La Via Piccolo Mondo mène à un idyllique lotissement situé juste au-dessus de la gare de la localité de Ranzo, au Tessin. Les maisons de vacances s'alignent les unes à côté des autres sur le versant du hameau. La première, sur la route de montagne sinueuse, appartient à la famille Hauser. Mais leur «petit monde» est aujourd'hui ébranlé... Ces héritiers ne peuvent plus pleinement profiter de leur vue panoramique sur le lac Majeur.
Il y a dix ans, le canton a fait dévaluer la surface de 2300 mètres carrés qui leur appartient. Les propriétaires n'ont pas été informés du fait que leur terrain à bâtir était devenu une terre agricole sans aucune valeur. Ils n'ont pas non plus été dédommagés. D'où la bataille juridique qui s'en est suivie des années durant.
Deux maisons à la trappe
«Nos parents ont acheté cette maison dans les années 1960. Nous tous, y compris nos enfants et petits-enfants, aimons la Casa La Vignetta», explique Walter Hauser. Selon lui, la maison était devenue trop petite pour accueillir plus de dix personnes. «Nous voulions construire deux autres maisons sur le terrain du jardin», explique le retraité zurichois.
Pas de problème, en théorie. Sur papier, le terrain est en zone à bâtir. C'est du moins ce que croyaient les frères et sœurs Hauser. Jusqu'à ce qu'un avis d'imposition ne leur parvienne en 2014.
«On nous a dit que nous devions payer moins que ce que nous payons pour notre terrain... puisqu'il s'agissait en fait d'une terre agricole», raconte Eva Hauser. La famille tombe des nues. «En réalité, en 2011, notre terrain à bâtir a été reclassé comme zone agricole par le Conseil d'État».
Une perte de valeur massive
Il n'est donc plus possible de construire. Et la perte de valeur du terrain avec vue panoramique sur le lac est massive. Lorsqu'en 2007, un nouveau plan a été prévu pour la commune, le frère de Walter, Philipp Hauser, s'est pourtant renseigné auprès de la municipalité pour savoir si leur terrain était concerné par un changement de zone. On lui a assuré qu'aucune modification n'était prévue.
La famille demande alors des conseils juridiques. L'expertise d'un professeur indépendant en droit de l'aménagement du territoire montre que le changement de zone est dû à une erreur de dessin, que le droit de l'aménagement du territoire en vigueur a été enfreint et qu'il y a donc eu «violation flagrante de l'interdiction de l'arbitraire comme indiqué dans la Constitution fédérale».
«Nous sommes allés jusqu'au Tribunal fédéral. Nous avons été déboutés partout», déclare Walter Hauser. «Et ce principalement parce que nous n'avons pas respecté le délai d'opposition de l'époque. Comment faire? Nous n'étions pas du tout au courant de la dévalorisation de notre terrain à bâtir». L'arrêt du Tribunal fédéral précise en outre que l'application du droit cantonal n'était pas arbitraire et qu'il n'était pas nécessaire d'informer personnellement les personnes concernées. Les plans avaient été publiés dans le journal officiel, les propriétaires devaient régulièrement s'occuper eux-mêmes de la situation juridique de leur terrain.
«Des impôts pendant des décennies»
La communauté d'héritiers concernée demande un dédommagement de 1,13 million de francs à la commune de Gambarogno, dont fait partie Ranzo. Elle a en outre payé des impôts sur le terrain à bâtir pendant des décennies. Mais la commune rechigne à payer. Dans la justification donnée début novembre 2021, elle explique que l'inscription dans le nouveau plan de zone n'était pas un changement de zonage, mais un non-zonage. En outre, les propriétaires n'auraient pas subi de préjudice important, car aucune demande de construction d'une autre maison n'avait encore été déposée. «Les tribunaux décideront si la commune doit verser une indemnité ou non. Nous nous conformerons à leurs décisions», a déclaré le président de la commune Gianluigi Della Santa, interrogé par Blick.
Les héritiers ont investi environ 30'000 francs dans le litige. Ils veulent continuer à se battre pour une indemnisation, mais sans grand espoir. «Nous et nos avocats avons l'impression que les tribunaux jugent en fonction de motifs économiques et protègent les autorités», déclare Walter Hauser avec amertume. Et d'ajouter: «Y a-t-il encore une sécurité juridique dans le cadre de l'aménagement du territoire au Tessin?»
(Adaptation par Daniella Gorbunova)