Le scandale des truites décimées
L'affaire du Blausee a pris un tournant majeur, au grand dam des propriétaires

L’affaire des poissons morts du Blausee mobilise la justice depuis cinq ans. Le Ministère public vient de classer l’une des procédures clés. Les analyses d’eau n’auraient pas révélé une concentration suffisante de substances toxiques. L'un des prévenus sera indemnisé.
Publié: 31.08.2025 à 14:33 heures
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De nombreuses truites du Blausee sont mortes en 2017.
Photo: IMAGO
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Reza Rafi

L'affaire a conduit à d'innombrables procédures judiciaires, à des gros litiges et à un prix journalistique. Dans le Blausee, petit lac touristique idyllique de l'Oberland bernois, une mortalité massive de truites d'élevage a eu lieu en 2017. Les illustres propriétaires du domaine – le fondateur du Swiss Economic Forum Stefan Linder, le patron de Globetrotter André Lüthi et l'ex-président de la Banque nationale suisse Philipp Hildebrand – ont rapidement identifié les gravats déversés en amont dans la carrière de Mitholz comme étant à l'origine du problème. La décharge appartient au groupe de matériaux de construction Vigier, les matériaux proviennent entre autres de déblais de voie de l'entreprise ferroviaire BLS (Chemin de fer du Lötschberg). 

Lorsque le trio de propriétaires a rendu ses conclusions publiques en 2020, le Ministère public de Berne a ouvert une procédure le 8 juin de la même année. Le 27 juillet 2020, la Blausee AG a déposé une plainte pénale contre inconnu, pour avoir enfreint la loi sur la protection des eaux, la loi sur la protection de l'environnement et la loi sur les déchets.

Un conflit qui a pris de l'ampleur

Les journaux de Tamedia, ainsi que l'émission «Rundschau» de la SRF, ont été les premiers à révéler l'affaire, qui a rapidement été érigée en scandale environnemental majeur. Le cas a pris de l'ampleur, alimenté par les démarches du copropriétaire Stefan Linder, qui s'est farouchement opposé à de nombreux acteurs, allant de l'administration bernoise à certains camionneurs, en passant par les entreprises de construction impliquées et les transports publics. Résultat: au cours des cinq dernières années, un enchevêtrement de conflits s'est formé, s'invitant devant les tribunaux, dans l'arène politique et dans les médias.

Le but était de déterminer la personne responsable de la mort des truites. De cette réponse allait dépendre tout le reste, aussi bien le traitement politique de l'affaire que les revendications civiles des propriétaires du Blausee. Le procès du 8 juin 2020 devait apporter des éclaircissements à ce sujet. 

30'957 francs d'indemnité

Après cinq ans de procédure, une décision a finalement été rendue, au grand dam des propriétaires du Blausee. Dans sa décision du 25 août, que Blick s'est procurée, le Ministère public estime que les soupçons de délit visant des collaborateurs du BLS ne se sont pas confirmées «dans une mesure suffisante pour une mise en accusation», et ce, «après une enquête complète». Contrairement à ce qui a été initialement colporté dans les médias, il ne faut «pas partir du principe» que le matériel déposé constitue un «déchet spécial». 

Une indemnité de 30'957 francs a été accordée au principal accusé. Celui-ci n'a «ni objectivement ni subjectivement», que ce soit «intentionnellement ou par négligence», «commis une infraction à la loi sur la protection de l'environnement». C'est pourquoi la procédure doit être classée.

Pas de «pollution significative» de l'eau

Le Ministère public souligne que les échantillons d'eau prélevés par l'Office cantonal des eaux et des déchets dans la zone de carrière n'ont révélé aucune «pollution importante des eaux souterraines ou de surface» susceptible de justifier des poursuites contre le BLS. Les analyses n'auraient «révélé aucun indice» laissant penser que l'entreprise aurait fait une fausse déclaration de déchets, comme l'affirment ses détracteurs.

Pour les trois propriétaires, ce verdict est un véritable revers. Jusqu’à présent, leur combat pour la justice s’est soldé par la condamnation de quelques chauffeurs de camion. Ils peuvent désormais faire recours contre l'arrêt de la procédure, ce qui porterait l’affaire devant la prochaine instance.

Interrogés, les propriétaires ont signalé qu'ils ne pouvaient pas s'exprimer, n'étant pas partie prenante dans cette affaire. Mais pour eux, c'est une autre procédure qui revêt une importance particulière: ils ont déposé en parallèle une plainte contre le BLS, lui réclamant 7 millions de francs. Reste à voir l'issue de cette revendication, à la lumière du verdict qui vient d'être rendu.

Le conseiller d'Etat bernois Christoph Neuhaus, en charge du dossier en tant que directeur des travaux publics et des transports, souvent critiqué par Linder et consorts, peut pousser un soupir de soulagement. Ne se représentant pas aux élections de 2026, il semble pouvoir aborder sereinement la suite de sa carrière. 

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