En ce lundi matin, le ciel de Bümpliz est aussi gris que cette grande tour de béton. Seuls les nombreux stores orange, dont les lambeaux arrachés flottent au vent, apportent un peu de couleur à ce paysage morne.
Ce triste tableau reflète l'état d'esprit des riverains de cet immeuble de 20 étages située dans un quartier ouvrier de Berne. Il y a quelques semaines, les 144 locataires ont reçu une lettre de résiliation de bail de la coopérative de construction Brünnen-Eichholz, propriétaire de l'immeuble.
Tous les locataires doivent trouver un nouveau logement d'ici au 30 juin 2026. «Après 52 ans d'exploitation, la tour et ses installations ont atteint la fin de leur durée de vie», peut-on lire dans la lettre dont Blick a pris connaissance. Le bâtiment sera totalement rénové à partir de juillet 2026.
Un choc pour les locataires
Une visite le confirme: le bloc a pris de l'âge. Malgré tout, la nouvelle est un choc pour de nombreux habitants. Surtout pour ceux qui appellent cette tour leur «maison» depuis plus d'un demi-siècle et qui doivent maintenant déménager.
De nombreux locataires avec lesquels Blick s'est entretenu ont plus de 80 ans. Pour eux, quitter leur environnement est une source de stress. «Nous espérons vraiment trouver quelque chose ici, dans le quartier, parce que nous avons pris racine», explique un couple de retraités qui souhaite rester anonyme. «Nos enfants sont nés et ont grandi ici, nos amis de longue date vivent tous ici. Et il est extrêmement difficile de trouver quelque chose en ce moment», ajoutent-ils tristement.
L'aménagement intérieur des appartements construits dans les années 1970 n'est plus au goût du jour: les appartements sont mal isolés et les murs sont minces. Dans les couloirs, on entend le vent souffler. Seuls huit des vingt étages sont accessibles par l'un des trois ascenseurs. Ceux qui n'habitent pas à l'un de d'eux ne peuvent accéder à leur appartement que par les escaliers.
«Nous aimons vivre ici»
Outre de nombreux seniors, beaucoup de familles vivent dans la tour. L'une d'entre elles est la famille Fässler*, que Blick rencontre dans son appartement de quatre pièces juste avant de partir en vacances d'été. Sulaiman et Jasmin Fässler ont trois fils et vivent depuis onze ans dans cette tour. «Nous aimons vivre ici. Nos fils s'entendent bien avec les autres enfants et les riverains nous laissent tranquilles», explique Jasmin Fässler. «Nos voisins sont compréhensifs quand il y a un peu de bruit avec nos trois garçons.»
Pour cet appartement, le couple paie 1500 francs nets. «Nous ne trouverons plus rien d'aussi bon marché», craint le père de famille. «Nous ressentons la crise du logement en Suisse», ajoute-t-il. L'ambiance parmi les habitants est pesante.
Certains ont emménagé en février
Ceux qui habitent ici sont tributaires d'un logement bon marché. La tour a été réalisée par le couple d'architectes bernois Hans et Gret Reinhard, qui a marqué de son empreinte la construction de lotissements et de logements coopératifs à Berne. Autrefois destiné à la classe moyenne, ce bloc d'habitation est aujourd'hui habité par des familles à petit budget.
Les loyers des appartements varient actuellement entre 410 francs nets pour un studio et 1600 francs pour un appartement de 5,5 pièces. Les nouveaux loyers augmenteront d'au moins 300 francs. Au lieu des 144 logements actuels, les travaux permettront d'en créer 150.
Dans cette tour, habitent également des étudiants qui n'ont emménagé qu'en février 2025. Au moment de leur emménagement, aucun d'entre eux n'avait connaissance de la rénovation prévue, racontent-ils.
«Un retour est tout à fait possible»
C'est l'entreprise Dr. Meyer Immobilien qui est en charge de la rénovation du bâtiment. «Lors d'une rénovation de cette ampleur, les normes de sécurité prescrites par la loi pour les immeubles de grande hauteur en matière de protection contre les incendies et de sécurité sismique doivent être respectées», explique le directeur Marc Balsiger. «Les travaux ne peuvent malheureusement pas être effectués si le bâtiment est occupé.»
Outre un délai de préavis prolongé, les personnes concernées bénéficieront d'une aide pour trouver un logement. Selon les responsables, il n'existe pas de solution transitoire. Mais ceux qui souhaitent revenir bénéficieront d'un droit de priorité. «Un retour dans l'immeuble est tout à fait possible», déclare Marc Balsiger.
Une habitante seule, qui souhaite également rester anonyme, a de la chance et a déjà trouvé un nouvel appartement. Certes en dehors de Bümpliz, mais c'est un énorme soulagement. «Avant, il y avait des nuits où je ne fermais pas l'œil à cause de ça», avoue-t-elle.
*Nom d'emprunt