Droits de douane en vue
Trump s'apprête à punir la Suisse, voici les trois scénarios les plus probables

Le président américain Donald Trump a frappé fort en imposant des droits de douane de 30% à l'Union européenne. Pendant ce temps à Berne, on continue de trembler. Mais qu'est-ce que la Suisse risque concrètement? Voici les différents scénarios.
Publié: 11:51 heures
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Début avril, Trump a brandi le marteau des taxes douanières contre de nombreux partenaires commerciaux.
Photo: Chip Somodevilla
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Martin Schmidt et Christian Kolbe

La foudre de Trump s'est abattue samedi 12 juillet sur l’Union européenne (UE): le président américain a déclaré que les produits en provenance des 27 seraient sujets à des droits de douane de 30% à compter du 1er août prochain. 

L'ampleur de la sanction a de quoi surprendre. Lors de son Liberation Day, le 2 avril dernier, Trump avait infligé des surtaxes de «seulement» 20% à Bruxelles. La semaine suivante, il avait suspendu sa décision afin, disait-il, de laisser à ses partenaires le temps de négocier avec lui. De leur côté, les Européens se montraient optimistes quant à la signature prochaine d'un accord avec Washington. 

Finalement, c'est tout le contraire qui s'est produit. Donald Trump a imposé des droits de douane encore plus lourds que ce qu'il avait promis en avril, suscitant une onde de choc partout à travers l'Europe, mais aussi en Suisse.

On tremble à Berne

Du côté de la Berne fédérale, la nervosité est à son comble. Pour l'heure, la Suisse n'a reçu aucun courrier de Donald Trump. Pour rappel, Berne s'était vue imposer des droits de douane de 31% lors du Liberation Day.

Depuis, les droits de douane ont été abaissés à 10% et Berne a entrepris des négociations avec Washington dans l'espoir d'arracher un accord. La présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter semble plutôt confiante. «D’une certaine manière, j’ai trouvé comment m'adresser à Trump», déclarait-elle au début du mois dans un entretien accordé à Blick.

Reste à savoir si cette relation portera ses fruits. Pour l’heure, nul ne peut prédire le sort qui attend la Suisse. Trois scénarios se dessinent toutefois. 

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Scénario catastrophe: 31%... ou plus

Trump s'en tient aux droits de douane 31% annoncés lors du Liberation day. Ou pire, il revoit ses sanctions à la hausse, comme il l'avait fait pour l’Union européenne! Ce faisant, Donald Trump envoie un signal clair à la délégation suisse: l'offre qui lui a été présentée est insuffisante et la seule réponse qui s'impose à ses yeux est un maintien des 31%, voire une augmentation des surtaxes.

Un tel scénario serait difficile à supporter pour l'économie suisse. «Plus le taux est élevé, plus les conséquences seront graves», alerte Jean-Philippe Kohl, directeur adjoint et responsable économique chez Swissmem, la faîtière de l'industrie suisse des machines. «Les droits de douane reviennent à détruire délibérément des opportunités commerciales.»

Selon une enquête de Swissmem, un quart des entreprises suisses actives aux Etats-Unis pourraient perdre leur accès à ce marché, soit parce qu’il ne générerait plus de bénéfices, soit parce que les clients américains ne seraient tout simplement plus en mesure de s’offrir des machines suisses..

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Redouté, mais supportable: 15 à 20%

Avec des droits de douane de 15 à 20%, la Suisse pourrait déjà s'estimer chanceuse. Surtout au vu du sort réservé aux autres pays jusqu'à présent. Selon Simon Evenett, professeur de géopolitique et de stratégie à l’IMD de Lausanne, il s'agit du scénario le plus probable. Mais il prévient: «Ce serait extrêmement douloureux pour l’économie, notamment pour les secteurs à faibles marges bénéficiaires».

Selon lui, les entreprises seraient contraintes de procéder à une sévère cure d’austérité. «Elles devront, dans les prochaines années, augmenter leur productivité et améliorer encore leurs produits.» L'industrie pharmaceutique pourrait toutefois être exemptée de ces surtaxes, estime-t-il.

Jean-Philippe Kohl, de Swissmem, n'exclut pas des droits de douane de 25%. Un scénario lourd, mais qui placerait tout de même la Suisse dans une position plus favorable que l’Union européenne, ce qui pourrait renforcer la compétitivité des entreprises helvétiques.

Mais l’équation reste délicate: plus les droits de douane augmentent, plus la demande diminue. Même avec un taux situé dans cette fourchette, certaines entreprises pourraient donc se voir contraintes de faire une croix sur le marché américain.

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La moindre peine: 10 à 15%

En conservant les 10% de droits de douane actuels, la Suisse s'en tirerait à bon compte. A ce niveau, les entreprises helvétiques auraient davantage de marge pour répercuter le coût des surtaxes sur leurs clients. Beaucoup d’entre elles proposent des produits que les acheteurs américains ne peuvent se procurer ailleurs.

Ce scénario ne serait certes pas idéal, mais il resterait en grande partie supportable, estiment Jean-Philippe Kohl et Simon Evenett. Reste un bémol: si les acheteurs américains absorbent effectivement ces hausses, ils devront forcément se serrer la ceinture. Ce recul du pouvoir d’achat pourrait alors faire baisser la demande en biens étrangers, ce qui constituerait un coup dur pour les exportateurs suisses.

Quant à l’idée d’échapper totalement à une surtaxe douanière, elle n'est qu'un doux rêve. Dans un tel cas de figure, les droits de douane américains sur les importations suisses retomberaient à un niveau quasi paradisiaque de 2 à 6%. Mais tant que le président américain restera convaincu que les droits de douane sont bénéfiques à son économie nationale, aucun espoir n'est autorisé.

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