Alexander Bublik ne pense pas pouvoir gagner un tournoi du Grand Chelem. «Impossible», lance le joueur de 27 ans. Bien sûr, un adversaire pourrait abandonner sur blessure et avec des si, on ne sait jamais. Mais il l’admet lui-même, il ne supporterait de toute façon pas une longue partie de «plus de cinq heures et demie». Ce n’est tout simplement pas logique compte tenu de son mode de vie, et en plus, il se ferait du souci pour sa santé, estime le Kazakh.
Malgré tout, en théorie du moins, Alexander Bublik se rapproche d’un trophée en Grand Chelem. Il a décroché de manière sensationnelle son billet pour les quarts de finale de Roland-Garros, réalisant la meilleure performance de sa carrière. Il pourra se mesurer ce mercredi au numéro un mondial Jannik Sinner.
Il sera alors assuré de l’amour du public parisien. Après son joli coup contre la star montante britannique Jack Draper, les fans ont ému le géant de 1,96 m jusqu’aux larmes avec un tonnerre d’applaudissements. Lui, l’homme à l’image de voyou et de bad boy, qui ne mâche pas ses mots. Pour une fois, les mots lui manquaient.
L’artiste contre les «robots»
Alexander Bublik joue vraiment fort en ce moment, parce qu’il en a envie. Et parce qu’il s’est rendu compte, après sa chute à la 82e place du classement ATP, que la nonchalance n’allait pas de pair avec la belle vie au sommet du tennis mondial. Le Kazakh est l’antithèse du professionnel modèle. Il n’aime pas se lever tôt. Il lui arrive de laisser tomber un entraînement quand il n’en a pas envie. Au printemps, il a fait la fête à Las Vegas et s’est rendu juste à temps au tournoi Challenger de Phoenix (USA), où il s’est tout de même qualifié pour la finale. Ce n’est pas professionnel, mais Bublik est aussi un joueur talentueux doté d’un énorme arsenal de coups et d’astuces.
Quand cela l’arrange, il est capable de briller. Le Russe d’origine est un artiste qui évolue sur une ligne étroite entre génie et folie. Le quotidien «Frankfurter Allgemeine» l’a récemment qualifié de «plus grand chaos du circuit de tennis».
Le joueur souligne avec insistance l’importance qu’il accorde à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le tennis ne peut tout simplement pas être toute sa vie. Il y a quelques années, il a fait la Une des journaux internationaux en déclarant qu’il ne jouait «que pour l’argent». Tout sacrifier pour ce sport et «ne plus pouvoir courir à quarante ans»? Non merci. En outre, il aimerait quitter le circuit plus dignement que Rafael Nadal, comme il l’a laissé entendre dans une interview à la chaîne russe Match TV, en qualifiant le départ retardé de l’Espagnol de «cirque» et de «honte».
Ce n’était pas la première fois qu’Alexander Bublik manquait de finesse dans son style. Invectives endiablées, raquettes en pièces, performances sans enthousiasme, services provocants… il a déjà tout offert. Mais en même temps, en dehors du terrain, il se montre comme un type gentil et éloquent, qui s’occupe de son fils et affirme être «en fait un garçon tout à fait normal». Le problème, sur le circuit ATP, c’est qu’il est très différent de tous les autres «robots».
«Supporter ce sport tous les jours»
Sur son avant-bras, le joueur s’est fait tatouer un squelette tenant une balle de tennis dans la main. Un rappel qu’il doit «supporter ce sport tous les jours». À Paris, il estime qu’il travaille dur: «Mais je me situe quelque part entre le minimum et mon maximum personnel», résume-t-il.
Une autre anecdote révélée à Match TV montre également comment Bublik fonctionne. Il y évoque sa différence avec le numéro trois mondial, Alexander Zverev: «J’ai pris l’avion un mercredi soir depuis le tournoi de Shanghai pour Monaco, Zverev est arrivé le jeudi à six heures du matin. C’était un vol horrible, qui a duré presque 16 heures. Jeudi et vendredi, j’ai récupéré. Ce n’est que le samedi que je suis allé sur le court. C’est là que j’ai vu Zverev s’entraîner et je lui ai demandé: C’est aussi la première fois que tu t’entraînes aujourd’hui? Il m’a répondu: 'Non, c’est déjà ma sixième séance'. Cela signifie qu’il s’est entraîné deux fois jeudi, vendredi et samedi. Imaginez-vous, sur une période de dix ans, un professionnel comme Zverev me dépasse, disons, de deux à trois ans en heures de travail.» Le joueur n’a au moins pas le défaut de se mentir à lui-même.
De ses propres mots, il n’est tout simplement pas le joueur le plus professionnel de la planète. En revanche, il s’agit pour lui de collectionner les bons moments, tant sur le plan privé que sportif. Et ce quart de finale à Paris, «c’est jusqu’à présent le plus beau de ma vie», lance ce sportif décidément singulier.