La catastrophe naturelle qui s'est abattue sur Blatten restera dans les mémoires. Le glacier du Birch a cédé puis s'est effondré dans la vallée du Lötschental, ensevelissant presque tout le petit village du Lötschental valaisan. Le conseiller fédéral Albert Rösti évoque même un «événement millénaire».
Quelques jours après le drame, il apparaît de plus en plus clairement que la quantité de rochers, de gravats et de glace qui a déferlé sur Blatten a dépassé tout ce que les experts avaient calculé à l'avance, comme le montre un coup d'œil sur la zone d'évacuation. L'ampleur du cône de débris dépasse largement la zone d'évacuation, comme le montrent des images satellites récentes.
Les débris ont progressé sur plusieurs centaines de mètres, y compris vers le sud-ouest. Au grand dam du berger Toni*, qui est porté disparu depuis la catastrophe. Pendant l'effondrement du glacier, il s'occupait de ses moutons dans son étable, qui se situe pourtant en dehors de la zone évacuée. Il y a 300 mètres entre l'étable et le début de la zone d'évacuation.
Une prédiction erronée
Mais comment les experts ont-ils pu se tromper d'au moins 300 mètres? Walter Wildi, professeur émérite de géologie à l'Université de Genève, a une explication. L'erreur vient du fait que tout le monde est parti de l'idée qu'il s'agirait d'un éboulement.
Une mauvaise appréciation selon lui. «La catastrophe naturelle de Blatten n'était pas un simple éboulement, mais avant tout une rupture de glacier. Les experts l'ont sous-estimé et n'ont pas prévu une chute de glacier aussi importante. La nature en a décidé autrement, explique-t-il. La masse s'est écrasée, a rebondi sur un relief, et de là, il y a eu un éventail de chute beaucoup plus large que ce à quoi on pouvait s'attendre. C'est pourquoi le cône de déjection était considérablement plus grand que la zone évacuée.»
Les modèles adaptés n'existent pas encore
L'auteur du livre «Sur les traces des phénomènes naturels lourds de conséquences en Suisse» précise: «Au final, ce sont les experts qui ont fait des erreurs de calcul. Dans le cas de l'éleveur porté disparu, on s'est trompé de 300 mètres. Cela représente environ 10% de la longueur du cône de déjection, si l'on considère qu'il fait 2,5 kilomètres de long.»
Toutefois, le professeur de géologie rappelle qu'il ne serait pas correct de blâmer les experts pour l'instant, «car les modèles de calcul que l'on fait pour des cas comme Blatten se basent sur la roche». Or, la masse glaciaire est plus imprévisible, et on a nettement moins d'expérience en la matière. «Dans ma carrière, je n'ai encore jamais rencontré de modèles d'éboulement de glacier.»
Pourtant, les modèles d'éboulement peuvent être très utiles, puisqu'ils permettent de calculer des trajectoires de chute. «Concrètement, cela fonctionne avec le calcul des trajectoires: une pierre vole dans l'air, elle est déviée en fonction de sa dureté et de son orientation. Puis, elle parcourt à nouveau une certaine distance et rebondit.»
Les glaciers restent imprévisibles
Dans le cas de cette rupture de glacier, cela n'aurait pas été le cas. «On ne connaît pas vraiment la forme, l'orientation et la pente d'un glacier, car on ne voit pas sous le glacier. Le glacier, dans le cas de Blatten, est ce qu'on appelle un glacier suspendu.» Il est fixé sur la roche. «Ce glacier suspendu s'est détaché de la roche en raison de la grande surcharge de roche qui exerçait une pression. La rupture du glacier de Blatten était pratiquement imprévisible avec nos connaissances actuelles.»
L'expert souligne: «En l'état actuel des connaissances, je dirais que ce n'est ni un homme, ni un groupe d'experts qui a échoué dans le calcul de la zone d'évacuation de Blatten. C'est tout simplement la nature qui a pris les commandes.» Il affirme également que les autorités auraient certainement agrandi la zone d'évacuation si elles avaient su. «En principe, on calcule toujours les zones d'évacuation de manière généreuse.»
«On a fait des progrès incroyables»
Dans le cas de Blatten, la zone d'évacuation était nettement trop petite. Le géologue Walter Wildi poursuit: «On a fait un mauvais calcul, il y a eu une victime présumée, c'est tragique, sans aucun doute. Bien sûr, chaque victime est une victime de trop.» Mais, «au niveau national, comparé à d'autres catastrophes, c'est un succès pour les autorités d'avoir pu sauver autant de personnes».
Il rappelle l'éboulement de Bondo (GR), qui a fait huit morts en 2017. Ou encore l'éboulement d'Elm (GL) en 1881, qui avait fait plus de 100 morts. Et à Goldau (SZ), l'éboulement de 1806 a tué plus de 400 personnes. Selon Walter Wildi, cela montre clairement qu'«avec les méthodes de surveillance actuelles, on est à un tout autre niveau. On a fait des progrès incroyables».
Malgré tout cela, le ministère public a ouvert une enquête. Il s'agit notamment de savoir pourquoi l'étable n'a pas été évacuée et pourquoi l'agriculteur a encore été autorisé à voir ses animaux, et s'il y a eu une erreur d'appréciation. Le Ministère public valaisan n'était pas joignable dimanche lorsque Blick a tenté de l'interroger.
* Nom connu de la rédaction