Cela peut sembler paradoxal: le marché immobilier a beau générer des milliards, peu de nouveau logements voient le jour. Et ce même, si l'argent pour construire ne manque pas. Pour les locataires, cette abondance financière pourrait avoir des effets très négatifs.
De janvier à fin septembre, près de sept milliards de francs de capitaux supplémentaires ont été investis dans des placements immobiliers. C'est nettement plus qu'en 2020 et 2021 sur l'ensemble des deux années. A l'époque, les investisseurs ne savaient plus quoi faire de leur argent en raison des taux d'intérêt négatifs. Ils ont donc chois d'investir dans ce qu'ils appellent «l'or du béton».
Mais le manque de placements est désormais de retour. «Le marché immobilier est comme un aspirateur qui attire à nouveau beaucoup de capitaux», explique l'expert immobilier Donato Scognamiglio.
Des rendements solides, des risques gérables
Le problème, c'est qu'entre la planification et la construction de nouveaux logements, plusieurs années s'écoulent. Une récente étude de Raiffeisen montre que le nombre de demandes et d'autorisations de construire reste décevant: malgré l'abondance de capitaux, «aucune impulsion de l'offre» n'est constatée. L'espoir de voir la pénurie de logements se réduire est donc compromis pour les deux à trois prochaines années.
La hausse des loyers, les taux d'inoccupation très bas et la politique de taux zéro de la Banque nationale suisse (BNS) devraient théoriquement encourager la construction. Les obligations ne rapportant presque plus rien, l'investissement dans l’immobilier – le fameux «l'or du béton» – offre des rendements attractifs et des risques maîtrisés.
Le fait que les investisseurs ne construisent pas plus de maisons s'explique par plusieurs raisons: les terrains à bâtir manquent et les recours sont devenus un sport national. A cela s'ajoutent des coûts de construction élevés et de nombreuses réglementations.
Une dynamique dangereuse pour les locataires
Au lieu de stimuler la construction, cet afflux d'argent crée une dynamique risquée pour les locataires. Les fonds immobiliers, contraints de placer leur capital de manière rentable, se tournent vers les immeubles existants dès lors que peu de nouveaux logements voient le jour. Résultat: les prix d'achat explosent, tandis que les loyers actuels offrent des rendements bien moins attractifs après l'acquisition.
Lorsque les prix des immeubles grimpent, le rendement locatif baisse. Les investisseurs cherchent un taux d'intérêt attractif, ce qui pousse les gestionnaires de fonds à augmenter leurs revenus.
Ils y parviennent parfois en relevant légèrement les loyers lors d'un changement de locataire, mais cela reste insuffisant. Une partie des fonds est aussi consacrée à des rénovations énergétiques, des transformations ou des surélévations, rendant parfois les nouveaux logements presque deux fois plus chers, et même inaccessibles pour les anciens occupants, explique Donato Scognamiglio.
«Responsabilité sociale»
En d'autres termes, davantage de bâtiments seront résiliés pour être ensuite rénovés ou démolis et remplacés par une nouvelle construction. Cela permettra tout de même de créer un peu plus de logements. Mais cela signifie aussi que les loyers seront nettement revus à la hausse.
«C'est en fait une bonne chose que tant d'argent soit injecté dans le marché immobilier. Mais il devrait être possible d'y construire une part de logements à prix modérés, explique l'expert immobilier. Cela fait partie de la responsabilité sociale.»
En l'état actuel des choses, cependant, cet afflux d'argent va chasser encore plus de ménages à faibles et moyens revenus des centres-villes. Les appartements de luxe qui y sont désormais construits restent parfois vides pendant des mois après leur achèvement. Cependant, avec suffisamment de patience, on parvient généralement à trouver un locataire, en raison, justement, de la pénurie de logements.