«Je te baise, on sera quittes»
Une étoile montante de la cuisine suisse accusée de harcèlement sexuel

Des messages envoyés entre le chef de cuisine Roberto Giovanoli, très actif dans les Grisons, et une ancienne employée font actuellement des remous. Elle l'accuse de harcèlement sexuel, il a porté plainte conte un journaliste d'Unia.
Publié: 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 07:20 heures
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Roberto Giovanoli dirige l'entreprise de restauration Plan-B Kitchen.
Photo: Gastro Graubünden
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Helena Graf

Roberto Giovanoli est considéré comme une étoile montante de la scène gastronomique grisonne. Entrepreneur, membre de conseil d'administration, vice-président d'un club de hockey sur glace. De l'extérieur, un homme à qui tout réussit. Mais en privé, il montrerait un visage bien plus sombre. C'est en tout cas ce qu'affirment plusieurs femmes qui l'accusent de harcèlement sexuel. 

Roberto Giovanoli aurait notamment harcelé Berta F.*, une employée de son restaurant, pendant des mois à coups de messages vulgaires. La revue «Work» du syndicat Unia a publié des extraits de leurs échanges. Dans l'un d'eux, l'Italienne de 33 ans reproche à son patron de la rabaisser en permanence pour des choses qu'il ne lui a jamais expliquées. Sa réponse? «La prochaine fois, tu me demanderas comment on fait une fellation et je te montrerai.»

Elle démissionne, il la menace

Dans un autre message, elle demande à parler d'un collègue qui fait constamment des erreurs. Son patron lui répond: «Ça te dirait qu'on baise tous les deux? Comme ça, on sera bien tous les deux.» Tard le soir, il la contacte et lui demande: «Bureau demain?» Elle veut savoir ce qu'il entend par là. Et Roberto Giovanoli de répondre: «Un peu de baise.» Lorsque Berta F. lui fait remarquer qu'elle travaille sans arrêt depuis 15 jours, il lui rétorque: «Si tu veux, je te baise, et on sera quittes.»

Interviewée par «Work», Berta F. explique que ces messages l'ont beaucoup affectée. Elle assure ne plus être parvenue à dormir pendant de longs jours, au point de se mettre en congé maladie. Lorsqu'elle a décidé d'annoncer sa démission à Roberto Gionvanoli, ce dernier l'aurait menacée: «Je vais tout faire pour que tu ne trouves plus de travail dans la région.» Une menace qui a de quoi intimider, étant donné le réseau dont dispose le chef cuisinier.

Roberto Giovanoli siège au conseil d'administration Gastro Graubünden, l'association patronale locale de la cuisine et de la gastronomie. Il est en outre le vice-président du club de hockey sur glace des Lions de Saint-Moritz. Son entreprise Plan-B Kitchen AG gère de nombreux restaurants, notamment à Coire, à Saint-Moritz et à Samedan. Elle propose également des services de traiteur et possède des food trucks.

«C'est elle qui a commencé»

Contacté par Blick, le chef conteste ces accusations. «C'est elle qui a commencé à flirter», assure-t-il. «Nous nous sommes toujours écrit des messages ambigus.» A son commentaire «Si tu veux, je te baise, et on sera quittes», Berta F. aurait répondu: «Non. Tu en vaux autant que ça? Tu devrais me le faire plus qu'une fois.»

Elle l'aurait aussi parfois appelé «mon chéri» et lui aurait envoyé des emojis mimant des baisers. Selon lui, il ne s'est jamais rien passé. Roberto Giovanoli conteste le fait que Berta se soit sentie harcelée: «Il s'agissait simplement de propos stupides entre collègues.» Le fait est qu'ils ne sont pas collègues: en plus d'être employée par Roberto Giovanoli, Berta F. loge dans les locaux de l'entreprise. Il n'est donc pas seulement son patron, mais également son bailleur.

D'autres anciennes employées de Plan-B Kitchen disent, elles, aussi avoir été harcelées. Dans l'article de la revue «Work», l'une d'entre elles se souvient: «Il a fait des commentaires salaces alors que je devais faire épaissir une sauce blanche». 

Une «campagne de dénigrement»

Roberto Giovanoli est en outre soupçonné d'infractions à la Loi sur le travail et de non-respect des conventions collectives. Selon plusieurs employés, les saisies du temps de travail ont été manipulées. Des pauses auraient été inscrites alors qu'ils ne les avaient jamais prises. Ils l'assurent: s'ils ne signaient pas le décompte d'heures à la fin du mois, le patron menaçait de ne pas leur verser leur salaire.

Confronté par Blick à ses accusations, l'entrepreneur explique que les salaires sont toujours versés automatiquement et qu'il ne peut en aucun cas les retenir. Concernant les pauses, il déclare: «Selon l'équipe, les collaborateurs ont droit à des pauses de durée variable. C'est à eux que revient la responsabilité de les prendre.» 

Roberto Giovanoli assure que son entreprise est régulièrement soumise à des contrôles. Le dernier a eu lieu en juin 2025 et n'a rien révélé de problématique. Il évoque une «campagne de dénigrement d'Unia» et affirme avoir déposé plaine contre l'auteur de l'article de «Work».

Bataille juridique à venir

Contactés, l'association patronale Gastro Graubünden et le club de hockey sur glace des Lions de Saint-Moritz n'ont pas souhaité s'exprimer sur les accusations portées contre Roberto Giovanoli. Toutefois, ce dernier a décidé de son propre chef de quitter le conseil d'administration de Gastro Graubünden. «Je ne veux pas que l'association subisse des préjudices à cause de moi», justifie-t-il.

Berta F. s'est mise en retrait depuis la prise de parole de Roberto Giovanoli. Elle se sent mal et elle ressent une terrible pression, confie-t-elle à Blick. De son côté, Unia souhaite engager une procédure judiciaire au côté des employés. «Nous avons remis les dossiers à un avocat», indique le syndicat.

* Nom modifié

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