Jean-Michel Karr, maire genevois, quitte le parti
«L’action des Vert-e-s genevois est associée à des destructions»

Le maire de Chêne-Bougeries (GE) Jean-Michel Karr a quitté les Vert-e-s genevois mi-janvier, faute d'avoir obtenu une dérogation pour se présenter une quatrième fois aux élections communales. Ce vendredi, il critique Antonio Hodgers, conseiller d'État écolo. Interview.
Publié: 23.02.2024 à 16:41 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2024 à 20:11 heures
Le maire de Chêne-Bougeries Jean-Michel Karr quitte les Vert-e-s genevois. Il nous explique pourquoi. (Capture d'écran: Léman bleu)
Photo: Capture d'écran/Léman Bleu
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Il a quitté les Vert-e-s genevois parce qu'il «aime beaucoup les arbres», affirme-t-il. Maire de Chêne-Bougeries, Jean-Michel Karr a fait trois mandats consécutifs sous la bannière des écologistes, avant de claquer la porte du parti le 15 janvier.

Celui qui gouverne actuellement aux côtés de la libérale-radicale (PLR) Marion Garcia et du Vert Florian Gross argue ne pas être «pas en accord avec la politique» d'Antonio Hodgers. Le quinquagénaire reproche au président du Conseil d'État genevois et membre des Vert-e-s l'avancée du béton sur la nature. 

Autre cause de son départ? Jean-Michel Karr aurait voulu faire un mandat de plus à la tête de l'exécutif de sa ville, ce que les statuts des Vert-e-s excluent, à moins d'une dérogation spéciale. Dérogation que l'élu n'a pas obtenue: «Les magistrats ont droit à trois mandats», a rappelé la présidente de la section genevoise Delphine Klopfenstein Broggini dans les colonnes de la «Tribune de Genève».

Et la conseillère nationale d'ajouter: «Cela représente quinze ans au sein d’un Exécutif communal. C’est long. Nous pensons qu’il est essentiel de laisser ensuite la place à de nouvelles personnes et la section de Chêne-Bougeries est dynamique.» Place aux autres, donc.

Jean-Michel Karr siège désormais comme indépendant, et se réserve le droit de se représenter au Conseil administratif aux prochaines élections, au printemps 2025. Il prendra sa décision d'ici à cet automne. Pourquoi l'élu peine-t-il à tirer sa révérence? Qu'a-t-il à reprocher aux Vert-e-s genevois, au juste? Interview.

Jean-Michel Karr, vous avez déclaré, mi-janvier à l’agence Keystone-ATS, que vous quittiez les Vert-e-s genevois car… vous aimez trop les arbres. Le parti écologiste du bout du Léman n’aime pas assez les arbres, à votre goût?
J’aime beaucoup les arbres, oui, et ce n’est pas qu’une formule. Je défends sans cesse la pleine terre, l’arborisation et tout ce qui vit autour. Mais cela est-il vraiment compatible avec les priorités du magistrat en charge du Département du territoire (DT) Vert au niveau cantonal, Antonio Hodgers?

Que reprochez-vous exactement au magistrat Vert, et à votre désormais ex-parti?
Je ne reproche rien à personne et n’estime pas détenir la raison. Mais l’action gouvernementale des Vert-e-s genevois est parfois associée par la population à des destructions urbanistiques et des sur-densifications, et une partie de la base ne s’y retrouve pas toujours. Après 27 ans à essayer, à l’intérieur des Vert-e-s, de déplacer le curseur vers plus d’humilité face à la nature et à l’animal, j’ai réalisé au travers du refus de cette dérogation pour une nouvelle candidature que cela gênait peut-être un petit peu, car j’étais prêt à essayer encore.

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«Peut-être souhaite-t-on [...] des profils moins indépendants, plus alignés sur la doctrine du parti cantonal»
Jean-Michel Karr, maire de Chêne-Bougeries (GE) indépendant
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Est-ce qu'on ne vous a pas refusé une dérogation simplement pour laisser la place à la relève? Ça fait quinze ans que vous gouvernez, après tout.
La promotion de la relève est indispensable. Peut-être souhaite-t-on aussi des profils moins indépendants, plus alignés sur la doctrine du parti cantonal. Mais il n’y a, au final, ni gravité ni rancœur envers qui que ce soit de ma part; je me suis retiré sans claquement de porte, et je reste animé par les mêmes convictions en matière de nature, de paysage et de société qu’au premier jour de mon engagement.

Vous ne claquez peut-être pas la porte, mais vous la fermez tout de même, pour pouvoir rester à l’Exécutif si vous êtes réélu comme indépendant.
Cette dernière législature aux côtés de Florian Gross (ndlr: conseiller administratif membre des Vert-e-s) a été très productive par rapport aux deux précédentes, plutôt subies. Nous travaillons, au sein du Conseil administratif, en assez bonne intelligence avec notre collègue du Parti libéral-radical (ndlr: Marion Garcia). Nous avons plus de projets que jamais, une quarantaine en cours. Et c’est d’ailleurs l’avancée de certains projets avec nos équipes qui participera notamment à déterminer, d’ici à l’automne, si je me représente ou non aux prochaines élections comme indépendant.

Un exemple de projet que vous aimeriez achever?
La protection de la biodiversité de Chêne-Bougeries, promue par le Plan directeur communal. J'aimerais aussi terminer la rénovation du village de Chêne-Bougeries avec l’aménagement de l’espace public du quartier Pont-de-Ville et Fontaine, un lieu peu favorisé, qui cumule les erreurs des années septante.

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«Je n’ai de leçon à donner à personne, mais j'ai un conflit de valeurs concernant les arbres centenaires abattus [...]»
Jean-Michel Karr, maire de Chêne-Bougeries (GE) indépendant
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Lorsque vous dites que les Vert-e-s genevois sont associés à «des destructions urbanistiques et des sur-densifications», qu’entendez-vous exactement?
Je constate, au niveau des lois et de la pratique, un productivisme et une permissivité générale en matière d’autorisations de construire, qui pondèrent, à mon sens, insuffisamment la protection du sol, des arbres et de la biodiversité. Cette politique se traduit aussi par des volontés de déclassement ou de plans localisés de quartier qui ne sont pas assez respectueux (ndlr: de l’environnement). Nous sommes un certain nombre à Genève avec ce point de vue, sans prétendre avoir tout juste.

Pouvez-vous donner un exemple concret d’un projet du département d'Antonio Hodgers, qui n’est pas assez vert à votre goût?
Je n’ai de leçon à donner à personne, mais j'ai un conflit de valeurs concernant les arbres centenaires abattus avec la maison du Jeu de l’Arc (route de Chêne), les 80 arbres abattus sur la parcelle de la maison Rosemont (Chevillarde) qui elle-même était recensée exceptionnelle. Mais aussi la démolition de la maison Wanner dite la Gradeline, l’abattage sans appel du cèdre de la rue du Moléson, les tirs de chevreuils et de cerfs dans les bois de Versoix…

Ça fait beaucoup. Vous avez souligné que Chêne-Bougeries est par ailleurs la «seule commune de Suisse avec une majorité écologiste à l'Exécutif», ce qui en ferait la commune la plus verte de Suisse, en un sens. Comment expliquez-vous ce penchant assez exceptionnel?
Nous avons un certain patrimoine naturel et bâti résiduel, ainsi que des citoyens plus âgés que la moyenne des communes suisses. Et donc peut-être aussi plus enracinés qu’en moyenne, par rapport aux autres villes et villages genevois. Notre population est aussi très diverse, selon les quartiers. Nous devons, en tant que responsables, trouver un liant entre des réalités sociales très variées. La protection du cadre de vie commun est le liant pour lequel je suis pleinement engagé.

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