Qu’est-ce qu’un geste déplacé? Quelles sont les limites de l’acceptable sur le lieu de travail entre deux employés? L’administration cantonale valaisanne vient de faire une belle démonstration de fermeté, symbole du renforcement bienvenu autour de la définition de ce qui est désormais un comportement inadmissible. Alors qu’il y a encore quelques années - peut-être quelques mois, ce genre de geste aurait surtout provoqué de l’indifférence, un homme vient de se faire licencier pour avoir massé avec insistance les épaules d’une collègue au centre de vaccination de Martigny, a appris Blick.
La scène se déroule le 8 juillet. Celui que nous appellerons Robert (prénom d’emprunt) occupe un poste de premier plan: il est responsable administratif du centre de vaccination de Martigny. Des bruits courent: il aurait eu des comportements inappropriés avec des infirmières les jours qui précèdent. Subitement, les soupçons se ravivent. Il jette son dévolu sur une secrétaire. Malgré ses protestations, il lui masse les épaules et ne cesse son manège que lorsque ses collègues lui enjoignent de le faire. Ni une, ni deux, le responsable du centre alerte le chef de service de la santé du Valais. Celui-ci se rend sur place le lendemain matin. Tout le monde reconnaît les faits. L’employé est licencié sur-le-champ.
Un dérapage évitable?
«Nous avons fait par la suite deux séances sur place avec les personnes concernées et avons mis sur pied une cellule de soutien psychologique», précise Victor Fournier, l’homme qui a prononcé la sentence et n’hésite pas à qualifier les actes de Robert d’«intolérables, même s’ils ne tombent pas sous le coup de la loi».
L’Etat du Valais aurait-il pu éviter ce dérapage? C’est la thèse de plusieurs personnes employées par le centre de vaccination. Ces dernières croient savoir que Robert, qui occupait précédemment le même poste au centre de Sion, se serait rendu coupable d’actes similaires. «On a simplement voulu déplacer le problème», peste une de nos sources. Cette thèse est toutefois réfutée avec véhémence par Victor Fournier: «Cet employé a été appelé à Martigny car nous avions besoin de ses compétences. Il est évident que nous aurions agi plus tôt, si les victimes de ces comportements problématiques avaient déposé plainte. Je n’ai malheureusement eu vent de ce dont vous parlez qu’au moment des événements qui se sont produits à Martigny.»
Mathias Reynard veut renforcer la prévention
Robert était au bénéfice d’un contrat à durée déterminée de droit privé qui allait prendre fin quelques semaines plus tard, lors de la cessation des activités du centre de vaccination de Martigny. L’Etat aurait-il été aussi ferme avec l’un de ses fonctionnaires? Nous avons posé la question à Mathias Reynard, conseiller d’Etat en charge de la santé, des affaires sociales et de la culture. «Ce n’est pas forcément la nature du contrat d’engagement qui est importante, mais plutôt la gravité de la faute et son éventuel caractère répétitif, même si la protection offerte à une personne au bénéfice d’un contrat de travail à durée indéterminée est évidemment plus élevée. Si le problème est grave et que la confiance est rompue, l’Etat doit se séparer de son employé.e. C’est d’ailleurs tout à fait possible.»
Dans le cas d’espèce, le socialiste se félicite de la réaction de ses services «qui ont pris la bonne décision et ont assuré un excellent suivi du problème par le biais du soutien psychologique». Mathias Reynard ajoute également vouloir agir sur le plan politique. A l’instar de ce qui a été fait dans le canton de Neuchâtel, le ministre en poste depuis deux mois et demi planche sur des outils d’analyse et de prévention. «Nous en sommes encore aux prémisses, mais mon équipe planche sur les outils possibles en faveur de l’égalité femmes-hommes au travail, par exemple Pro Égalité, programme développé par l’université de Lausanne et soutenu par la Confédération. Cela pourrait être mis en œuvre dans notre Département, voire plus largement».
L’initiative valaisanne sera évidemment la bienvenue. Très peu de statistiques documentent la problématique du harcèlement sur le lieu de travail. Selon le SECO, 28,3% des femmes en seraient victimes.