Cela n'aura échappé à personne, la situation sécuritaire en Europe est très tendue, et la guerre en Ukraine commence à inquiéter les soldats suisses, qui s'interrogent aujourd'hui plus sérieusement sur leur rôle. En effet, les aumôniers militaires ont constaté un changement de perception lors des discussions et des rencontres avec les soldats.
Le pasteur réformé Christian Scharpf officie comme aumônier militaire au sein du bataillon de sauvetage 4. L’idée que celui-ci puisse être déployé en cas de défense n’a plus rien de théorique, rapporte-t-il dans le journal évangélique réformé «Reformiert». «Autrefois, nous jugions cela impensable. Aujourd’hui, nous sentons que la sécurité en Europe est devenue fragile.» Ainsi, les soldats et soldates ne remettent quasiment plus en question le sens du service militaire.
Le nombre de demandes a doublé!
Cette évolution se reflète dans le nombre croissant de sollicitations. «L’aumônerie de l’armée n’a jamais été autant demandée», affirme Fabian Kuhn, pasteur et aumônier expérimenté à l’école de recrues d’infanterie de Gossau (Saint-Gall). Selon lui, le nombre de demandes a doublé en dix ans. La guerre en Ukraine constitue, à ses yeux, un facteur déclencheur, et cette tendance s’est encore accentuée ces derniers mois.
L'aumônier observe également une polarisation plus marquée parmi les jeunes militaires: «De plus en plus de recrues viennent me voir en disant: 'Aidez-moi à tenir le coup pendant l’école de recrue, je veux aller jusqu’au bout, car j’en comprends le sens'», confie-t-il. Parallèlement, un nombre croissant de jeunes peinent à accepter l’idée de porter les armes. Certains prennent conscience que, dans un conflit, ils pourraient être amenés à tuer. «Ils me disent alors: 'En réalité, je veux sauver des vies, pas les ôter.'»
Nettement plus d'aumôniers militaires
Il n'existe pas de chiffres à l'échelle nationale. Mais Samuel Schmid, chef de l'aumônerie, estime que la demande a tendance à augmenter. Non seulement les soldats sont plus ouverts à l'aumônerie qu'auparavant, mais la pandémie du Covid a montré que les questions existentielles sont plus souvent posées en période d'incertitude: «Nous le constatons à nouveau aujourd'hui.»
Pendant la pandémie, le nombre d'aumôniers militaires est passé de 171 à 242. Aujourd'hui encore, les soldats en profitent. De plus, la formation est désormais proposée chaque année au lieu de tous les deux ans et dure plus longtemps afin de répondre aux exigences croissantes.
«Nous accompagnons des personnes qui, dans des situations extrêmes, peuvent être amenées à tuer ou à risquer leur propre vie. La formation doit en tenir compte», souligne Samuel Schmid. Désormais, l’éthique militaire fait partie intégrante des thématiques abordées. Et depuis 2022, les aumôniers doivent s’engager à servir même au péril de leur vie. «Il y a vingt ans, une telle exigence aurait suscité l’incrédulité.» Aujourd’hui, un tel scénario ne peut plus être écarté.