La politique suisse des transports s'est effondrée. Après le violent revers infligé à l'extension des autoroutes, le ministre des Transports, Albert Rösti, a provisoirement gelé tous les autres projets d'extensions autoroutières.
Outre les projets de construction stoppés par le peuple il y a une semaine, 24 autres plans d'extension, parfois très avancés et représentant un volume total de 18 milliards de francs, sont suspendus, du moins provisoirement: un triomphe pour la gauche, sortie gagnante de la votation de dimanche dernier. Qui parle déjà d'un tournant historique en matière de transports.
Gros coup dur pour la gauche
Mais entre-temps, tous ceux qui exigent le transfert du trafic sur le rail ont reçu un coup dans l'estomac. Quatre jours après le «non» à l'autoroute, l'Office fédéral des transports (OFT) a annoncé que le développement du trafic ferroviaire était lui-aussi sur le point de dérailler. Et pas qu'un peu: la soi-disant étape d'aménagement 2035 devrait coûter 30 milliards de francs au lieu de 16. Une véritable débâcle!
Personne ne sait comment l'extension, qui devait apporter de nouvelles cadences à la demi-heure et au quart d'heure et 20% de places assises en plus, va se poursuivre. L'OFT et les CFF doivent réexaminer tous les projets. Mais une chose est sûre: l'étape d'aménagement 2035 sera nettement moins importante que promis et durera des années de plus que prévu.
Les CFF déjà à bout de souffle
Le fait que, selon les recherches de Blick, le patron des CFF, Vincent Ducrot, se soit engagé à titre privé pour un oui à l'extension de l'autoroute apparaît dans ce contexte sous un angle nouveau.
Déjà pendant la campagne de votations, le puissant directeur des chemins de fer a dû se rendre compte qu'en cas de non, la pression sur les CFF augmenterait encore. Mais pour un transfert notable du trafic sur le rail, les capacités des chemins de fer font défaut – ce qui est d'autant plus vrai à moyen terme après la débâcle des coûts de l'extension du réseau ferroviaire.
Les CFF ne commentent pas les conséquences possibles de la votation sur l'extension des autoroutes. Ils se contentent de dire que la mobilité croissante ne peut être maîtrisée que par l'interaction de tous les modes de transport.
N'y a-t-il pas d'autres solutions?
La question de savoir comment y parvenir reste ouverte. Alors que le trafic – routier ou ferroviaire – va continuer d'augmenter, la politique des transports est dans l'impasse. Thomas Sauter-Servaes, docteur en ingénierie et chercheur en mobilité à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), voit donc une chance historique de changer de cap: «Depuis des décennies, la Suisse ne cesse de bétonner derrière la mobilité galopante au lieu de penser en termes de nouvelles visions.»
Pour Thomas Sauter-Servaes, il est clair que l'infrastructure existante doit être utilisée plus efficacement au lieu d'être sans cesse étendue. Mais cela ne peut fonctionner qu'avec un pilotage par les prix. Le mot magique pour cela est le Mobility Pricing.
Adapter les tarifs aux heures de pointe
L'idée est la suivante: l'utilisation des infrastructures de transport est rendue plus chère aux heures de pointe. Les pointes de trafic du matin et du soir doivent ainsi être lissées et le volume de trafic mieux réparti sur la journée. Aux heures de pointe, seuls ceux qui sont vraiment obligés de se déplacer doivent être impactés. Ceux qui passent à d'autres heures seront récompensés financièrement.
La tarification de la mobilité peut en outre assurer une plus grande vérité des coûts en intégrant dans les prix les nuisances externes pour l'environnement ou la santé. Jusqu'à présent, c'est la collectivité qui paie pour cela – rien que pour le trafic automobile, les coûts externes s'élèvent à 21 milliards de francs par an, selon les calculs de l'Office fédéral du développement territorial (ARE).
Un nouveau moyen de financement
La tarification de la mobilité pourrait non seulement être un instrument de gestion du trafic, mais aussi remplacer le financement actuel de l'infrastructure. Comme les recettes de l'impôt sur les huiles minérales s'effondrent avec l'avancée des véhicules électriques, il faut de toute façon le réorganiser.
L'idée de les financer selon le principe du pollueur-payeur est également intéressante pour les milieux économiques. Economiesuisse annonçait déjà en 2010 que la tarification de la mobilité pourrait être une solution à long terme. Mais seulement si tous les modes de transport sont pris en compte, selon l'organisation faîtière de l'économie.
Thomas Sauter-Servaes considère aussi cela comme central. La voiture ne doit pas être diabolisée. «Nous ne pouvons pas lisser les pointes de trafic si un automobiliste prend simplement le train aux heures de pointe.»
Le chercheur en mobilité est convaincu qu'il ne faut pas seulement augmenter le prix des billets individuels aux heures de pointe, il remet également en question l'abonnement général. «Il n'y a aucune raison pour qu'un détenteur d'AG ne soit pas également guidé par le prix.»
L'étranger montre l'exemple
Les exemples de Stockholm, Londres, Oslo ou Washington D.C. montrent que la tarification de la mobilité peut fonctionner. Là-bas, des prix dynamiques ont permis de fluidifier le trafic, de réduire les temps de trajet et d'améliorer la qualité de vie de la population exposée au trafic. Cependant, les expériences des régions métropolitaines internationales sont difficilement transposables à la Suisse, qui est un petit pays.
Mais chez nous aussi, l'idée de la tarification de la mobilité a fait son chemin dans la politique. Le Conseil fédéral travaille depuis des années à la mise en place de tests dans les villes et les cantons. Des calculs et des essais sur le terrain ont par ailleurs montré que le modèle aurait également l'effet souhaité chez nous. Des projets pilotes doivent maintenant suivre. Des études de faisabilité menées à Genève et à Frauenfeld (TG) sont actuellement en cours d'évaluation.
Les CFF tentent déjà d'orienter les flux de passagers par le biais du prix. Selon l'ex-régie fédérale, 25'000 billets dégriffés sont vendus chaque jour. Les rabais doivent avant tout motiver les voyageurs de loisirs à éviter les liaisons déjà très chargées.
Personne ne veut se mouiller
Hormis l'UDC, il n'y a pas d'opposition générale des partis à la tarification de la mobilité – du moins pas aux projets pilotes. Si le projet se concrétise, l'humeur des politiques pourrait toutefois changer rapidement.
Pour que la mobilité puisse être mieux répartie sur la journée, il faut en effet que les trajets domicile-travail aux heures de pointe fassent mal au porte-monnaie. Dans la perspective des prochaines élections, cette idée n'est toutefois pas populaire auprès des politiciens.
Alors que les forces bourgeoises ont en principe du mal à accepter des taxes plus élevées pour le trafic individuel motorisé, le camp de la gauche renvoie à la compatibilité sociale: des prix dynamiques ne devraient pas pénaliser ceux qui ne peuvent pas décider eux-mêmes de l'heure à laquelle ils se rendent au travail.
Cela montre déjà à quel point il sera difficile de transformer une vision telle que la tarification de la mobilité en un projet politique susceptible de réunir une majorité. Et de tels modèles ont également du mal à s'imposer au sein de la population. C'est ce qu'a montré un sondage de l'institut de sondage Sotomo avant la votation sur les autoroutes.
La situation n'était pas différente à Stockholm, la capitale suédoise. Il y a une quinzaine d'années, lorsqu'il a été question d'un péage urbain avec des prix dynamiques, une majorité écrasante de la population s'y est opposée. Mais après un test de six mois, le vent a tourné. Le système a perduré jusqu'à aujourd'hui.