En cas de soupçon de fraude
Votre assurance pourrait envoyer un détective pour vous surveiller

Les autorités soupçonnent des centaines d'assurés de demander une rente à l'AI de manière abusive. Alors que la loi les y autorise, elles envoient des détectives seulement dans quelques douzaines de cas.
Publié: 18:16 heures
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Dernière mise à jour: 18:47 heures
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Les assurés suspects peuvent être observés depuis le domaine public.
Photo: Getty Images
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Andreas Schmid

Depuis la clôture d'un jardin, un détective observe une femme occupée à désherber ses plates-bandes. Pourtant, selon sa demande de pension d'invalidité, son problème de dos l'empêche de se baisser. Ni une ni deux, l'observateur la photographie pour prouver qu'elle a envoyé de fausses déclarations à l'assurance-invalidité (AI).

Des soi-disant détectives sociaux espionnent les assurés lorsque leurs demandes de rente semblent peu crédibles. Par exemple, lorsqu'une personne déclarée en incapacité de travailler exerce une activité, ou encore si elle est blessée, mais fait du sport de manière intensive au fitness.

Mais avant d'envoyer des détectives, les services compétents examinent les dossiers, les données sur les revenus, les informations d'autres assurances et rendent visite aux demandeurs chez eux, sans les prévenir. Harald Sohns, porte-parole de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), déclare: «L'observation est toujours utilisée en dernier recours pour clarifier des cas suspects». De plus, les détectives sociaux ne sont engagés que pour des courtes périodes d'observation et de la recherche de preuves significatives, en cas de cotisations élevées.

Une pratique rare

L'OFAS a rarement recours à ce type d'observations pour percer des abus à jour, d'après les chiffres de 2024. Des détectives sociaux ont été engagés pour seulement 46 cas, une minorité au vu des 2300 dossiers qui pourraient être frauduleux. Au total, l'OFAS a révélé des versements illégaux dans 150 cas. Harald Sohns souligne qu'en 2024, plus de 450'000 personnes ont perçu des prestations, les cas suspects et les abus constatés sont donc «extrêmement rares».

L'OFAS était auparavant plus réticent à utiliser cette méthode de détectives sociaux. De 2021 à 2023, l'office a sollicité seulement quelques douzaines d'observations. Surveiller des assurés est légal depuis le mois de novembre 2019, grâce à une votation populaire. A l'époque, un référendum avait été lancé pour modifier la loi, mais deux tiers des votants s'étaient prononcés en faveur des observations secrètes contre les abus à l'assurance.

Entre 2010 et 2016 déjà, l'assurance-invalidité et l'assurance-accidents avaient ordonné de mettre en place ces observations, mais la Cour européenne des droits de l'Homme et le Tribunal fédéral avaient mis leur véto, jugeant la base légale insuffisante. En effet, surveiller une personne à son insu viole sa sphère privée. Le Conseil fédéral et le Parlement ont donc créé des conditions précises permettant d'engager des détectives sociaux dans des cas de suspicion justifiés.

Grâce à ces observations secrètes, l'OFAS a découvert 23 cas de perception abusive de prestations en 2024. L'office fédéral a porté plainte dix fois parce qu'il soupçonnait une grave infraction à la loi. Une assurance sociale financée solidairement par les contribuables «se doit, pour des raisons de principe, de détecter et d'empêcher les abus», déclare Harald Sohns. Les coûts des observations font partie des prestations évitées, de l'ordre de 500'000 francs.

Des économies de taille

En 2003, Christoph Blocher avait lancé le débat sur les versements injustifiés de rentes d'invalidité. A l'époque, le Zurichois était conseiller national et président de la section cantonle de l'Union Démocratique du Centre (UDC) et avait fait campagne sur la notion de «faux invalides», qu'il jugeait responsables des coûts croissants des assurances sociales.

Des mesures pour empêcher la perception injustifiée de l'aide sociale sont souvent débattues en politique. En 2005, Emmen a engagé un détective social pour traquer les abus. En 2007, la ville de Zurich a aussi engagé trois détectives sociaux, tandis que d'autres villes et communes ont effectué des visites à domicile auprès des demandeurs d'aide sociale pour prévenir les cas de fraude. Depuis la votation fédérale de 2018, plusieurs cantons ont créé des bases légales pour ordonner des observations.

Les demandes de prestations injustifiées sont plus fréquentes dans les assurances-accidents qu'à l'AI. En 2024, la Suva, – qui compte environ 2,2 millions d'assurés – a examiné plus de 2500 dossiers comportant des indices d'abus. Elle a ainsi confirmé ses soupçons dans plus de 900 cas, d'après sa porte-parole Simone Isermann. La Suva ordonne très rarement des observations: depuis 2020, elle n'a engagé des détectives sociaux que quatre fois.

Simone Isermann souligne qu'en cas de soupçon d'abus, la Suva agit «de manière conséquente et systématique». Selon elle, l'assureur a économisé plus de 31 millions de francs en 2024 grâce à une procédure ciblée contre les prétentions illégitimes. Les tentatives d'abus sont très variées: certaines personnes simulent des accidents et tentent d'obtenir des indemnités journalières ou des rentes par de fausses déclarations, des entreprises tentent d'éviter les primes d'assurance sociale avec le travail non déclaré ou des faillites frauduleuses. De plus, l'assurance fait régulièrement face à de faux décomptes d'hôpitaux et de médecins.

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