Les F-35 sont nécessaires
La Suisse ne pourrait pas repousser de drones russes, alerte l'ex-chef de l'armée de l'air

La Suisse pourrait ne pas repousser les drones russes si la guerre en Ukraine s'étend en Europe occidentale, affirme Peter Merz. L'ancien chef de l'armée de l'air estime que les F-35 sont indispensables à la sécurité du pays.
Publié: 19:45 heures
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Dernière mise à jour: 19:49 heures
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Des drones russes ont atteint des cibles en Pologne.
Photo: AP
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Raphael Rauch

Peter Merz, la Suisse peut-elle repousser les drones russes?
Avec notre système actuel, ce ne serait pas possible. En Pologne, des avions de chasse néerlandais F-35 ont abattu des drones. Les F/A-18 en opération ici ne peuvent pas détecter les drones à cette distance. Nous pourrions aussi abattre les drones avec des canons depuis le sol, mais seulement s'ils sont à portée. Ce serait plus aléatoire.

Pourquoi la Suisse est-elle si mal préparée face aux drones?
La guerre en Ukraine a considérablement accéléré le développement de ces technologies. C'est entre autres pour cette raison que nous travaillons activement à la création d'un centre de compétences pour les drones et la robotique.

Vos pilotes s'entraînent-ils déjà à la chasse aux drones?
Non, pas encore. Nous nous entraînons à la défense aérienne terrestre, c'est-à-dire avec des canons. Les drones sont conçus de telle sorte qu'ils sont difficilement détectables au radar. Il est donc d'autant plus important que nous conservions les F-35 et les systèmes basés au sol.

Les drones russes auraient-ils également pu pénétrer l'espace aérien polonais, par erreur?
Ce scénario est envisageable car il y avait beaucoup de drones simultanément, mais je le considère comme peu probable,. Nous sommes confrontés à un nouveau niveau d'escalade. La Russie exerce déjà une influence quotidienne sur l'Europe dans ce que l'on appelle l'espace hybride – par le biais de cyberattaques, de l'espionnage, de la désinformation et des manipulations électorales. Les drones viennent désormais s'ajouter à cette liste.

Quand avons-nous besoin de drones, et quand avons-nous besoin d'un avion de chasse piloté?
Les drones peuvent collecter des informations et attaquer sans mettre en danger la vie du pilote. Mais ils ne sont pas encore adaptés aux situations complexes. Seul un pilote peut décider en quelques secondes de la conduite à tenir en cas d'attaque surprise. Il ne s'agit pas seulement de technique, mais aussi de droit, d'éthique, de proportionnalité et de bon sens.

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Il faut considérer l'armée dans son ensemble. Il est inutile de monter les différentes branches les unes contre les autres
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Le F-35 est un superordinateur. Pourquoi ne peut-il pas être contrôlé depuis le sol?
Son développement n'est pas encore autant avancé. Je pense qu'il faudra 30 ou 40 ans avant que les drones remplacent les avions de chasse pilotés.

A quoi ressembleront les guerres de demain?
Elles deviennent plus rapides, plus complexes et plus imprévisibles. Cela est principalement dû au développement rapide des technologies – pas seulement des drones, mais aussi du cyberespace, de l'intelligence artificielle et des missiles hypersoniques guidés, capables de frapper à grande distance en très peu de temps. A cela s'ajoute également le combat spatial.

Avez-vous remercié Serge Gaillard qui, dans son rapport, souhaite réduire les dépenses dans de nombreux domaines, mais pas dans l'armée de l'air?
Je ne connais pas personnellement M. Gaillard.

Il estime que les forces aériennes ont besoin de davantage de financement que les autres branches de l'armée, car la probabilité d'une attaque aérienne est la plus élevée.
Il faut considérer l'armée dans son ensemble. Il est inutile de monter les différentes branches les unes contre les autres.

Jusqu'à présent, le Parlement n'a pas progressé sur le budget militaire. Pourquoi sommes-nous en hibernation en matière de politique sécuritaire?
L'OTAN discute d'un objectif de 5%, et nous n'atteindrons même pas 1% dans les prochaines années en Suisse. Cela m'inquiète et représente un risque pour notre sécurité. J'ai le sentiment que nous nous sommes habitués à une certaine sécurité grâce à la prospérité de notre pays et que nous continuons à nous prévaloir d'une prétendue invulnérabilité. Malheureusement, il n'y aucune raison de baisser la garde.

Trump veut contraindre Poutine et Zelensky à un cessez-le-feu.
La situation sécuritaire en Europe est extrêmement dangereuse. Nous prévoyons que la guerre en Ukraine s'étende à l'Europe occidentale à partir de 2028. Nous devons agir.

Vous quittez l'armée de l'air. Vos relations avec le chef d'état-major de l'armée de terre, Thomas Süssli, seraient tendues.
C'est faux. J'entretiens une relation très professionnelle et respectueuse avec le commandant de corps Thomas Süssli.

Lui avez-vous pardonné d'avoir annulé le meeting aérien «Air Spirit 24» pour des raisons financières?
Bien sûr. Les divergences d'opinion font partie intégrante d'une collaboration constructive.

La pilule a-t-elle été dure à avaler?
Non. La décision a été prise, et nous attendons maintenant le spectacle aérien «Air Spirit 34» (rires).

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Le F-35 est l'avion de chasse le plus performant et le plus abordable. Sa valeur au combat est primordiale: le F-35 est imbattable
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Pourquoi ne vouliez-vous pas devenir chef de l'armée?
J'avais déjà décidé de relever un nouveau défi professionnel chez Skyguide. De plus, le Conseil fédéral est seul responsable de l'attribution du poste de chef des forces armées.

Devez-vous votre nouveau poste à la clique militaire? Le président de Skyguide, Aldo C. Schellenberg, était auparavant vice-chef d'état-major de l'armée.
Bien sûr, je le connaissais déjà, mais j'ai passé une évaluation en plusieurs étapes, et c'est finalement le conseil d'administration qui m'a élu.

Parlons du F-35, qui coûte plus cher que prévu. Combien de temps pourrions-nous encore continuer à faire voler le F/A-18?
Techniquement, n'importe quel avion d'époque est exploitable durant des années, mais il est absurde d'investir des milliards dans un vieux modèle. Il a fallu un demi-milliard de francs pour prolonger la durée de vie du F/A-18 de 1000 heures de vol après le rejet du Gripen. Nous avons reconsidéré la situation: 1000 heures de vol supplémentaires par avion nous coûteraient 1,7 milliard. Cela nous permettrait de voler pendant cinq ans, mais nous aurions un avion d'époque incapable de faire face aux menaces modernes. Cela n'a aucun sens d'un point de vue militaire et économique.

Si le F-35 devient si cher, pourquoi ne pas proposer une alternative européenne?
Le F-35 est l'avion de chasse le plus performant et le plus abordable. Sa valeur au combat est primordiale: le F-35 est imbattable.

Aux Etats-Unis, le F-35 est aussi surnommé la «reine du hangar» parce qu'il doit constamment aller au garage.
Les avions sont extrêmement complexes. Les problèmes de démarrage sont normaux. Les chefs d'état-major des forces aériennes de Grande-Bretagne, d'Italie et des Pays-Bas, qui exploitent déjà des F-35, en font l'éloge. Je n'ai aucune inquiétude.

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