Face à une situation de danger, est-il vraiment évident de déclencher une alarme mécanique de poche? La question se pose alors que la police genevoise a récemment distribué quelques centaines de ces dispositifs aux jeunes et moins jeunes, pour qu'ils se sentent plus en sécurité en rentrant chez eux après une soirée.
Ces miniboîtiers, conçus pour émettre un bruit strident capable de faire fuir les agresseurs, sont jugés efficaces par les autorités. Mais pas forcément parce qu'un sifflement qui percerait la nuit encourage les voisins à se jeter sur leur téléphone pour composer le 117.
«Nous comptons effectivement sur des tiers qui entendraient l'alarme et interviendraient en appelant la police, mais c'est plutôt dans le sens inverse que nous pensons que cela fonctionne, explique Aline Dard, chargée de communication en prévention et porte-parole de la police genevoise. L'agresseur peut être surpris par le bruit, être dissuadé d'agir et peut partir en courant.»
Augmentation des infractions contre l'intégrité corporelle
Le concept de l'objet n'est pas sorcier: en tirant sur une ficelle dépassant d'un galet en plastique de la taille d'un Tamagotchi, un son strident retentit. «Le bruit est puissant et dissuasif, confirme la lieutenante. Je l'ai testé pendant plus d'une minute trente, tant qu'on ne remet pas la ficelle, ça ne s'arrête pas.»
Qu'est-ce qui a motivé la distribution gratuite de ces alertes portatives? Une hausse de la criminalité? «Les infractions contre l'intégrité corporelle ont augmenté en 2023, contextualise la porte-parole de la police. La consommation d'alcool et de substances lors des sorties nocturnes est un facteur qui augmente les comportements transgressifs pouvant aller jusqu'à de graves infractions», prévient-elle. La saison estivale amplifie sûrement le phénomène.
Par ailleurs, loin des clichés de la demoiselle en détresse, l'objet est apprécié de tous. Aline Dard s'en réjouit. «Nous parlons d'agressions de manière générale, pas uniquement sexuelles, lesquelles ont d'ailleurs diminué l'an dernier, précise la spécialiste en prévention. Nous donnons ces alarmes aux filles comme aux garçons, qui les acceptent volontiers.»
Échec des forces de l'ordre?
La police ne fait-elle pas un constat d'échec en confiant aux potentielles victimes la responsabilité de se défendre? Non, estime-t-elle, pour deux raisons. D'une part, il n'y a pas de lieu identifié «dangereux» que la police délaisserait en se dédouanant avec cette alarme. «En cas d'appel au 117, nos unités d'urgence interviennent immédiatement», assure Aline Dard.
D'autre part, il s'agit surtout d'un outil pour rassurer. Un «premier moyen pour se sentir protégé», ajoute la porte-parole, pour donner l'alerte à quiconque pourrait l'entendre et intervenir. «Dès que possible, il faut contacter la police au 117», rappelle la lieutenante. Le boîtier lui-même n'est pas connecté à la centrale d'alarme. Il émet juste un son perçant et projette une petite lumière que l'on actionne par pression.
«Les victimes restent des victimes»
L'idée est donc de rentrer chez soi en sécurité, quelle que soit l'heure, en s'évitant un maximum de problème. La lieutenante est très claire: «Les victimes restent des victimes, qu'elles aient bu ou consommé des substances. L'unique responsable d'un acte punissable est celui qui le commet». La volonté d'offrir cette alarme a donc germé dans le cadre d'une campagne nationale de prévention, baptisée «Tu t'en sors».
Un genre de «vie nocturne, mode d'emploi», qui a démarré début mai sous l'impulsion de la Prévention suisse de la criminalité. La plupart des cantons ont participé à ce projet. Son but? Sortir boire des coups en faisant attention à soi, aux copains, et savoir réagir en cas de problème.
Mais elle ne s'adresse pas qu'aux jeunes en quête de premières expériences. «Cette campagne est pensée pour tous les participants à la vie nocturne, donc aux auteures et auteurs potentiels, aux victimes, aux tierces personnes et aux témoins», développe la communicante.
Boîtiers donnés à la «rue de la soif»
La police genevoise a distribué une grande partie des mille boîtiers lors d'une journée de prévention au bord du lac, et à l'École-de-Médecine, «rue de la soif» genevoise, à la mi-juin. Et pourquoi pas à la sortie des boîtes? «Ça n'est pas le lieu où les gens sont le plus réceptifs, surtout en fin de soirée», glisse la lieutenante.
À la rue de l'École-de-Médecine, Aline Dard et un collègue en uniforme ont réalisé des micro-trottoirs auprès de jeunes attablés sur les nombreuses terrasses qui longent la voie. «Pas parce qu'il s'agit d'un lieu dangereux», prévient tout de suite la policière. «Il est propice pour parler aux jeunes de la vie nocturne, c'est tout.»
Aucun des festoyeurs ne semble s'être inquiété de recevoir une alarme de prévention anti-agression. «Au contraire, s'enthousiasme la lieutenante. Les jeunes étaient très contents, ils nous ont dit qu'ils avaient envie de la prendre avec eux.»
Comment s'en procurer un?
Le stock de boîtiers n'est pas complètement épuisé. Il est même possible de s'en procurer un. «Écrivez à communication@police.ge.ch avec pour objet 'alarme de poche', jusqu'au 28 juillet, suggère Aline Dard. Nous prendrons contact avec vous selon le stock disponible pour vous remettre l'objet, avec ses précautions d'usage.» Premiers arrivés, premiers servis.
EDIT: À 11h30 mardi matin, le stock de boîtier est désormais épuisé. Des centaines de personnes ont contacté la police genevoise après avoir lu notre article.