«Ils ne veulent que des légumes parfaits!»
Un paysan zurichois se retrouve avec 13 tonnes de carottes bio invendues

Sur les 18 tonnes de carottes que l'entreprise Demeter Gut Rheinau voulait vendre, elle en a reçu 13 en retour pour cause de défauts. S'agit-il de normes de beauté absurdes ou est-ce que personne n'achèterait ces carottes tordues? Blick a mené son enquête.
Publié: 22.11.2024 à 20:01 heures
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Dernière mise à jour: 23.11.2024 à 08:24 heures
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Ces carottes ne correspondaient pas à la norme de l'Union maraîchère suisse. Le domaine de Rheinau a dû en reprendre 13 tonnes.
Photo: zVg
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Gabriel Knupfer

Mauvaise surprise pour l'exploitation Demeter Gut Rheinau dans le canton de Zurich: la ferme a produit 18 tonnes de carottes pour le commerce de détail, mais 13 lui ont été retournées. Pour déterminer ce qui est mis en vente, il existe les prescriptions suisses de qualité pour les légumes de l'Union maraîchère suisse. Les exigences sont décrites avec précision dans une liste.

Pour les carottes, par exemple, les légumes tordus, décolorés ou cassés ne sont pas souhaités. Les carottes pesant moins de 40 grammes, ayant une trop grande partie verte, ou des tâches brunes et noircies ne sont également pas admises.

Les carottes retournées ne sont pas stockables

Pour Moritz Ehrismann du domaine de Rheinau, ces prescriptions sont parfois absurdes. «30% des carottes retournées seraient facilement mangeables», dit-il. Et comme les carottes ont déjà été lavées, elles ne sont plus stockables. Avec l'aide de la coopérative Grassrooted, la ferme cherche maintenant des acheteurs pour les légumes. L'objectif est au moins d'endiguer les pertes et d'éviter que les aliments ne soient transformés en nourriture pour animaux. Du point de vue de l'agriculteur, les exigences concernant les légumes entraînent un gaspillage alimentaire. 

Pourquoi donc de telles prescriptions? Blick se renseigne auprès de l'organisation de producteurs bio Terraviva. L'entreprise de Chiètres (FR) a emballé et revendu les 4,5 tonnes de carottes restantes du domaine de Rheinau. Les normes usuelles du commerce sont «indispensables», écrit l'entreprise. En effet, elles servent en premier lieu à la sécurité alimentaire, à la santé des consommateurs et à l'assurance qualité. «Elles se basent en outre sur le comportement d'achat des consommateurs, qui influence de manière déterminante la demande de certains produits.»

De plus, Terraviva précise qu'elle n'avait pas connaissance d'un refus de marchandise portant sur 13 tonnes de carottes avant la demande de Blick: «Il n'existe pas de relation commerciale directe entre Terraviva AG et l'exploitation Demeter Gut Rheinau.»

11'535 kilos sont tombés lors du conditionnement

L'exemple des carottes montre de manière exemplaire à quel point le système avec les denrées alimentaires suisses est ramifié: jusqu'à ce que les légumes arrivent dans les rayons de Migros et Coop, ils passent par de nombreuses mains. Ainsi, les carottes de Gut Rheinau ont été commandées par un producteur local. Celui-ci prévoyait de les revendre à Terraviva après leur préparation par l'entreprise Aschmann.

L'entreprise écrit sur demande qu'elle a lavé et trié les carottes qu'il s'est avéré que «les carottes avaient poussé sur un sol caillouteux et étaient par conséquent difformes.» Et d'ajouter: «Nous avons informé Gut Rheinau de la part élevée de marchandise non commercialisable pour nous, et ils ont récupéré les 11'535 kilos de carottes.» 11,5 tonnes au lieu de 13 tonnes? L'origine de cette différence n'est pas claire.

Selon Aschmann, les normes de qualité sont effectivement très élevées. Mais l'entreprise n'a aucune influence sur ce point. «Aschmann trie le moins possible et Terraviva emballe le plus possible sans provoquer de rejets», fait savoir l'entreprise. Des rejets aussi importants que ceux du domaine de Rheinau sont rares, mais ils se produisent. 

Surproduction et gaspillage alimentaire

Pour Moritz Ehrismann, le renvoi est toutefois l'expression d'un problème fondamental. «Le système n'est pas bon: les consommateurs ne veulent que la plus belle marchandise, et c'est pourquoi les grands distributeurs ne proposent que des légumes parfaits.» Selon lui, la pression des grands distributeurs se répercute sur les agriculteurs par le biais des intermédiaires. Il en résulte une surproduction planifiée et donc un important gaspillage alimentaire. De plus, les coûts de culture des fermes ne seraient pas couverts si les distributeurs refusaient d'acheter une grande partie de la récolte en raison de défauts esthétiques.

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Si l'on veut que le sol reste sain, il faut aussi laisser des pierres dans le sol. Mais ainsi, les carottes deviennent automatiquement plus souvent petites ou tordues
Moritz Ehrismann, agriculteur
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Les carottes bio sortent justement plus souvent du cadre, remarque l'agriculteur. «Si l'on veut que le sol reste sain, il faut aussi laisser des pierres dans le sol. Mais ainsi, les carottes deviennent automatiquement plus souvent petites ou tordues.» En outre, les normes sont flexibles. Les bonnes années, avec beaucoup de carottes sur le marché, elles deviennent plus strictes. En effet, les prescriptions de qualité comportent, outre des exigences minimales comme «exemptes de pourriture» ou «d'aspect frais», des «dispositions particulières» comme la forme et la couleur.

En revanche, en cas de pénurie, les acheteurs ferment parfois les yeux. Dans des cas exceptionnels, des marchandises peuvent être livrées en dehors des normes, par exemple en cas de dommages dus à la grêle, confirme Terraviva. Mais dans le cas de Gut Rheinau, de grandes quantités de carottes n'ont pas répondu aux exigences, et finissent en grande partie à la poubelle.

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