L'Office fédéral de la statistique (OFS) a analysé les salaires des Suisses. Le revenu médian a augmenté de 1,8% entre 2020 et 2022, pour atteindre 6788 francs. D'emblée, une augmentation de salaire, ça a l'air génial. Pourtant, rien ne se répercute vraiment sur le porte-monnaie. Le renchérissement a été plus élevé et le pouvoir d'achat du salaire médian a baissé de 1,5%. Il restait donc moins d'argent aux Suisses à la fin du mois.
Le directeur de l'Union patronale suisse (UPS), Roland Müller, a mentionné mardi devant les médias d'une «croissance salariale substantielle». Il a défendu la mini-augmentation des salaires d'à peine 2% par le «contexte de crise». Le Covid et les goulots d'étranglement dans les livraisons, sans compter la hausse des prix de l'énergie et la guerre en Ukraine, ont rendu les affaires des entreprises nettement plus difficiles ces dernières années.
«Du mal à joindre les deux bouts»
Pour l'économiste syndical Daniel Lampart, les augmentations de salaire ont été beaucoup trop faibles. «Associées au choc des primes d'assurance maladie, de plus en plus de ménages ont du mal à joindre les deux bouts.» Il est particulièrement effrayant de constater que les employés des services postaux et des services de courrier, par exemple, avaient en 2022 un salaire nominal inférieur à celui de 2010. Dans l'industrie chimique, métallurgique et électrique, les salaires réels ont également baissé entre 2018 et 2022 pour les personnes sans fonction de cadre.
L'association patronale ne dément pas non plus la perte de salaire réel. Dans les années précédant 2022, c'est surtout le fort renchérissement qui a donné du fil à retordre aux travailleurs, selon le directeur Roland Müller.
L'inflation touche les entreprises
Michael Siegenthaler, expert du marché du travail au Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ, explique: «Comme les biens à l'étranger et en particulier l'énergie sont devenus plus chers, nous avons eu un renchérissement importé. Cela signifie que l'inflation a touché les entreprises tout autant que les salariés.» Ces derniers auraient vu leurs coûts augmenter et n'auraient donc pas eu assez d'argent pour augmenter les salaires de leurs employés.
A cela s'ajoute le fait qu'au cours des dix années précédant la pandémie, nous aurions eu en Suisse des taux d'inflation généralement proches de 0%. «On s'était habitué à des prix stables. Après le Covid, il nous a fallu du temps pour nous habituer à l'inflation», éclaire l'expert. Les salaires en Suisse sont généralement adaptés en automne au taux d'inflation de l'année précédente. Ils réagissent donc avec un certain retard à l'augmentation des prix.
Doit-on s'attendre à une hausse des salaires?
L'expert du marché du travail affirme toutefois que la pénurie de main-d'œuvre qualifiée a plutôt aidé à la croissance des salaires. Seulement, les travailleurs profitent surtout de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée lorsqu'ils changent d'entreprise. «Ils peuvent alors négocier des augmentations de salaire plus importantes que celles qui sont possibles dans la même entreprise. Mais cela ne s'est pas beaucoup produit en Suisse au cours des deux dernières années», explique Michael Siegenthaler.
Pour cette année, le KOF s'attend à une croissance salariale de 2%. Il en résultera probablement une petite augmentation des salaires réels. Pour 2025, les salaires réels augmenteraient de 0,5 à 1%. La plus grande incertitude concerne l'évolution de l'inflation. Si un nouveau choc énergétique se produisait, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur les salaires réels.