Sarah et Sebi Anderhub posent à côté de leur cheval Rioso et de leurs deux imposants chiens de protection. Le flash ne dérange pas les bêtes, assure Sarah. Au contraire, cela les entraîne pour le 1er Août. Pour la famille Anderhub, la Fête nationale est tout sauf une soirée paisible. Tandis que beaucoup s’imaginent grillades et lampions, c’est surtout une source de stress et d'organisation pour ces agriculteurs.
Plusieurs jours avant, ils allument des pétards dans leur ferme bio d’Eschenbach (LU). Pas pour célébrer, mais pour habituer les animaux aux détonations. Ils anticipent les réactions de chaque cheval, de chaque chien. Le soir de la Fête nationale, les écuries sont surveillées 24 heures sur 24 via un moniteur.
Blessure au dos et cheval recousu
L'objectif est d'éviter un remake de la nuit d’horreur de novembre 2023. Alors que la famille dormait, un feu d’artifice a éclaté sans qu’ils en soient avertis. L’événement avait pourtant été autorisé par la commune. «On s’est redressés d’un coup dans le lit, les enfants pleuraient et les chiens étaient affolés», se souvient Sebi.
Des vidéos montrent la chienne et ses chiots paniqués, des cochons, des chèvres et le chien de garde courant dans tous les sens. «On a tenté de calmer les animaux dans trois étables en même temps et de maîtriser les chiens.» Sarah est tombée en intervenant: elle a souffert de violents maux de dos pendant des semaines. Un cheval, blessé, a dû être recousu.
Les feux d'artifice bientôt interdits?
Le traumatisme est encore palpable. Les Anderhub n’ont guère de sympathie pour les pétards. «Tout le monde parle de bien-être animal: la population veut que nous, les paysans, donnions aux animaux le plus d'espace possible, que les vaches aient des cornes et ne soient pas séparées de leurs veaux... On nous impose des règles strictes, mais personne ne veut renoncer à son feu d’artifice», regrette Sebi. Leur fils Oskar, âgé de 8 ans, est du même avis: «Les pétards font peur aux animaux.»
Cette question est actuellement débattue au Parlement: l’initiative sur les feux d’artifice veut interdire les fusées bruyantes pour des raisons écologiques, environnementales et sanitaires, selon les arguments avancés. La commission du Conseil national envisage un contre-projet.
Le Parlement a jusqu’en mai 2026 pour se prononcer. Un vote populaire pourrait avoir lieu dès l'année prochaine. Selon un sondage GFS Berne réalisé auprès d'un millier d'électeurs, 68% soutiendraient l’initiative, contre 28% d’opposants. Le soutien s'étend jusque dans le camp bourgeois. Et certaines communes anticipent et interdisent déjà les feux d’artifice.
«Ça a fait l'effet d'une bombe»
Les Anderhub ne sont pas les seuls face à ce problème. Blick a recueilli plusieurs témoignages similaires, qui souhaitent rester anonymes. Un agriculteur parle d'un soir où son cheval est devenu fou, en panique: «Il courrait dans tous les sens, on voyait le blanc de ses yeux, et il transpirait. A un moment donné, il était complètement épuisé, il est resté apathique dans l'écurie.»
Christoph Huber* se souvient du Nouvel An d’il y a 15 ans. «À minuit, ça a explosé. J’ai trouvé mes bovins paniqués dans le parc.» Deux avaient des lésions aux tendons, un veau de 15 mois est mort, raconte-t-il.
Une année plus tard, le 31 juillet, deux jeunes du voisinage ont tiré des pétards sur ses bêtes. «Deux vaches ont été tellement effrayées qu'elles ont fait une fausse couche.» Depuis, il ne fête plus le 1er Août: il reste à la ferme, prêt à intervenir. «Ma famille s’est faite à cette routine.»
«Je veux protéger mes animaux»
Christoph Huber reconnaît que ces incidents relèvent parfois d’une utilisation abusive des feux d'artifice. Mais pour lui, la réglementation doit être renforcée et la vente strictement encadrée.
Les Anderhub partagent cet avis. Ils ont signé l’initiative sur les feux d'artifice. «Je fais ce métier avec le cœur, dit Sarah. Et ça passe par la protection de mes bêtes.»
* Nom modifié