dans la pratique judiciaire suisse. L'ampleur des atrocités qui ont dû être montrées et discutées lors du procès ne s’est pas reproduite une seconde fois dans notre pays depuis.

Au début du procès, le passage devant un jury composé de profanes a suscité des critiques, poursuit le juge. «On nous a dit que nous devions être suivis par un psychiatre. Sinon, nous n'y arriverions pas», se souvient-il. «Pas un seul juré ne s'est retiré et les débats quotidiens nous ont davantage aidés».

«C'était un monstre!»

Christian Huber raconte qu'à l'époque, René Osterwalder lui paraissait très dérangé et contradictoire: «Extérieurement, il était poli et presque timide dans ses relations. Mais ses fantasmes et ce qu'il en a fait dans la réalité sont au-delà de toute limite. Je n'ai pas rencontré cela une seconde fois au cours de ma longue carrière juridique. Cet homme était un monstre!»

Ce fut encore plus éprouvant pour le policier qui a dû visionner l’ensemble des enregistrements vidéo dans lesquels René Osterwalder se filmait lui-même en train de torturer les jeunes enfants. «Je sais que ce policier a beaucoup souffert.»

Lui-même est parti faire de la plongée souterraine en France avec des amis après le procès: «J’ai dû me concentrer tellement fort sur ce hobby pour ne plus penser à ces images terribles. Cela m’a aidé à surmonter cette épreuve.»

Une coïncidence très glauque

Des décennies après le procès, le juge a été confronté une nouvelle fois à l'histoire de René Osterwalder, et ce par hasard. En 2010, Christian Huber et sa femme amènent leur péniche à Amsterdam pour l’hiver. Ils réservent un bed & breakfast dans la capitale néerlandaise pour trois jours, qui s'est avéré être, par pure coïncidence, l’ancienne maison d’Osterwalder, dans laquelle la police hollandaise avait retrouvé les films des actes de torture.

«Un soir, nous avons parlé avec les propriétaires de l’histoire de l’ancienne maison. Ils nous ont dit qu’ils l’avaient achetée à un avocat suisse qui représentait un violeur. Il s’appelait Osterwalder. Là, tout est devenu clair pour nous», raconte le juge, encore remué.

Un détail qui colle parfaitement au diabolique René Osterwalder: la maison avait un passé sombre. Elle s’appelait autrefois «Duivelskerk», ce qui signifie «l’église du diable» en allemand. Une histoire qui fait froid dans le dos.

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