«Ils m'ont mis à la porte!»
Ce Lausannois accuse le marché de Noël de Montreux de favoriser les stands français

Après 11 ans de présence au marché de Noël de Montreux, l'entrepreneur Lausannois Thierry Collomb a perdu son stand et le chiffre d'affaires qui allait avec. Furieux, il accuse le comité Montreux Noël de favoriser les vendeurs français. Blick est parti à sa rencontre.
Publié: 25.11.2024 à 11:54 heures
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Dernière mise à jour: 25.11.2024 à 12:01 heures
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Depuis 11 ans, le Lausannois Thierry Collomb vend ses marchandises au marché de Noël de Montreux.
Photo: Gina Krückl
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Gina Krückl

Le marché de Noël de Montreux 2024 s'est ouvert ce jeudi dans une ambiance festive pour le plus grand plaisir de ses visiteurs. Pour Thierry Collomb, en revanche, c'est un triste jour. Et pour cause, cet entrepreneur lausannois de 53 ans a perdu son stand et, pire encore, il doit désormais fermer boutique. La faute selon lui au comité de Montreux Noël, à qui il reproche de favoriser les vendeurs français au détriment des Suisses. «C'est pour ça que je dois fermer mon entreprise».

Tout avait pourtant bien commencé entre Thierry Collomb et le célèbre marché de Noël de la Riviera vaudoise. Il y a 11 ans, l'entrepreneur est arrivé sur les bords du Léman avec des bottes en caoutchouc conçues par ses soins. «Ça a été un succès», se souvient le propriétaire de l'entreprise «Elvetik». Le Lausannois a par ailleurs développé un site internet et conclut des partenariats avec divers festivals de Suisse romande.

«Les ventes de Noël ont toujours représenté 30 à 40 % de mon chiffre d'affaires annuel», explique Thierry Collomb. En un mois, un chalet au marché de Noël de Montreux peut rapporter entre 40'000 et 110'000 francs. Un événement incontournable pour le Lausannois, qui a donc systématiquement veillé à se préparer en conséquence: «J'ai développé des chaussettes, des casquettes et des hoodies.» 

Un refus surprenant

Après la fin de l'édition 2023, Thierry Collomb s'est inscrit comme d'habitude pour l'édition suivante et s'est tout de suite attelé aux préparatifs. Seulement voilà: à la mi-avril, alors que toute la collection automne et hiver avait déjà été commandée, le Lausannois a eu la très mauvaise surprise de recevoir une réponse négative. «J'étais sous le choc. On ne m'a jamais critiqué, et voilà qu'on me met à la porte sans prévenir.» L'homme a alors adressé une lettre au comité. «Je leur ai demandé un sursis d'un an pour sauver mon entreprise. Mais ils ne m'ont jamais répondu.»

Dans le mail d'annulation, le comité explique qu'un bâtiment voisin est en cours de rénovation et qu'ils ont donc dû réduire la taille du marché. Des «conneries», estime Thierry Collomb. «Ils mentent. Le marché a toujours le même aspect que les années précédentes.» Sur le site Internet de Montreux Noël, on peut effectivement lire qu'il y a 150 chalets, un nombre identique à celui des années précédentes. A l'occasion du 30e anniversaire, le marché a même été étendu aux villes voisines.

Pour le Lausannois, le constat est clair: il sera remplacé par un Français. «Depuis des années, les vendeurs suisses subissent ça les uns après les autres. L'année dernière, il n'y avait plus que 10 chalets suisses dans notre partie du marché, les 30 autres étaient tenus par des Français.» Certains d'entre eux auraient même deux, voire trois chalets. «S'il n'y a pas assez de chalets, je ne comprends pas pourquoi le comité autorise une telle chose.»

Promouvoir une image «locale»...

Selon Thierry Collomb, le comité veut paradoxalement paraître plus local avec plus de Français. «La plupart des vendeurs parlent ouvertement de ce qu'ils commandent à l'étranger. Mais certains des nouveaux Français ne le font pas». Ainsi, une de ses connaissances, une Suissesse, aurait été remplacée il y a quelques années par un Français qui vend exactement les mêmes bijoux en provenance d'Asie. «Mais sur son site Internet, il fait semblant de les fabriquer lui-même.»

En fait, jusqu'à récemment, Montreux Noël faisait encore la promotion de «produits locaux» sur son site. Une mention qui a subitement disparu après l'intervention de Thierry Collomb dans la presse.

Yves Cornaro, directeur de Montreux Noël, a lui affirmé l'un entretien avec le média Be to b que la priorité était donnée aux exposants de la région. Mais il a également expliqué dans la même interview que les Suisses «ont moins la culture marchande que les Français». Avant de conclure: «Les Français savent qu'il faut prendre des risques et produire en amont pendant des mois.» Or, c'est précisément ce qui a été fatal à Thierry Collomb.

Le comité ne dément pas, mais...

Contacté, le comité ne dément pas directement les accusations. En lieu et place, Montreux Noël se défend en expliquant que «la procédure de sélection, établie avec soin et appliquée de manière équitable, permet de maintenir la qualité et la diversité de l’offre». Les organisateurs reçoivent en effet un grand nombre de nouvelles candidatures chaque année, ce qui donne la «possibilité d'encourager des artisans innovants, proposant de nouveaux produits et idées pour diversifier l’expérience offerte aux visiteurs en fonction de l'image que nous voulons donner». Le comité dit néanmoins regretter l'impact d'un refus sur des commerçants comme Thierry Collomb. «Mais le déroulement de la procédure est connu.»

Les organisateurs ne communiquent pas non plus la liste des exposants admis cette année, et se contentent d'écrire que l'entreprise possède 136 chalets, dont 95 sont exploités par des Suisses. A cela s'ajoute un nombre non précisé d'autres chalets apportés par les exploitants eux-mêmes.

«
«Si nous disons quelque chose, nous serons les prochains à perdre notre stand»
Un exposant suisse, sous couvert de l'anonymat
»

En début de semaine, Blick s'est rendu sur le site marché de Noël de Montreux. Les chalets étaient déjà en place. Mais il n'a été possible d'identifier que la moitié des exposants. Ainsi, sur 81 chalets analysés, 42 sont exploités par des Français et 4 par des exposants d'une autre nationalité. Les 35 chalets restants sont exploités par des Suisses Quant aux exploitants vaudois, ils ne sont que 18. Par ailleurs, certaines personnes, couples ou entreprises possèdent plus d'un chalet, à l'instar du comité Montreux Noël, qui en possède trois.

Les quelques vendeurs suisses qui étaient déjà en train de monter n'ont pas souhaité s'exprimer à ce sujet. Seule une personne a accepté d'être citée sous couvert d'anonymat: «Si nous disons quelque chose, nous serons les prochains à perdre notre stand. Mais je suis content que quelqu'un rende enfin cette histoire publique».

Quant à Thierry Collomb, il n'a plus peur. «Qu'est-ce que j'ai encore à perdre maintenant?» Il n'a toutefois pas encore totalement perdu espoir. «J'espère trouver soit un investisseur, soit un acheteur, pour que la marque Elvetik puisse continuer à vivre.»

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