Axpo a signé la fin de la centrale nucléaire de Beznau – la plus vieille du monde. En 2033, elle fermera ses portes, a annoncé l'entreprise énergétique ce jeudi. Le ministre de l'énergie Albert Rösti a déclaré à Blick qu'il était «très heureux» que la centrale fonctionne encore neuf ans de plus. «Apparemment, la situation technique, financière et en termes de main d'œuvre a montré que c'était possible jusqu'en 2032 et 2033. C'est très important pour la sécurité d'approvisionnement.»
La Fondation suisse de l'énergie (SES) et les Vert'libéraux ont salué jeudi l'annonce de la fermeture des deux blocs de la centrale nucléaire de Beznau (AG). Les Vert-e-s et Greenpeace déplorent quant à eux un risque pour la sécurité.
Une décision logique
«La décision de fermer Beznau est logique après l'acceptation claire de la loi sur l'électricité en juin. Le développement accéléré des énergies renouvelables permet de poursuivre la sortie du nucléaire. Compte tenu des risques que représentent les centrales nucléaires, c'est une bonne décision pour la Suisse», a déclaré le directeur de la SES, Nils Epprecht, dans une prise de position.
La décision du groupe énergétique Axpo montre que la situation de l'approvisionnement en électricité s'est détendue depuis le début de la guerre en Ukraine, ajoute la SES. Le développement des énergies renouvelables se poursuit «à une vitesse record» en Suisse, comme dans toute l'Europe.
Essor des énergies renouvelables
En Suisse, le développement de l'énergie solaire aura remplacé à lui seul d'ici 2030 la production d'électricité de la centrale nucléaire de Mühleberg, déjà mise à l'arrêt, et des deux réacteurs de Beznau, y compris en ce qui concerne la production hivernale.
Les Vert'libéraux saluent eux aussi la fin des centrales nucléaires helvétiques, qui comptent parmi les plus anciennes du monde. «Les estimations montrent qu'avec le développement constant des énergies solaire et hydraulique, on n'aurait plus besoin de centrales nucléaires d'ici 2032», affirme leur président Jürg Grossen. Selon le conseiller national bernois, la Suisse produit aujourd'hui déjà environ 80 TWh d'électricité par année, alors qu'elle n'en consomme que 60 TWh.
Technologie «vétuste»
Les Vert-e-s saluent pour leur part «un pas important vers la sortie définitive du nucléaire en Suisse». Le parti estime toutefois que «la vétuste centrale nucléaire de Beznau est un risque réel pour la sécurité en Suisse. Plus vite elle sera déconnectée, mieux on se portera».
Pour le conseiller national Christophe Clivaz (Vert-e-s/VS), «les 350 millions nécessaires à la poursuite de son exploitation jusqu’en 2033 seraient mieux investis dans le tournant énergétique. D’autant qu’on gaspille en Suisse plus d’énergie que ce que produit Beznau».
Un avis partagé par Greenpeace, pour qui la poursuite de l'exploitation jusqu'en 2033 est inutile et dangereuse. «Plutôt que d'essayer de maintenir en vie une centrale nucléaire obsolète, il faudrait aujourd'hui encore accélérer les efforts de développement des énergies renouvelables», afin de parvenir à une décarbonation rapide du système énergétique, estime l'organisation écologiste.
«Le temps des centrales est révolu»
Pour Blick, le politicien socialiste Roger Nordmann se dit peu surpris par la décision d'Axpo. «Je m'attendais plutôt à ce que la mise hors service intervienne plus tôt.» Il critique les faibles investissements qu'Axpo réalise de nos jours. «Les 350 millions de francs suffisent à peine à couvrir les frais d'exploitation.»
Pour Roger Nordmann, il est clair que «la Suisse connaîtra une période sans centrales nucléaires. Même le contre-projet d'Albert Rösti à l'initiative Blackout n'y changera rien.» Roger Nordmann suppose que cette initiative visait à obtenir des subventions de la Confédération pour les coûts d'exploitation des centrales nucléaires existantes. «La décision d'Axpo montre que même cela ne suffit pas. Le temps des centrales nucléaires est révolu.»
«Roulette russe»
Le réseau Sortir du nucléaire dénonce lui une prolongation «inacceptable» de la centrale de Beznau «face au risque permanent que le nucléaire fait porter au pays et à ses voisins». A ses yeux, «dix années de plus pour la plus vieille centrale nucléaire au monde, c'est dix années de roulette russe en plus».
Pour son président Ilias Panchard, la Suisse «a besoin d'une planification de l'arrêt de toutes les centrales nucléaires. Le développement accéléré des énergies renouvelables le permet, la sécurité de la Suisse l'exige.»
Voter vite
A droite, le Club suisse de l'énergie estime que la décision d'Axpo «clarifie la situation». On sait désormais qu'il faut se préparer au fait qu'il manquera trois TWh durant l'hiver 2033/34, affirme cette coalition à l'origine de l'initiative «De l'électricité pour tous en tout temps (Stop au blackout)», qui demande le retour du nucléaire.
Selon elle, les seize projets hydroélectriques approuvés par le peuple en juin dans le cadre de la loi sur le climat ne permettront que de fournir 2 TWh en hiver. Et «on peut douter» que le reste puisse être produit par le photovoltaïque, qui faiblit justement durant la saison froide.
«On voit maintenant l'impasse dans laquelle mène la 'Stratégie énergétique 2050'» de la Confédération, estime le Club, estimant que «nous avons perdu beaucoup de temps». Pour lui, il est «urgent» que le peuple puisse se prononcer sur l'interdiction de nouvelles centrales nucléaires.
«Cela coûtera plus cher»
Le conseiller national libéral-radical (PLR) Christian Wasserfallen est un partisan de l'initiative. Il déplore la décision d'Axpo à Blick. «C'est un nouveau démantèlement massif d'un approvisionnement sûr en électricité. Les centrales nucléaires fournissent au total la moitié de l'électricité en hiver.» Dans le pire des cas, le prix de l'électricité risque d'augmenter, ajoute-t-il. «Si nous devons acheter de l'électricité à l'étranger, cela coûtera plus cher.»
Malgré la décision d'Axpo, Christian Wasserfallen ne baisse pas les bras. «Il faut aller vite et se débarrasser des œillères idéologiques pour permettre à l'énergie nucléaire d'exister à l'avenir.» Il demande que les fonds de soutien existants soient redistribués. «Nous dépensons des milliards pour l'électricité solaire, qui ne fournit presque rien en hiver et trop d'électricité en été. Une partie de cet argent doit être utilisée pour la sécurité de l'approvisionnement et pour de nouvelles centrales nucléaires», martèle le libéral-radical.