Le 28 juin prochain, les délégués du Centre éliront le successeur de Gerhard Pfister à la présidence du parti. Les candidats ont jusqu'au 28 avril pour s'annoncer. Le conseiller national valaisan Philipp Matthias Bregy, chef du groupe parlementaire du Centre aux Chambres fédérales, est considéré comme le favori du scrutin. Ce mercredi 2 avril, il se lance officiellement dans la course.
Blick rencontre Philipp Matthias Bregy à Berne, avant une visite au Japon prévue dans les prochains jours avec une délégation parlementaire. Dans une interview, il explique pourquoi il veut briser la majorité de droite au Conseil fédéral et quelle est sa position sur l'accord entre la Suisse et l'Union européenne (UE).
Philipp Matthias Bregy, vous êtes considéré comme le favori pour succéder à Gerhard Pfister. Etes-vous candidat?
Oui, je suis candidat. Même si c'est un véritable défi de succéder à Gerhard Pfister. Ce changement de rôle, de chef du groupe parlementaire à président du parti, peut toutefois représenter une opportunité pour notre formation, car il garantit une certaine stabilité: j’occupe déjà aujourd’hui une fonction dirigeante à Berne.
Certains critiques estiment que les instances dirigeantes devraient compter davantage de femmes. Serez-vous un obstacle à leur représentation?
Le Centre doit son succès en grande partie à des femmes fortes, et le parti continuera à leur confier des rôles-clés à l’avenir. Une femme à la présidence du parti peut être une option, mais ce n’est pas une obligation. Si je devais être élu, il serait par exemple envisageable qu’une femme prenne à nouveau la tête du groupe parlementaire. Mais cette décision revient aux élus du parti à Berne, pas à moi.»
Vous aviez renoncé à succéder à Viola Amherd pour des raisons familiales. Celle-ci ne compte plus maintenant que vous visez la présidence du parti?
Pas du tout! Ma famille est très importante pour moi, vous le savez! Les jobs de conseiller fédéral et de président de parti ne sont pas comparables. En tant que conseiller fédéral, on doit pratiquement faire une croix sur sa vie privée et on est sollicité 365 jours par an. En tant que président de parti, on a certes beaucoup de travail, mais on peut s'aménager des moments de liberté. Il doit rester possible de consacrer du temps à sa famille.
Votre famille est d'accord avec cette candidature?
Oui. Nous avons discuté ouvertement de ce sujet.
Le Centre a formulé à plusieurs reprises sa revendication d'un deuxième siège au Conseil fédéral. Mais vous avez tout juste pu trouver deux candidats à la succession de Viola Amherd. Votre revendication est-elle encore crédible après ce cafouillage?
Ce n'était pas du cafouillage! Nous avons présenté deux excellents candidats. D'ailleurs, notre premier objectif doit être de continuer à nous développer dans toutes les régions du pays. Le reste en découlera alors tout naturellement. Mais il est clair que le Conseil fédéral gagnerait à ce que ni la droite ni la gauche ne détiennent la majorité absolue.
Il y a d'autres moyens de rompre la majorité de droite, notamment si Les Vert-e-s reprennent un siège au Parti libéral-radical (PLR)...
La droite est actuellement surreprésentée au Conseil fédéral avec quatre sièges pour le PLR et pour l'Union démocratique du Centre (UDC). La gauche le serait également si les Vert-e-s obtenaient un siège. Pour le Centre, les résultats des élections fédérales doivent se refléter dans la composition du gouvernement. A ce titre, le président sortant de notre parti a déposé une initiative parlementaire afin que les conseillers fédéraux ne se retirent, en principe, qu'en fin de législature.
Sous la présidence Gerhard Pfister, le Centre a pu stabiliser son nombre d'électeurs. Comment comptez-vous vous l'augmenter?
Gerhard Pfister a fait bien plus que stabiliser le parti. Il a mené à bien la fusion entre le Parti démocrate-chrétien (PDC, ancien nom du Centre) et le Parti bourgeois-démocrate (PBD). Non seulement, il a su préserver les gains qui en ont découlé, mais il a même réussi à élargir légèrement notre base électorale. C’est inédit en Suisse! Il faut poursuivre sur cette voie et continuer à progresser, étape par étape. Les percées rapides sur le plan électoral sont toutefois rares dans notre pays, j'en suis tout à fait conscient.
Avez-vous aussi l'ambition de dépasser le PLR?
(Rires.) Nous dépasserons tous les partis que nous pourrons dépasser. Plus sérieusement, nous devrions rester concentrés sur nous-mêmes et continuer à faire du bon travail.
Le financement de l'AVS est l'un des grands sujets du moment. Au Conseil des Etats, un accord entre le Centre et la gauche se dessine, avec à la clef une hausse des cotisations salariales et de la TVA...
Le Centre a toujours dit qu'il fallait un mélange des deux pour répartir la charge de manière plus équitable. Nous devons donc agir sur les deux leviers: la hausse des cotisations salariales et la TVA. Je trouve que c'est une bonne chose que la commission sociale du Conseil des Etats anticipe déjà le fait qu'il faudra financer non seulement la 13e rente AVS, mais aussi notre initiative pour de meilleures rentes en faveur des couples. Par ailleurs, nous ne devrions pas perdre de vue l'idée d'une éventuelle taxe sur les transactions financières.
Une hausse de l'âge de départ à la retraite est-elle également envisageable?
La hausse de l’âge de départ à la retraite des femmes n’a été approuvée qu’à une très courte majorité, tandis qu'un relèvement général a été nettement rejeté par le peuple. La volonté populaire est donc claire. En politique, il ne s’agit pas de ce qui est théoriquement possible, mais de ce qui est concrètement faisable.
Votre initiative sur l'AVS ne convainc pas le Conseil fédéral. En août 2024, Elisabeth Baume-Schneider évoquait l'idée d'un plafonnement des rentes des couples mariés à 175% de la rente maximale au lieu de 150% aujourd'hui. Seriez-vous prêt à accepter un tel compromis?
Nous recevons beaucoup de soutien pour notre initiative. Nous voulons mettre fin à une injustice en accordant une rente complète aux couples mariés. Seule notre initiative permet une véritable égalité.
La question européenne est également un grand thème. Soutenez-vous le nouvel accord avec l'UE?
Nous sommes au cœur de l’Europe, et l’Union européenne est notre principal partenaire commercial. Il est donc essentiel d’entretenir de bonnes relations avec elle. Nous ne connaissons pas encore tous les détails du résultat des négociations, mais ce qui est sur la table aujourd’hui est meilleur que les propositions discutées en 2021, lorsque le Conseil fédéral avait mis fin aux pourparlers sur l'accord-cadre. C’est une base sur laquelle on peut construire et lancer le débat parlementaire. Avec une discussion plus posée, nous pourrons aboutir à un bon accord, que le peuple devra probablement trancher en 2028.
Cela sonne comme un «oui»
Nous allons discuter du résultat des négociations. Mais je vois une bonne base pour une discussion positive. Au final, c'est le paquet global qui sera décisif.
Si l'élection à la présidence du parti ne se déroule pas comme prévu, allez-vous abandonner votre poste de chef de groupe parlementaire?
Non, pourquoi? Dans une élection démocratique, on peut gagner ou perdre. Si les délégués se prononcent pour une autre candidature, j'accepterai la décision et je me concentrerai sur la présidence du groupe en continuant à m'engager pleinement. Quiconque ne peut pas encaisser une défaite ne devrait pas se présenter à des fonctions politiques.