A peine arrivé en fonctions au Conseil national, le socialiste vaudois Benoît Gaillard imprime déjà son style rentre-dedans. Il dévoile à Blick les contours de sa première interpellation, déposée ce jeudi 5 juin, qui accuse le Conseil fédéral – en particulier Guy Parmelin – de ne rien faire pour baisser les loyers.
Assermenté le 9 mai dernier, le socialiste lausannois remplace Roger Nordmann au National et vit sa «première vraie session» en tant qu’élu à Berne. Et comme c’est l’un de ses dadas, son premier objet déposé concerne le logement, et plus particulièrement le système de calcul des loyers, qu’il estime «totalement dépassé».
Le nouveau conseiller national, membre du comité de l’Association suisse des locataires (ASLOCA) fonde son texte sur l’étude du bureau CIFI au sujet du modèle de loyer, réalisée sur mandat de l’Office fédéral du logement (OFL). Ses conclusions? Le modèle suisse de fixation des loyers – qui implique une négociation sur le droit du bail entre propriétaires et locataires, sur lequel la Confédération a son mot à dire – est obsolète, expliquait «Le Temps» en janvier déjà.
Une baisse possible, mais pas énorme
L’analyse assure que les augmentations de loyer récentes, expliquées par la hausse du taux de référence, n’ont pas suffisamment de fondements. Le modèle actuel, né dans les années 1980, part du principe que la majorité des détenteurs d’immobilier sont des propriétaires privés, et non des investisseurs institutionnels (fonds, assurance, sociétés et caisses de pension). Ce qui permet aux propriétaires d’avoir des rendements élevés avec des investissements considérés comme peu risqués.
«Les fonds immobiliers et les sociétés qui détiennent nos logements font des profits excessifs par rapport à ce que prévoit la loi», résume Benoît Gaillard. Cette étude passée sous les radars est donc une commande du Département du logement, dirigé par Guy Parmelin. Benoît Gaillard s’insurge: «Parmelin pourrait baisser les loyers – même une étude qu’il a commandée le lui recommande. Mais il ne fait rien!»
Dans les faits, un changement de système qui prendrait en compte les recommandations du bureau CIFI ne permettrait pas une baisse drastique des loyers. Mais le membre de la Commission fédérale du logement estime que sur une décision par ordonnance, des changements pourraient arriver rapidement et résulter en une baisse des loyers «ni impressionnante, ni gigantesque» d’au moins quelques pourcents.
Guy Parmelin en «ministre des tables rondes»
Comme beaucoup de politiques de gauche qui évoquent la question, le socialiste s’en prend frontalement à son compatriote vaudois UDC, qu’il qualifie de «ministre des tables rondes qui n’arrive même plus à en organiser». En effet, en mai dernier, le conseiller fédéral de droite conservatrice a dû annuler la rencontre prévue en juin entre les associations suisses de bailleurs et de locataires.
L’initiative populaire lancée en mai par l’ASLOCA et visant à freiner l’augmentation des loyers est, semble-t-il, mal passée dans le milieu des propriétaires immobiliers, qui ont annoncé renoncer à la table ronde. En face, on voit une provocation dans cette démarche. Le conseiller national Olivier Feller (PLR/VD) explique au «Temps» que l’initiative «attaque frontalement les fondements pourtant équilibrés du droit du bail tel qu’il existe aujourd’hui».
Une affirmation que Benoît Gaillard réfute. La gauche cherche à fragiliser la place de Guy Parmelin à la tête du logement, estime-t-il. «Il demande aux locataires de patienter, de patienter, et surtout de continuer à payer», conclut le socialiste. Le Conseil fédéral avait promis des mesures «au printemps» sur les loyers. En cette session d’été, reste à savoir comment sera reçu le «coup de pression» du nouveau venu.