Une entreprise suisse sur trois travaillant à l'étranger a déjà versé des pots-de-vin. C'est ce que montre une nouvelle enquête de Transparency International Suisse et de la Haute école spécialisée des Grisons.
La corruption est évidemment interdite. Depuis 2003, les entreprises sont punissables si elles n'ont pas pris toutes les mesures organisationnelles nécessaires et raisonnables pour empêcher la corruption. Toutefois, peu d'entreprises ont été condamnées depuis l'interdiction – onze au total en 20 ans, dix sont nommément connues. Blick passe en revue les cas.
Alstom Suisse SA
En novembre 2011, le Ministère public de la Confédération (MPC) a condamné Alstom Network Suisse SA à une amende de 2,5 millions de francs et au versement de dommages et intérêts d'un peu plus de 36 millions de francs. Des conseillers engagés par Alstom en Lettonie, en Tunisie et en Malaisie avaient transmis une part importante de leurs honoraires de succès à des décideurs étrangers et les avaient ainsi influencés en faveur d'Alstom.
Le groupe Stanford
Un cas particulièrement éclatant: en février 2014, le Ministère public de la Confédération a condamné la société Stanford Group (Suisse) SA à une amende d'un million de francs pour blanchiment d'argent qualifié. Cette société faisait partie de l'empire de l'escroc américain Allen Stanford. Alors qu'il était déjà à l'époque l'un des Américains les plus riches, Allen Stanford avait mis en place un système pyramidal et escroqué de nombreux investisseurs pendant 20 ans pour un total de 5,3 milliards d'euros. En 2012, le Texan a été condamné à 110 ans de prison. Une partie de l'argent escroqué a atterri en Suisse – précisément auprès du Stanford Group (Suisse).
Nitrochem
En mai 2016, le Ministère public de la Confédération a condamné l'entreprise Nitrochem à une amende de 750'000 francs pour corruption d'agents publics étrangers. La filiale de la multinationale bâloise Ameropa avait versé des pots-de-vin d'un montant de 1,5 million de francs pour corrompre un haut fonctionnaire libyen et un proche du dirigeant Mouammar Kadhafi (1942-2011). L'objectif était d'ouvrir une usine du fournisseur d'engrais norvégien Yara, en Libye.
Odebrecht SA
Fin décembre 2016, le MPC a condamné le groupe de construction Odebrecht SA et l'une de ses filiales dans le cadre du gigantesque scandale Petrobras. Le groupe aurait utilisé des comptes suisses pour verser des pots-de-vin dans le cadre de l'attribution de contrats. Odebrecht a dû payer une amende de 4,5 millions de francs et des dommages et intérêts de plus de 200 millions de francs.
Koenig & Bauer-NotaSys (KBA-NotaSys)
L'entreprise d'impression de billets de banque KBA-NotaSys a été condamnée en 2017 à une amende symbolique d'un franc pour avoir versé des pots-de-vin au Brésil, au Maroc, au Nigeria et au Kazakhstan. Si l'amende a été si faible, c'est parce que l'entreprise s'était dénoncée. Après la condamnation, l'entreprise a créé un fonds pour l'intégrité d'un montant de cinq millions de francs et a versé 30 millions à la Confédération en compensation des bénéfices indûment réalisés.
Dredging International Services
Pour avoir versé des pots-de-vin à des fonctionnaires de la Nigerian Port Authority, le MPC a condamné en mai 2017 l'entreprise de dragage Dredging International Services à une amende d'un million de francs et à des dommages-intérêts d'un montant de 36 millions de francs. La corruption concernait des appels d'offres pour le dragage des eaux navigables au Nigeria.
Gunvor
En octobre 2019, le Ministère public de la Confédération a condamné par ordonnance pénale le négociant genevois en matières premières Gunvor à payer environ 94 millions de francs. De graves lacunes dans l'organisation interne de la succursale genevoise du groupe auraient permis la corruption d'agents publics en République du Congo et en Côte d'Ivoire. Cela aurait permis à l'entreprise d'accéder aux marchés pétroliers de ces pays. Dans ce contexte, le MPC a mis en accusation un ancien collaborateur de Gunvor fin septembre 2023.
SBM Offshore
Il s'agissait également de matières premières dans l'ordonnance pénale prononcée contre trois filiales suisses de la multinationale SBM Offshore. Le groupe équipe l'industrie pétrolière et gazière. Les enquêtes du MPC ont révélé qu'entre 2006 et 2012, des pots-de-vin d'un montant total de plus de 22 millions de dollars américains et de près d'un million d'euros ont été versés en faveur d'agents publics en Angola, en Guinée équatoriale et au Nigeria. Le MPC a parlé d'un «véritable système de versement massif de pots-de-vin». Selon l'ordonnance pénale de novembre 2021, le groupe doit payer sept millions de francs.
ABB
Fin 2022, le MPC a condamné le groupe suisse ABB à une amende de quatre millions de francs. Depuis 2013, les collaborateurs d'ABB avaient mis en place un dispositif de corruption afin d'obtenir des contrats pour la construction d'une centrale à charbon en Afrique du Sud. Grâce à pas moins 1,3 million de pots-de-vin, ABB a obtenu des contrats d'une valeur d'au moins 200 millions de dollars américains. Aux États-Unis et en Afrique du Sud, ABB a également été condamné pour ce scandale de corruption, à payer plus de 400 millions de dollars. Et ce n'est pas encore fini pour l'entreprise suédo-suisse: des documents non publiés à ce jour prouveraient qu'ABB a induit en erreur les enquêteurs pénaux.
Sicpa
En avril 2023, le Ministère public de la Confédération a condamné l'entreprise vaudoise Sicpa à une amende d’un montant de 1 million de francs suisses, et la créance compensatoire pour récupération des bénéfices considérés comme indument réalisés selon le MPC de 80 millions de francs, pour des faits en lien avec des actes de corruption d'agents publics au Brésil, en Colombie et au Venezuela. En outre, une peine de prison avec sursis de 170 jours a été prononcée contre un ancien responsable des ventes de l'entreprise. La Sicpa produit notamment de l'encre pour les billets de banque – la direction a toujours nié avoir eu connaissance des agissements illégaux de l'un de ses employés.