La lettre est arrivée en courrier A, datée du 1er juillet. L’expéditrice? La directrice zurichoise de la Santé, Natalie Rickli de l'Union démocratique du centre (UDC). Les destinataires? la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). L'objet? L'arrêt annoncé du financement fédéral de SwissPedDose à partir de 2026.
Derrière ce nom technique se cache une base de données nationale dédiée aux médicaments pédiatriques. Son objectif? Fournir des informations fiables sur les dosages à administrer aux mineurs. A Berne, la logique d’économies s’impose. Y compris pour la ministre Elisabeth Baume-Schneider. Elle prévoit des coupes dans plusieurs domaines liés à la santé, notamment la recherche et la prévention. SwissPedDose est aussi dans le viseur.
Une décision qui ne passe pas auprès des cantons. C’est depuis Zurich que la résistance semble la plus forte. Natalie Rickli a jugé nécessaire d’adresser un avertissement direct à la magistrate fédérale – dans des termes sans équivoque.
Erreurs 10x plus élevées pour les mineurs
«Chère Madame la conseillère fédérale», écrit Natalie Rickli dans la lettre que Blick a pu consulter, la fin du financement fédéral «signifierait un recul pour la sécurité des patients» et enverrait le message que «les patients les plus petits et les plus vulnérables de notre pays ne bénéficient plus de la priorité nécessaire».
Selon elle, SwissPedDose constitue aujourd’hui «la colonne vertébrale d’une thérapie médicamenteuse sûre, fondée sur des preuves et harmonisée pour les enfants et adolescents en Suisse». Une «offre qui protège la vie – et la sauve en cas d’urgence». Le risque d’erreur médicamenteuse est jusqu’à dix fois plus élevé en pédiatrie qu’en médecine pour adultes. Dans les hôpitaux, près d’un tiers des incidents concernent des patients de moins de 18 ans.
Le ton inhabituellement ferme de Natalie Rickli s’explique aussi par les pressions budgétaires qui pèsent sur son canton. Zurich fait face à des coûts de santé très élevés. Récemment, le Parlement cantonal a débloqué un crédit de 25 millions de francs pour soutenir l’hôpital pour enfants, en grande difficulté.
Et Natalie Rickli le sait: quand la Confédération se retire, la charge retombe sur les cantons. Concernant SwissPedDose, elle met en garde: «Avec le retrait de la Confédération, la responsabilité – y compris financière – serait reportée sur les hôpitaux pédiatriques universitaires.» Elle redoute un fardeau «inacceptable» pour PEDeDose, la plateforme alternative gérée depuis Zurich.
Le projet continue... sans Berne
Que répond-on à ces accusations? Contacté par Blick, le Département fédéral de l’Intérieur renvoie à l’OFSP, qui confirme avoir reçu la lettre et prépare actuellement sa réponse. Par la voix d’un porte-parole, l’office affirme «saluer expressément» le fait que l’association SwissPedDose poursuive dès 2026 la gestion autonome de sa base de données. «Ainsi, les travaux réalisés ces dernières années pourront se poursuivre, et les recommandations de dosage resteront accessibles.»
En clair: l’offre survit... mais sans fonds fédéraux. A d’autres de couvrir les coûts. Pour Natalie Rickli, une frustration demeure: son canton devra assumer cette charge supplémentaire. La bataille autour du financement s’intensifie.
Et la tension entre Zurich et Berne ne faiblit pas: Natalie Rickli, déjà en conflit avec la Confédération sur son projet d’interdiction nationale de la transition de genre pour les mineurs, voit ici un nouvel affront.