C’est peu dire que l’escapade en famille de Céline Vara à Oman a fait jaser. Avant même sa prise de fonction au gouvernement neuchâtelois, prévue le 1er juin, l’ex-sénatrice et future conseillère d’Etat affronte une crise politico-médiatique dont les effets ne semblent pas s’atténuer. Manque de cohérence et d’exemplarité pour les uns, droit à la vie privée pour les autres, on s’écharpe allègrement sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Face au silence de la principale intéressée qui plaide «l’affaire privée», nous avons voulu poser une question en apparence simple à ses camarades de parti. «A quelles conditions, est-il acceptable de prendre l’avion lorsqu’on est encartés chez les écologistes?»
La réponse avait déjà été, à l'époque, alambiquée après le vol en avion de Magali Di Marco aux Comores en 2021. Les Vert-e-s ont-ils affiné leur communication depuis? Que nenni. Il a fallu, une nouvelle fois, leur tirer les vers du nez.
Silence radio
Léonore Porchet, conseillère nationale vaudoise, a refusé de répondre à la question posée par Blick, taxant au passage l’article de notre confrère alémanique, d’«assez nul».
Du côté de la présidente du parti, Lisa Mazzone, c’est un ghosting en règle, malgré nos sollicitations. Même absence de réaction de celui qui remplace Céline Vara au Conseil des Etats, Fabien Fivaz (Les Vert-e-s/NE), plus loquace lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux avions de chasse F-35. Idem pour la conseillère nationale (Les Vert-e-s/GE), Delphine Klopenfstein Broggini. Rappelons que cette dernière, en 2019, considérait que l’Etat genevois était laxiste en matière de déplacements en avion et avait déposé une motion au Grand Conseil pour interdire les vols de moins de 1200 km pour les trajets professionnels.
Seul cador du parti à se mouiller, un peu: le conseiller national valaisan, Christophe Clivaz qui, du bout des lèvres, indique ne plus prendre l’avion. «Je l’ai fait par le passé. Mais la pression est telle qu’on ne peut plus, comme élu vert, prendre l'avion aujourd’hui pour des vacances sans devoir se justifier.» Et d’ajouter qu’il n’existe pas de directives internes au sein du parti écologiste: «Chacun fait en son âme et conscience.»
Interrogé au sujet de «l’affaire Vara» et du devoir d’exemplarité des élus, le parlementaire estime qu’il est difficile de «nourrir un débat alors qu’on ne connaît pas le contexte et la motivation d’un voyage, ni la fréquence à laquelle un élu voyage en avion. Et de poursuivre: «L’objectif est que l’aviation soit neutre en carbone d'ici à 2050 et s’il peut paraître dans ce sens incohérent pour un élu de faire un vol en avion, cela l’est bien plus lorsque la majorité du Parlement refuse toutes les mesures structurelles visant à réduire les émissions de gaz à effet de serres du secteur aérien.»
Une relève plus courageuse
Il a fallu se tourner vers les jeunes pousses du parti – qui semblent faire preuve de plus de courage que leurs aînés – pour obtenir une réponse sur l’épineuse question des voyages en avion.
Ilias Panchard, conseiller communal à Lausanne, explique que lui-même n’a pas pris l’avion depuis longtemps. Il admet une exception ces dernières années: un voyage en Amérique du Sud, mûrement réfléchi et justifié par sa durée et sa portée personnelle. «Mais, j’avoue que si la question se reposait de partir à l’autre bout du monde, comme beaucoup d’écologistes, je ne sais pas si je le referai aujourd’hui. Sauf pour des raisons familiales. Et même, la moitié de ma famille vit en Algérie, je privilégierai si possible le train et le bateau pour leur rendre visite».
Sur le cas de Céline Vara, il ne souhaite pas s’exprimer. Et de rappeler que sur le plan politique, les Verts sont «bel et bien les seuls en Suisse à défendre une régulation stricte du secteur aérien: taxation du kérosène, fin des subventions aux compagnies aériennes, et suppression d’aberrations comme les vols Genève - Zurich».
Sheldon Masseraz, fraîchement élu à la coprésidence des Jeunes Vert-e-x-s, abonde dans le même sens. Il rappelle qu’aucune directive stricte n’existe au sein du parti de jeunes, mais que la majorité des membres adoptent une posture très réfléchie quant aux déplacements aériens. Prendre l’avion se fait surtout pour «découvrir le monde ou des séjours longs, comme des échanges universitaires.»
Pour lui, le combat écologique ne se limite pas aux choix individuels, mais passe par des mesures collectives: taxation du kérosène, interdiction des jets privés, et surtout une réévaluation du prix écologique réel des billets d’avion. «Quand un aller-retour pour Barcelone coûte 19 francs, on ne paie clairement pas le vrai prix», dénonce-t-il.
Quant à Céline Vara elle-même, il refuse de la clouer au pilori. Très estimée chez les Jeunes Vert-e-x-s, elle conserve leur respect, malgré ce faux pas perçu. «On peut être déçu, sans pour autant tout remettre en question. Son engagement reste précieux.»
Lui-même confie être allé au Portugal en 2019 avant de rejoindre le parti. Depuis, il a revu ses habitudes. Et conclut: «On peut aussi très bien vivre sans jamais aller à Bali.»