Le troisième rapport sur les effets de l’introduction du salaire minimum à Genève montre des effets contrastés sur les emplois. Si son arrivée n’a pas entraîné de suppression de postes, il a pu freiner leur création dans certains secteurs. C'est en particulier le cas de la branche du nettoyage, contrairement à l’hôtellerie et à la restauration.
Le rapport se concentre sur les secteurs à bas salaires, par définition les plus impactés par l’introduction du salaire minimum (environ 11% du total des emplois du canton). A savoir l’hébergement et restauration (19'430 emplois), les activités de nettoyage (9780 emplois), la coiffure et soins de beauté (2774 emplois), les services de déménagement (587 emplois), et enfin la blanchisserie et teinturerie (435 emplois).
Les effets du salaire minimum ont été évalués pour la période de 2020 à 2022. Après le choc dû au Covid, un rebond a eu lieu à Genève comme dans les autres cantons. Le rapport montre globalement que l’introduction du salaire minimum n’a pas entraîné de diminution importante du nombre d’emplois. Elle a plutôt donné lieu à des ajustements internes, notamment en matière de temps de travail.
Evolution différente selon le secteur
«Les secteurs n'ont pas tous été affectés de la même manière», a expliqué jeudi devant la presse l'auteur de l'étude, José Ramirez, professeur à la Haute école de gestion de Genève. Et d'expliquer que l’évolution des emplois dans le secteur du nettoyage a été très différente entre le canton de Vaud (où il n'y pas de salaire minimum) qui a enregistré une hausse de 12,6% entre 2020 et 2022 et celui de Genève. Dans ce dernier canton, une diminution de 1,4% a été observée dans le même temps.
L’introduction du salaire minimum a donc freiné la création d’emploi de façon prononcée. Elle s’est également accompagnée d’une hausse du taux d’activité moyen, suggérant une réorganisation interne des effectifs. «Autrement dit, la diminution du nombre de postes a été partiellement compensée par une augmentation du temps de travail», a relevé José Ramirez.
Pour expliquer cette baisse d’activité dans le nettoyage, les chercheurs avancent deux hypothèses: premièrement un déplacement d’activités localisées à Genève vers le canton de Vaud. Ensuite, une plus forte hausse du télétravail dans le canton de Genève entre 2020 et 2022. Elle aurait réduit la demande de service de nettoyage et donc l’emploi.
Progression dans la restauration
A contrario, le secteur genevois de l’hébergement et restauration a connu une progression en emplois plus importante que le canton de Vaud. Le salaire minimum n’a pas eu un impact global significatif sur le nombre d’emplois. En revanche, il a eu tendance à réduire le taux d’activité moyen.
Ce mécanisme a freiné la création d’emplois occupés par des hommes, mais n’a eu aucun effet sur la dynamique des emplois occupés par des femmes. Dans le secteur des activités du nettoyage, aucune différence n’a en revanche été constatée entre les genres, relève le rapport.
«L'impact du salaire minimum sur l'emploi est très faible»
Pour le président de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) Davide de Filippo, ces résultats ne constituent pas une surprise. «L'impact du salaire minimum sur l'emploi est très faible. Et travailler moins pour un salaire équivalent n'est en soi pas un problème.»
Concernant le nettoyage, les entreprises qui achètent ces services tendent à réduire leurs frais pour avoir de moins de charges. Et le télétravail a sans doute eu un effet plus important qu'ailleurs, en raison de la Genève internationale, où sa durée a été plus longue qu'ailleurs.
Pour Pierre-Alain L'Hôte, président de l'Union des associations patronales genevoises (UAPG), ces secteurs semblent se plaindre davantage que par le passé d'une recrudescence du travail au noir, alors que le salaire minimum indexé automatiquement se situe à 24,48 francs. «Nous serons attentifs à ces éventuels effets pervers», a-t-il souligné.
Attaque contre le fédéralisme
Pour rappel, les deux premiers rapports – publiés en 2023 et 2024 – traitaient des conséquences du nouveau mécanisme sur le chômage, a déclaré la cheffe du Département de l’économie et de l’emploi Delphine Bachmann. Ces études avaient relevé que les femmes en ont bénéficié, au contraire des jeunes sans formation. Le quatrième sera publié à la rentrée et portera sur les salaires.
Interrogée sur l'acceptation mardi par le Conseil national d'une modification légale visant à donner la primauté aux CCT sur les salaires minimaux cantonaux, Delphine Bachmann a rappelé que «cette révision était contraire au fédéralisme et au vote démocratique des Genevoises et Genevois. Si elle est acceptée, cette loi créera une immense incertitude». Un référendum sera probablement lancé, la décision attaquée en justice, a t-elle relevé. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.
Pour mémoire, quatre autres cantons ont déjà introduit le salaire minimum: Neuchâtel, le Jura, Bâle-Ville et le Tessin. Deux initiatives vaudoises demandant un plancher horaire à 23 francs ont abouti. Une initiative a en outre été déposée dans le canton de Fribourg.