Nous sommes le 9 février 2019, peu après minuit. Les routes sont mouillées et glissantes. Serge F.* est au volant de sa Seat Leon sur l’autoroute A1 à hauteur de Courgevaux (FR), en direction de Berne, quand une conductrice en sens inverse se met à foncer vers lui.
Rebekka G.* déboule avec sa BMW sur le Romand qui ne parvient pas à l’éviter: c’est le choc frontal entre les voitures dans un tunnel. La scène n'est plus qu'un amas d'éclats de verre et de tôle. Des bouts des véhicules se disloquent et jonchent l’asphalte. Malgré la violence de l’impact, les deux conducteurs survivent… de justesse.
Peur bleue au Palais fédéral
La vie de Serge F. ne tenait plus qu’à un fil. Son employeur, qui n’était autre que le conseiller fédéral Alain Berset, a failli perdre son huissier personnel. L’homme, âgé de 26 ans seulement au moment des faits, a été plongé en coma artificiel. L’accident a compromis durablement toutes les tâches que le jeune magistrat devait mener lors d’événements officiels.
Depuis ce douloureux épisode, trois ans se sont écoulés et l'heure du procès est arrivée. La conductrice devra répondre de ses actes mercredi devant la justice fribourgeoise. Le Ministère public l'accuse de tentative d’homicide volontaire et mise en danger de la vie d’autrui, une violation grave du code de la route ainsi que des infractions à la loi sur les stupéfiants, comme en atteste l’acte d’accusation que Blick a pu se procurer.
Une course infernale de 3,8 kilomètres
Selon ce texte, Rebekka G. a d’abord roulé correctement sur l’autoroute et a pris la sortie à Morat (FR). Mais elle a ensuite fait demi-tour, a repris la sortie qu’elle venait d’emprunter et s’est retrouvée sur l’autoroute en sens inverse. Elle aurait alors roulé beaucoup trop vite sur la route mouillée sur une distance de 3,8 kilomètres.
À 00h05, dans le tunnel des Vignes, l’accusée est «passée de la voie de dépassement à la voie normale à une vitesse massivement augmentée» et est entrée en collision avec Serge F. «sans freiner et de manière frontale au milieu de la voie normale». Après le choc avec la Seat et la collision avec la paroi du tunnel, la BMW aurait encore été projetée sur 245 mètres avant de s’immobiliser devant l’entrée du tunnel.
Il craignait pour sa vie, elle s’en sort avec des égratignures
Selon le ministère public, Serge F. a subi de lourdes blessures: une grave lésion cérébrale, diverses lésions des organes internes et plusieurs fractures. Aujourd’hui encore, il doit suivre une physiothérapie afin de travailler son équilibre et sa force.
Alors que le Romand se bat toujours pour retrouver une vie normale, Rebekka G. s’en est tirée avec quelques égratignures, blessures et contusions. Personne n’a encore pu expliquer ce qui a poussé la jeune femme à s’engager sur l’A1 à contresens. L’accusation avance toutefois une explication: la conductrice était complètement droguée.
Une crise paranoïaque causée par de la cocaïne?
L’expert estime que plusieurs scénarios sont réalistes, mais que l’influence de la drogue joue un rôle central. Il est par exemple envisageable que Rebekka G. ait souffert d’un «trouble de l’orientation locale d’origine psychotique» à cause de la cocaïne. Ou qu’elle ait voulu mettre fin à ses jours en raison des fortes angoisses paranoïaques qui peuvent survenir comme effet secondaire à la prise de cette drogue. D’un point de vue médico-psychiatrique, cela signifierait que la Bernoise a une responsabilité limitée de l’accident.
La procédure contre Rebekka K. a été abrégée. La conductrice à contresens est passée aux aveux. Le Ministère public estime qu’une peine de prison avec sursis de 24 mois, assortie d’un délai d’épreuve de trois ans, ainsi que d’une amende pour contravention de 1000 francs sont des sanctions appropriées. Pour ce faire, elle devra poursuivre la thérapie entamée durant cette période de délai.
* Noms d’emprunt
(Adaptation par Louise Maksimovic)