Souvenez-vous: le Parti libéral-radical (PLR) ambitionnait de devenir le deuxième parti de Suisse au terme des élections fédérales 2023. Résultat, dépassé par Le Centre (ex-PDC et PBD), il est bouté hors du podium au Conseil national, rétrogradé à la quatrième place (un siège en moins). C’est aussi le seul parti en perte de vitesse constante lors des élections fédérales depuis 2015. En Suisse romande, le PLR perd cette fois deux fauteuils (comme les Vert-e-s et la gauche radicale): un aux États à Neuchâtel, l’autre au National dans le canton de Vaud.
Mais ce n’est pas tout. À Genève, ce sont ses alliés conservateurs et populistes de l’Union démocratique du centre (UDC) et du Mouvement citoyens genevois (MCG) qui partiront au combat pour le second tour de l’élection à la Chambre haute, pas lui. Dans le Jura, c’est l’UDC, apparentée au PLR, qui a chipé un fauteuil au Centre dans la course à la Chambre basse, pas lui. Et en Valais, dans la compétition pour un poste de sénateur, son vice-président Philippe Nantermod compte 18’000 voix de retard sur Marianne Maret (Le Centre), deuxième.
Quels enseignements tirer de cette nouvelle défaite? Dans la soirée de dimanche, Blick s’est adressé à l’historien Olivier Meuwly. Le Vaudois, très proche du PLR, craint que ce dernier continue de perdre des plumes s’il n’apprend pas de ses récurrentes erreurs.
En Suisse romande, le PLR perd deux sièges. Les résultats au niveau national ne sont pas non plus spécialement reluisants. C’est ce qu’on appelle une claque…
Ce n’est pas un jour brillant pour le PLR. C’est toujours le même problème, qui hantait déjà les radicaux et les libéraux dans les années 1990. Très bons gestionnaires, les membres de ce parti peinent à anticiper les grands sujets théoriques, qui finiront tôt ou tard par agiter la société civile.
On a par exemple l’impression que le PLR n’est pas du tout force de proposition sur le pouvoir d’achat, thème central des campagnes de l’UDC et du Parti socialiste (PS).
Oui, pas uniquement. Le PLR a par exemple cédé le sujet du wokisme à l’UDC. Cela me pose un problème: il y a certainement d’autres réponses à amener face à cette mouvance et à cette dérive, mais aussi sur les discriminations (ndlr: thématique au cœur du «wokisme», souvent défini comme un mouvement de gauche à tendance totalitaire par la droite). Même chose pour la Suisse à dix millions d’habitants!
Les unions du PLR avec la droite conservatrice, voire populiste, ne ressemblent-elles pas de plus en plus à des baisers de la mort?
Je ne pense pas. Dans d’autres circonstances, par exemple lors des élections cantonales vaudoises ou genevoises, le PLR a bénéficié de cette alliance. D’autre part, il ne faut pas s’arrêter uniquement au nombre de sièges perdus: dans le canton de Vaud, ça s’est joué à moins de 1% entre le PLR et l’UDC dans la course au National. Il faut regarder au-delà des apparences formelles.
Comment expliquer ce changement d’attitude de l’électorat, en quelques mois seulement, à Genève et dans le canton de Vaud?
Les gens votent différemment selon les circonstances.
Peut-on imaginer un PLR moribond, à 5%, dans dix ans?
C’est une possibilité. Mais la vraie rupture ne date pas de 2023! La vraie rupture, c’est lorsque l’UDC s’est réappropriée le discours libéral-conservateur dans les années 1990, notamment sur le concept de nation.
Mais est-ce que 2023 est une étape de plus dans le déclin?
Ce n’est pas un résultat prophétique pour le PLR, mais il y a des signes à prendre sérieusement en compte.
Quand vous voyez l’état des Républicains en France, vous ne vous dites pas que ça sent le roussi?
Il y a des parallèles possibles et des similitudes, même si le Rassemblement national n’est pas comparable à l’UDC.
Le deuxième siège du PLR au Conseil fédéral est-il réellement en danger?
L’érosion est là, et la question pourrait se poser. Mais je pense que c’est un peu prématuré. Il avait été demandé aux Vert-e-s d’attendre quatre ans et de confirmer leur progression de 2019 en 2023 avant de revendiquer un siège. Le PLR pourrait utiliser le même argument face au Centre.