C'est pourtant leur argent
Voici comment des Suisses abandonnent des milliards aux fiscs étrangers

De nombreux Suisses investissent à l'étranger, où un impôt leur est prélevé d'office. Mais alors qu'ils sont en droit de demander une ristourne, nombre d'entre eux y renoncent en raison d'une procédure trop lourde. Avec à la clef des pertes colossales.
Publié: 25.06.2025 à 19:00 heures
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Dernière mise à jour: 25.06.2025 à 19:02 heures
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De nombreux investisseurs suisses perdent chaque année de l'argent au profit du fisc étranger.
Photo: Keystone
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Sven Altermatt

Les Suisses investissent volontiers dans des actions à l'international. Des noms prestigieux comme Apple, Siemens ou LVMH figurent ainsi dans de nombreux portefeuilles helvétiques. Ce que beaucoup ignorent, en revanche, c’est que les autorités fiscales des pays étrangers prélèvent une part conséquente des dividendes et des intérêts. Jusqu’à 30% peuvent ainsi être retenus à la source, avant même que l’argent n’atteigne les investisseurs.

Ce mécanisme est semblable à celui de l’impôt anticipé suisse. Ces taxes, qualifiées d’impôts de garantie, fonctionnent comme une forme de dépôt de sécurité: une part des rentrées d'argent est automatiquement ponctionnée, mais les contribuables qui déclarent correctement leurs revenus peuvent en récupérer une partie, voire la totalité, dans certains cas. Evidemment, quiconque tente de dissimuler ses gains se verra priver de remboursement.

Un cas a récemment fait parler: en 2024, un Allemand a réclamé à la Suisse le remboursement de 2,4 milliards de francs d’impôt anticipé. Le remboursement a néanmoins été bloqué par l'Administration fédérale des contributions (AFC) qui a estimé que la demande présentait un certain nombre d'irrégularités.

Une procédure extrêmement complexe

Ce cas a tout de même le mérite de rappeler aux investisseurs l’importance de bien comprendre les impôts de garantie prélevés à l’étranger. Le constat est également valable pour les investisseurs suisses: en effet, les conventions de double imposition conclues par la Confédération permettent, dans certains cas, d'obtenir de juteuses ristournes. Pour y parvenir, il faut traverser une procédure souvent longue et complexe.

Le gestionnaire de fortune VZ Vermögenszentrum évoque un «processus administrativement lourd», avec des demandes de remboursement si complexes qu’elles «ne peuvent, dans la plupart des cas, être correctement effectuées de manière autonome». Outre les formulaires spécifiques à remplir, plusieurs attestations bancaires et administratives doivent être fournies. Souvent, il faut carrément échanger des courriers avec les autorités du pays taxateur.

Une procédure décourageante pour beaucoup, y compris parmi les grands investisseurs institutionnels. Nombre d’entre eux préfèrent ainsi renoncer à cette rentrée d'argent plutôt que de se perdre dans la jungle bureaucratique.

Des milliards restent en souffrance

Il n’existe pas de chiffres officiels sur le sujet, mais les estimations sont alarmantes. Faute de démarches, les investisseurs suisses laisseraient filer plusieurs milliards de francs chaque année. En 2022, la start-up spécialisée dans les techniques d'imposition Divizend Suisse évoquait dans la «NZZ» une perte annuelle de 4 milliards de francs.

Et ce chiffre pourrait même grimper à 15 ou 16 milliards si l’on tient compte du fait qu’il est théoriquement possible de récupérer les impôts à la source des trois dernières années. Interrogé par Blick, un avocat fiscaliste va encore plus loin: selon lui, les investisseurs suisses perdent plusieurs dizaines de milliards de francs chaque année, simplement parce qu’ils ne réclament pas de ristourne d'impôts.

«Ils pourraient pourtant améliorer leur rendement grâce à ces remboursements», souligne-t-il. La somme laissée aux administrations fiscales dépend fortement du niveau des dividendes versés: plus ces derniers augmentent, plus le montant des impôts à la source grimpe avec eux.

Quand l'effort en vaut la peine

Même pour des placements de taille modeste, cette démarche peut s’avérer rentable. Certaines banques proposent de se charger du remboursement des impôts à la source, en échange de frais. D’autres fournissent à minima les formulaires nécessaires, à condition, toutefois, que le client en fasse la demande.

Les Suisses peuvent d’ailleurs tirer un double avantage des dividendes perçus à l’étranger: non seulement, ils peuvent récupérer une partie de l'impôt à la source auprès du pays concerné, mais ils peuvent également déduire la partie restante (comprise généralement entre 10 et 20%) de l'impôt à payer en Suisse. Mais attention: pour pouvoir en profiter, vous devez correctement déclarer tous vos revenus.

Quant aux personnes qui investissent par l'intermédiaire de fonds, elles n’ont généralement pas le droit de demander un remboursement en leur nom propre. Dans ce cas précis, c'est à la société de gestion de gérer la demande de remboursement. Ceux qui investissent directement dans des titres étrangers et qui ne souhaitent rien laisser au fisc ont, eux, meilleur temps de vérifier si leur banque peut les aider pour y parvenir.

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