«On voit bien le nouveau rapport de force: désormais, c’est la droite qui va faire la pluie et le beau temps à Genève!», se réjouit un membre de l’UDC.
Devant un parterre parsemé de nouveaux députés, majoritairement de droite, le premier Grand Conseil de la nouvelle législature s’est tenu jeudi et vendredi à Genève. Alors que les ministres sortants ont fait leurs adieux, discours à l’appui, le nouveau Conseil d’État, lui aussi à droite — contrairement au précédent — s’apprête à prendre ses fonctions à l’issue de l’investiture qui aura lieu le 31 mai prochain.
Blick en a profité pour sonder les députés entre deux votes, dans les couloirs du parlement. Du PS à l’UDC, en passant par le PLR et les nouveaux venus du parti de Pierre Maudet: que pensent-ils de leurs nouveaux ministres, et de la recomposition des départements du canton? Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir de Genève?
Pour rappel, Pierre Maudet (LJS) pilotera le Département de la santé et des mobilités — qui n’existait pas en tant que tel auparavant. La PLR sortante Nathalie Fontanet reste aux finances. Sa colistière libérale-radicale Anne Hiltpold, nouvelle élue, sera à la tête du Département de l’instruction publique. Thierry Apothéloz (PS) conserve son siège à la cohésion sociale, et Antonio Hodgers (Les Vert-e-s) celui du territoire. La socialiste Carole-Anne Kast sera à la tête de la police, qui se nomme désormais le Département des institutions et du numérique. Delphine Bachmann (Le Centre) va quant à elle gérer l’économie et l’emploi.
Un casting qui ne fait pas forcément l’unanimité, si on en croit les bruits de couloir: voici ce qu’en pensent les parlementaires. Et ils nous le disent sans filtres. Afin de garantir leur liberté d’expression, nous avons choisi de ne pas divulguer l’identité de nos intervenants — indiquant seulement leur parti.
«Un complot?»
Sans surprises, c’est le nouveau Département de la santé et des mobilités, avec Pierre Maudet à sa tête, qui fait le plus jaser. Première question: pourquoi avoir fusionné ces deux énormes domaines, et est-ce bien judicieux?
Dans les jardins de l’Hôtel-de-Ville, lors de la pause, un élu MCG monte au créneau: «Je ne comprends pas très bien pourquoi ils ont mis les deux, qui n’ont rien à voir, ensemble… Est-ce le résultat d’âpres négociations, ou d’un complot contre Maudet?»
«D’après les rumeurs, personne ne voulait gérer la mobilité. Du coup, ils l’ont fusionné avec la santé…», affirme une autre personne élue sous la bannière du MCG. À ses côtés, un UDC hoche de la tête.
Un élu du PS abonde dans le même sens: «Pierre Maudet à la mobilité, ça me convient: personne ne voulait de ce département, de toute façon. En revanche, le fait que le Conseil d’État préfère donner la santé à un type corrompu plutôt qu’à la gauche, ça, ça m’inquiète.»
Pierre Maudet attendu au tournant
Un de ses collègues de parti se montre plus véhément encore: «Ce département ne joue pas, tout simplement! C’est une espèce de collage étrange… Mettre la santé avec la cohésion sociale (ndlr: qui est aux mains du socialiste Thierry Apothéloz) aurait été bien plus logique!»
Pierre Maudet, débouté du gouvernement en 2018, est pour le moins attendu au tournant. La thématique clé de sa campagne électorale ayant été une caisse maladie publique, sera-t-il vraiment en mesure de tenir cette promesse faite au peuple?
Du côté de son parti, on se montre plutôt serein. Une députée de Liberté et justice sociale (LJS) affirme: «Nous sommes vraiment ravis d’avoir eu la santé. On va la créer, cette caisse publique!»
«Carole-Anne Kast, la pauvre»
Le département de la police «est un vrai siège éjectable, surtout pour une socialiste», clament de concert plusieurs députés, de gauche comme de droite. Une personne de l’UDC ne mâche pas ses mots: «Carole-Anne Kast à la police, c’est inquiétant, quand même. Enfin, surtout pour elle… La pauvre.»
Un député socialiste se montre lui aussi préoccupé: «Une magistrate de gauche à la police, ça peut être explosif, oui…» Un autre se veut plus rassurant: «Il ne faut pas oublier qu’elle a déjà été responsable de la sécurité dans sa commune, à Onex. De plus, j’ai l’impression que ce n’est plus vraiment un sujet polémique, aujourd’hui, à part pour la prison de Champ-Dollon, qui pose toujours problème.»
Du côté du MCG, un politicien ironise: «Donner la police à une socialiste, c’est une bonne idée, je trouve: ça va lui apprendre comment ça marche vraiment!» Debout à côté de lui, à la cafétéria un Grand Conseil, un élu du PS rétorque: «C’est une dure, Carole-Anne Kast. C’est elle qui va leur apprendre comment marche la police!»
De manière plus anecdotique, le nouveau nom de ce département – institutions et numérique – fait pas mal ricaner. Un autre socialiste confesse: «Je pense que la population ne va pas vraiment comprendre ce que ça veut dire du premier coup… 'institutions', c’est vraiment général, comme terme.»
Le PLR jubile
Du côté du PLR, dont les deux ministres sont les mieux élues du canton, on se réjouit de cette nouvelle conjoncture. Un politicien commente: «Nous voulions absolument garder les finances, avec Nathalie Fontanet, et reprendre le Département de l’instruction publique (DIP) avec Anne Hiltpold. C’est donc une opération réussie! Et puis Delphine Bachmann à l’économie, c’est aussi une bonne décision, de notre point de vue.»
Le libéral-radical regrette en revanche que la magistrate du Centre n’ait hérité que d’une seule thématique, lors de la refonte des départements.
Pour un membre du MCG aussi, le Département de l’instruction publique qui passe à droite – sous l’égide d’Anne Hiltpold – est une bonne chose. «Elle va être plus ferme que sa prédécesseure, elle va faire un peu de ménage!»
Surprenant mais vrai, un socialiste abonde dans son sens: «Le DIP est une force d’inertie, de toute façon. Donc qu’il soit aux mains des libéraux-radicaux ne me pose pas vraiment problème. On verra ce qu’ils arrivent à en faire.»