L'élue Delphine Klopfenstein a appuyé le retour de la famille
Garçon malade rapatrié en Suisse: «Il fallait intervenir pour cet enfant-là»

Des élus ont mis une pression politique pour faire revenir l'enfant requérant d'asile Gildas, qui ne pouvait pas être soigné à Zagreb. Selon la conseillère nationale écologiste Delphine Klopfenstein Broggini, le cas extrême du garçon fait office d'exemple.
Publié: 08.05.2025 à 05:46 heures
|
Dernière mise à jour: 08.05.2025 à 10:34 heures
La conseillère nationale Verte Delphine Klopfenstein a mis la pression pour accélérer le retour de Gildas en Suisse.
Camille Krafft_Blick_DSC_1396 (1) copie.JPG
Camille KrafftJournaliste Blick

Renvoyés en Croatie en novembre dernier dans le cadre du règlement Dublin, Gildas* et sa famille ont pu revenir en Suisse après cinq longs mois à Zagreb. Atteint d’une grave maladie génétique, cet enfant congolais requérant d’asile ne pouvait pas être soigné par les médecins croates, faute notamment de sang compatible. 

La situation du garçon, mise en lumière par Blick dans une série d’articles, a suscité des réactions citoyennes, mais aussi politiques. La conseillère nationale écologiste genevoise Delphine Klopfenstein Broggini a mis la pression pour tenter d'accélérer le retour de l’enfant, en contact étroit avec la coalition Appel Dublin, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et l'ambassade de Croatie. 

Delphine Klopfenstein Broggini, comment avez-vous appuyé le retour de Gildas?
Le rôle que je peux jouer dans un cas comme celui-ci, c’est de mettre une pression politique. Je connais des personnes en charge des dossiers au SEM, avec qui j’ai une relation de confiance, parce que je suis déjà intervenue par le passé pour soutenir d’autres cas particuliers. Je les ai alertées sur la situation de ce garçon. 

La Suisse n'a pas l'obligation d'exécuter les renvois «Dublin»

La famille a été expulsée vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé au moins 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Les renvois vers Zagreb se font essentiellement par charter depuis Zurich, et sous escorte policière - une exigence de la compagnie aérienne, selon un rapport du Comité national de prévention contre la torture datant de juillet 2024. 

Les renvois vers la Croatie sont critiqués notamment au niveau de l'accès aux soins des personnes migrantes, alors que le pays fait face à de nombreux défis concernant son système de santé. L'association Médecins du Monde (MdM), active dans les centres pour requérants d'asile en Croatie, estime ainsi que «la Suisse porte une responsabilité dans l’aggravation de l’état de santé des personnes en appliquant ces renvois vers un Etat qui ne dispose manifestement pas des ressources nécessaires pour un accueil digne.»

MdM précise également que «les dossiers médicaux des Dublinés avec problèmes de santé sont le plus souvent incomplets ou très sommaires (quelques lignes sur le diagnostic et la thérapie). Cela vaut pour la Suisse mais aussi globalement pour l’ensemble des pays qui renvoient des Dublinés vers la Croatie. Ce qui nous oblige à recommencer dès le début certains examens médicaux et donc complique/retarde la continuité du traitement pour certaines personnes.»

Le règlement Dublin inclut une clause de discrétionnaire ou de souveraineté, qui permet à un État de renoncer au transfert d'une requérante ou d'un requérant d'asile vers le pays responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion. 



La famille a été expulsée vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé au moins 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Les renvois vers Zagreb se font essentiellement par charter depuis Zurich, et sous escorte policière - une exigence de la compagnie aérienne, selon un rapport du Comité national de prévention contre la torture datant de juillet 2024. 

Les renvois vers la Croatie sont critiqués notamment au niveau de l'accès aux soins des personnes migrantes, alors que le pays fait face à de nombreux défis concernant son système de santé. L'association Médecins du Monde (MdM), active dans les centres pour requérants d'asile en Croatie, estime ainsi que «la Suisse porte une responsabilité dans l’aggravation de l’état de santé des personnes en appliquant ces renvois vers un Etat qui ne dispose manifestement pas des ressources nécessaires pour un accueil digne.»

MdM précise également que «les dossiers médicaux des Dublinés avec problèmes de santé sont le plus souvent incomplets ou très sommaires (quelques lignes sur le diagnostic et la thérapie). Cela vaut pour la Suisse mais aussi globalement pour l’ensemble des pays qui renvoient des Dublinés vers la Croatie. Ce qui nous oblige à recommencer dès le début certains examens médicaux et donc complique/retarde la continuité du traitement pour certaines personnes.»

Le règlement Dublin inclut une clause de discrétionnaire ou de souveraineté, qui permet à un État de renoncer au transfert d'une requérante ou d'un requérant d'asile vers le pays responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion. 



Avez-vous été mise au courant de l’évolution de la situation de l’enfant?
Non, on m’a tenue à l’écart des décisions. Tout est resté très secret jusqu’au retour de la famille. 

Pourquoi une telle omerta, alors que la situation de Gildas a été médiatisée?
Pour protéger les personnes concernées lors de la phase opérationnelle, qui est très délicate. C'est important. 

«
Faire revenir des personnes après leur renvoi, c’est effectivement assez exceptionnel
Dephine Klopfenstein Broggini
»

Le SEM a accepté de reprendre des personnes renvoyées de force, afin d’examiner leur demande d’asile. Avez-vous déjà vu un tel rétropédalage?
Dans certains cas spécifiques qui suscitent moins l’attention, il peut arriver que le SEM réévalue un dossier en amont d’un renvoi ou facilite des arrivées. Mais faire revenir des personnes après leur renvoi, c’est effectivement assez exceptionnel.

Vous l’aviez dit vous-même: le SEM n’aurait jamais dû renvoyer ce garçon. Ne devrait-il pas s’excuser et reconnaître son erreur?
J’ai effectivement critiqué la décision de renvoi, mais je ne vais pas jeter la pierre au SEM, parce qu’il a reconsidéré le cas. Cela signifie qu’il est capable de revenir sur sa position, que c'est notre interlocuteur. Il y a aussi un problème systémique derrière tout cela: les renvois vers la Croatie sont dénoncés depuis des années par des ONG, en raison des mauvais traitements que subissent les migrants dans ce pays. 

Soutenir des cas particuliers, n’est-ce pas injuste pour toutes celles et ceux qui restent dans l’ombre?
Il faut savoir saisir des occasions. Ce cas extrême fait office d’exemple. Bien sûr qu’il fallait intervenir pour cet enfant-là, mais le message que nous portons est plus général. C’est pour cela que j’ai déposé une motion demandant que la clause de souveraineté du règlement Dublin soit systématiquement activée lorsque le transfert concerne des enfants atteints dans leur santé. Cette clause permet à la Suisse de renoncer au transfert d’un(e) requérant(e) d’asile et de traiter lui-même la demande, notamment pour des motifs humanitaires.

Plusieurs textes ont été déposés au Parlement dans la foulée de cette affaire. Ils émanaient de la gauche, mais aussi du centre.
J’ai aussi beaucoup échangé avec d’autres députés. Il y a une réflexion éthique qui transcende les clivages politiques. Tout levier est bon à activer dans le respect des institutions.

«
On ne le répète pas assez, mais dans la problématique de l’asile, les mineurs sont les premières victimes du système
Delphine Klopfenstein Broggini
»

Pourquoi le cas de Gildas est-il emblématique?
Parce qu’il s’agit d’un enfant. On ne le répète pas assez, mais dans la problématique de l’asile, les mineurs sont les premières victimes du système. Aujourd’hui, dans les centres fédéraux, on peut fouiller les enfants, les enfermer…Beaucoup de lignes rouges ont été franchies et la convention relative aux droits de l’enfant n’est plus respectée. La question de la santé est aussi essentielle aujourd’hui quand on parle d’asile. 

Une motion de la conseillère nationale Jacqueline de Quattro veut justement mettre fin au «tourisme médical» dans ce domaine.
Sous prétexte que neuf Géorgiens ont bénéficié de soins alors qu’ils n’avaient pas de motif d’asile, le PLR détourne complètement la problématique de la santé. Le narratif actuel met en avant les abus du système. Je ne nie pas qu’ils existent, mais ce qui domine dans notre politique d’asile, c’est surtout le manque d’accès aux soins des personnes requérantes.

«
Sous prétexte que neuf Géorgiens ont bénéficié de soins alors qu’ils n’avaient pas de motif d’asile, le PLR détourne complètement la problématique de la santé
Delphine Klopfenstein Broggini
»

Gildas soufre de drépanocytose, une maladie génétique assez répandue dans certaines populations. Est-ce que la Suisse doit accueillir tous les enfants gravement malades?
Le principe de l’asile est d’offrir une protection aux personnes qui fuient leur pays en raison de conflits ou pour des motifs politiques. Ces personnes ont droit à un accueil digne, et elles doivent être soignées quand elles ont des problèmes de santé.

Pensez-vous que le SEM serait revenu en arrière sans la médiatisation de ce cas et les pressions de la société civile et des élus?
Je pars du principe que tous les leviers doivent être actionnés quand il y a une cause à défendre. Les associations actives dans le domaine de l’asile font un travail remarquable qui se déroule souvent dans l’ombre, elles jouent un rôle central. 

Renvois d'enfants malades: les enquêtes de Blick

*Prénom d'emprunt

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la