Il règne sous le nom de Pierre III
Cette secte dissidente de l'Eglise catholique est dirigée par un pape... suisse

Dans le village espagnol de Palmar de Troya, une secte s’est détachée de l’Eglise catholique. Avec à sa tête, un pape autoproclamé… et suisse. Installé dans une cathédrale grandiose, il se considère comme le seul chef légitime de la chrétienté.
Publié: 21.05.2025 à 20:38 heures
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Plusieurs «Eglises» sont issues d'une rupture avec Rome.
Photo: IMAGO/Achille Abboud
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Angela Rosser

L’Eglise catholique palmarienne, l’un des mouvements dissidents les plus étranges de l’histoire de la chrétienté, a vu le jour en 1968 dans le village espagnol de Palmar de Troya, en Andalousie, à la suite de prétendues apparitions de la Vierge Marie. Repliée sur elle-même, cette communauté dispose de sa propre Bible et de son propre pape, qu'elle en dehors de toute influence extérieure.

Depuis 2016, c’est le Suisse Joseph Odermatt, originaire de Stans dans le canton de Nidwald, qui règne sous le nom de Pierre III. Un titre qui ne plait pas du tout au Vatican, qui a réagi dès 1983 en excommuniant Clemente Domínguez y Gómez, premier pape autoproclamé du mouvement, ainsi que ses fidèles, comme le rappelle le média T-Online.

Valeurs très conservatrices

«L’Eglise palmarienne a été fondée parce que ses adeptes estimaient que l’Eglise catholique 'n’était plus sur la bonne voie'», nous explique Georg Schmid, spécialiste des religions et directeur du centre d’information relinfo.ch. C'est d'ailleurs ce qui aurait poussé le fondateur du mouvement à s'autoproclamer pape. «Du point de vue de l’Église catholique, cette scission n’est cependant pas reconnue», précise l'expert.

Selon lui, l’Eglise palmarienne a connu son «âge d’or» dans les années 1970 et 1980, époque où de nombreux fidèles suisses se ralliaient encore au mouvement. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une poignée en Suisse, «et ce malgré l'avènement d'un pape helvétique», explique Georg Schmid.

Les adeptes défendent des valeurs très conservatrices: pas de journaux, pas de radio, pas de télévision. «Les informations venues de l’extérieur suscitent de la méfiance», résume l'expert. Le cercle est donc «très replié sur lui-même».

«Pas aussi dangereux que d'autres sectes»

L'Eglise palmarienne peut tout à fait être classée comme secte, estime Georg Schmid. «Depuis 2011, elle prélève 10% des revenus de ses membres. Ceux-ci sont en outre incités à vendre leurs biens immobiliers avant leur mort et à reverser l'argent issu de la vente à l'Eglise, poursuit-il. Le mouvement ressemble donc beaucoup à une secte, y compris sur le plan des finances.»

Selon Georg Schmid, l'Eglise palmarienne est moins dangereuse que d'autres mouvements sectaires. Il appelle tout de même à la prudence: «Si l'Eglise devait connaître une forte croissance, il faudrait y prêter davantage attention.»

En effet, plus une communauté présente les caractéristiques typiques d’une secte, plus elle devient problématique. «Le critère le plus important, c’est une direction que personne ne peut remettre en question: dès lors que tout le monde pense exactement la même chose, il faut être vigilant», prévient l'expert. 

Une communauté en déclin

Ce critère est bien présent au sein de l’Eglise catholique palmarienne, avec son pape considéré comme «infaillible». A cela s’ajoutent la conviction d’être la seule véritable Eglise, les exigences financières imposées aux fidèles, et des règles strictes, telles que l’obligation pour les femmes de porter une jupe et de se couvrir la tête lors des offices.

En revanche, un point distingue les Palmariens d'autres mouvements, estime Georg Schmid: «Beaucoup de sectes cherchent à transformer la société, mais ce n’est pas le cas ici, car la communauté est trop petite et ne cesse de diminuer.» Au XXe siècle, l’Église palmarienne parvenait à recruter de nouveaux membres parmi les déçus de l’Église catholique. «Aujourd’hui, d’autres groupes occupent cette niche», note Georg Schmid, qui cite notamment les «nouveaux chrétiens» ultra-conservateurs, réunis autour de l’évêque suisse Nikolaus Schneider. 

A ses débuts, la communauté de Palmar de Troya comptait plus de 10'000 fidèles. En 2011, ils n’étaient déjà plus que 1'000 à 1'500. Selon Georg Schmid, ce chiffre a encore diminué depuis.

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