Une façon de pénaliser les cantons?
En Suisse, les diplomates sont contraints de ne pas trop voyager

Andreas Künne, nouvel ambassadeur de l'UE en Suisse, souhaite découvrir le pays mais est limité à quatre visites officielles par an. Cette restriction s'applique à tous les diplomates, reflétant les règles strictes de la diplomatie suisse. Mais d'où viennent-elles?
Publié: 09:45 heures
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Dernière mise à jour: 10:56 heures
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Le nouvel ambassadeur de l'UE en Suisse, Andreas Künne, a récemment présenté ses lettres de créance à la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter.
Photo: DR
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Sven Altermatt

Andreas Künne est le nouvel ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Suisse. Installé depuis peu à Berne, il souhaite aussi découvrir le reste du pays. L’Allemand a confié à CH Media vouloir visiter le plus de cantons possible. «Mais il y a des règles pour les visites officielles, je ne peux donc en effectuer que quatre par an», a-t-il regretté. Et d’ajouter, non sans ironie: «En bon Européen, je respecte les règles.»

Le monde de la diplomatie reste souvent mystérieux pour le grand public. Les ambassadeurs et ambassadrices bénéficient de nombreux privilèges, mais sont aussi soumis à des règles strictes, notamment à des restrictions de déplacement particulièrement sévères. Mais d’où viennent-elles?

Un nombre de visites «limité»

Lorsqu’un ambassadeur souhaite effectuer une visite officielle dans un canton, elle doit en informer au préalable le service du protocole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), dirigé par Ignazio Cassis. La demande est transmise sous forme de «note verbale». 

Certes, les cantons sont libres «d’accueillir des invités selon leurs propres critères». Mais les diplomates de haut rang doivent «limiter le nombre de visites par an». Des circulaires internes du DFAE ont récemment fixé ce plafond à quatre. Seules exceptions: Berne et Genève, où se concentrent la majorité des représentations diplomatiques. 

Un système satisfaisant

Ces déplacements officiels doivent viser en priorité les cantons avec lesquels les pays concernés entretiennent des relations étroites. Dans ce cadre, les ambassadeurs rencontrent des représentants du gouvernement cantonal. Ces échanges visent à leur permettre de «se familiariser avec les réalités politiques de notre Etat fédéral et de mieux comprendre ses particularités», précise le DFAE.

Aucun incident n’aurait été signalé récemment. «Selon les informations disponibles, cela n’a pas été le cas», assure un porte-parole du département. Selon plusieurs sources, certains ambassadeurs plus aventureux auraient toutefois agacé Berne par le passé. Il y a quelques années, le DFAE reconnaissait auprès de la «NZZ» que certains cantons recevaient plus de demandes qu’ils ne pouvaient en traiter. Chaque année, le DFAE reçoit entre 50 et 70 demandes de visites. En 2024, il y en a eu 64, contre déjà 66 cette année. «Les cantons approuvent la majorité des demandes», souligne le porte-parole, qui estime que le système «fonctionne de manière satisfaisante».

Les cantons «en laisse»

Quel intérêt ces visites représentent-elles pour les cantons? «Pour toute question relative à leur intérêt, nous vous invitons à vous adresser directement à eux», répond prudemment le DFAE. Les cantons, de leur côté, insistent sur l’importance de ces rencontres pour renforcer la coopération économique et institutionnelle. 

Lucerne affirme que les Etats étrangers «entretiennent leurs relations avec la Suisse non seulement au niveau de la Confédération, mais aussi de plus en plus au niveau cantonal». Le Conseil d’Etat reçoit régulièrement des diplomates. A Saint-Gall, on estime que la venue d’ambassadeurs «peut susciter l’intérêt pour la région et, dans le meilleur des cas, ouvrir de nouveaux contacts».

En privé, les responsables cantonaux se montrent enthousiastes. «Dans la pratique, il n’y a quasiment jamais de problèmes. Au contraire, l’effort en vaut la peine», affirme un fonctionnaire chargé des relations extérieures. «Les visiteurs des ambassades sont un enrichissement, y compris pour les entreprises locales.» D’autres rappellent toutefois que Berne veille jalousement à ce que la politique étrangère demeure une compétence fédérale. «La Confédération préfère que nous restions en retrait», note l’un d’eux. Les cantons, conclut-il, «sont tenus en laisse» sur la scène diplomatique. 

Andreas Künne n’a pas à s’inquiéter pour ses escapades privées: pendant son temps libre, l’ambassadeur de l’UE peut visiter autant de cantons qu’il le souhaite.

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