Nestlé reste valorisée à moins de 200 milliards de francs en Bourse, malgré un léger rebond après la chute de lundi. Le licenciement brutal du directeur général Laurent Freixe accentue encore la perte de confiance envers le géant alimentaire. En 2022, l’entreprise valait 280 milliards. Aujourd’hui, son action est à son plus bas niveau depuis 2017.
De nombreux Suisses le ressentent dans leur porte-monnaie: ils sont indirectement actionnaires de Nestlé via leur caisse de pension. La débâcle signifie donc pour eux une baisse directe du rendement. Nestlé est considérée comme l'action de rente par excellence et représente 4,3% dans le portefeuille d'actions moyen d'une institution de prévoyance, comme on peut le lire dans l'"Annuaire des caisses de pension» publié cette semaine par la société de conseil PPCmetrics.
Sur les 909 milliards de francs que les caisses de pension suisses ont investis, 1,3 % — soit environ 11 milliards — sont placés dans Nestlé, ce qui en fait l'action la plus largement détenue. Rapporté aux 4,2 millions d'assurés, cela équivaut à 2666 francs par personne, soit environ 35 actions Nestlé. Une baisse de 40% du titre a donc un impact direct et significatif sur les retraites.
Paul Bulcke doit partir immédiatement
Le principal responsable de ce déclin est Paul Bulcke, le président du conseil d'administration de Nestlé. Cela fait 45 ans que ce Belge d'origine est au service de l'entreprise. Entré dans l'entreprise en 1979, il y a occupé de nombreux postes, avant de devenir vice-PDG puis PDG en 2004. En 2017, il a succédé à Peter Brabeck à la présidence du conseil d'administration. Ce lundi, Paul Bulcke fêtera son 71e anniversaire.
Une longue carrière qui risque désormais de s'écraser sur les derniers mètres. En avril, il quittera la présidence du conseil d'administration – son successeur sera l'actuel vice-président, Pablo Isla. Et les mois à venir risquent d'être amers pour ce dirigeant de longue date. Des voix sur le marché des capitaux exigent son départ anticipé: «Il faut qu'il parte, et tout de suite», déclare un gestionnaire de portefeuille. Sa réputation est entachée par le fait que l'on ne sait toujours pas exactement quand Paul Bulcke a été informé de l'affaire, et s'il a réagi à temps.
Paul Bulcke se trouve face à un tas de ruines qui n'a cessé de s'agrandir au cours des dernières années. Il a commis sa plus grande erreur en septembre dernier, lorsqu'il a renvoyé le CEO Mark Schneider et désigné Laurent Freixe comme successeur. Bulcke avait alors déclaré que Freixe était le «le choix idéal» – une erreur d'appréciation. Non seulement en raison de ses escapades amoureuses, mais aussi de sa performance.
En effet, Paul Bulcke et Laurent Freixe ont opéré un revirement stratégique: «Forward to the basics» («Retour à l'essentiel» en français), c'est ainsi qu'ils ont appelé la nouvelle orientation. Mais on aurait tout aussi bien pu l'appeler «Retour vers le passé». Dans un premier temps, le marché des actions a réagi positivement, certes, mais ce soufflé est vite retombé.
Navratil et Isla – le nouvel attelage
Il en faudra plus pour faire passer le pétrolier du lac Léman à la vitesse de croisière. Les espoirs reposent désormais sur Philipp Navratil, un Suisse qui a rejoint Nestlé directement après ses études. Il a passé de nombreuses années en Amérique du Sud et en Amérique centrale, mais sa carrière n'a pris son envol qu'au cours de ces derniers mois. L'année dernière, il est devenu CEO de Nespresso, il y a huit mois, il a été appelé à la direction du groupe – et maintenant il est déjà chef du groupe. Dans les procédures de sélection, il a d'abord fait figure d'outsider, mais il a réussi à surpasser les chefs de grandes régions, comme Jeff Hamilton, chef des affaires américaines, ou Guillaume Le Cunff, chef des affaires européennes.
Philipp Navratil et Pablo Isla forment le nouveau tandem qui doit permettre au géant de Vevey de renouer avec ses anciens succès. Pablo Isla, qui siège au conseil d'administration de Nestlé depuis 2018, est aussi un outsider qui n'a jamais occupé de poste opérationnel chez Nestlé. Les trois prédécesseurs, jusqu'à Helmut Maucher, étaient tous auparavant CEO du groupe.
Mais en tant que dirigeant de longue date du géant espagnol du textile Inditex (Zara, Massimo Dutti et autres), Pablo Isla connaît le secteur de la mode sur le bout des doigts. En revanche, il ne connaît pas grand-chose aux céréales, au au café et aux cubes de soupe. Sa mission consistera à transformer – et à rajeunir – la planche. De nombreux cadres vieillissants y siègent. Avec une moyenne d'âge de 64,2 ans, le conseil d'administration est l'un des plus vieux de Suisse.