L'inflation a poursuivi son repli en mai, basculant même en terrain négatif sur un an et ravivant le spectre de la déflation et des taux directeurs négatifs. La dernière évolution à la baisse des prix à la consommation remonte à mars 2021. L'indice des prix à la consommation (IPC) a glissé à -0,1% par rapport à mai 2024 pour s'établir à 107,6 points, indique mardi l'Office fédéral de la statistique (OFS). En comparaison mensuelle, le renchérissement a, en revanche, augmenté de 0,1%.
Ce repli sur un an est principalement dû à la baisse des prix des produits importés (-2,4%), tandis que ceux des produits indigènes ont quelque peu grimpé (+0,6%). Dans le détail, les produits pétroliers enregistrent le plus fort repli (-9,6%), ainsi que l'énergie et les carburants (-8,3%). A l'inverse, les loyers du logement ont sensiblement augmenté (+2,6%).
Par rapport à avril, les prix des produits importés sont restés stables, tandis que ceux des produits indigènes ont augmenté (+0,2%). Là aussi, ce sont les loyers (+0,5%) qui ont tiré l'indice vers le haut, alors que les prix des transports aériens (-5,6%) et du mazout (-5,3%) ont reculé.
«Cette désinflation importée constitue aujourd'hui un facteur central de stabilisation des prix en Suisse», commente Arthur Jurus de la banque Oddo BHF. Reste que l'IPC s'inscrit désormais en dehors de l'intervalle de 0 à 2%, assimilé par la Banque nationale suisse (BNS) à une situation de stabilité des prix. «Contrairement au mois d'avril, la hausse des loyers n'a plus pu compenser le recul des prix de l'énergie», souligne Alessandro Bee chez UBS.
Baisse des taux de la BNS
Dès lors, l'institut d'émission pourrait renforcer ses interventions, notamment sur le taux directeur. Unanimement attendu à 0% ce mois-ci, il pourrait lui aussi passer en terrain négatif avant la fin de l'année, croit savoir Arthur Jurus. «Actuellement, il n'y a guère d'arguments qui plaident en faveur d'un statu quo de la part des gardiens de la monnaie fédérale», renchérit l'économiste en chef de VP Bank, pour qui l'introduction de taux négatifs ne devrait cependant intervenir qu'en dernier recours et, selon toute vraisemblance, pas à l'issue de la réunion en septembre.
Ce que l'institut d'émission veut éviter, c'est que l'économie s'enferre dans une spirale déflationniste. La baisse des prix des produits et des services améliore, certes, à court terme, le pouvoir d'achat. Elle peut cependant conduire le consommateur à retarder ses dépenses en attendant que les prix reculent davantage, ralentissant l'économie jusqu'à possiblement entrer en récession. D'autant plus dans un contexte d'incertitudes liée à la politique douanière des Etats-Unis, dont les conséquences pour les exportateurs suisses restent difficiles à anticiper.
Par ailleurs, la baisse du taux directeur induit une baisse des taux hypothécaires et donc du taux d'intérêt de référence sur lequel sont indexés les loyers. Ces derniers pourrait donc ralentir davantage.
Dans le même temps, le franc devrait continuer de s'apprécier, selon Arthur Jurus, ce qui réduit encore le prix des produits importés et tend à lester davantage l'inflation.
Le renchérissement devrait donc continuer d'évoluer négativement ces prochains mois, note David Marmet de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), ce qui ne constitue toutefois pas «une perturbation extrême». L'économiste estime que même si les prix des biens domestiques devraient augmenter plus faiblement, les prix des produits importés devraient baisser moins nettement.