À événement exceptionnel, préparation exceptionnelle. Cela fait depuis 2016 que le Mont Ventoux n'a pas accueilli l'arrivée d'une étape du Tour de France. Alors forcément, le village de Bédouin au pied de la montagne, s'y est préparé dans les moindres détails. Et chaque commerçant veut profiter de la journée, bien entendu.
C'est le cas du «Café du Cycliste», quelques centaines de mètres après la bourgade en direction du géant de Provence. Victor, gérant de l'échoppe, s'est réjoui de voir la course passer devant son magasin. «Je dirais que c'est deux mois de préparation, nous a-t-il confié. Nous avons ouvert ce lieu voici deux ans et c'est donc la première fois que nous voyons le Tour de France passer sous nos fenêtres.»
L'enseigne mêle accessoires de sport et café branché. «Tout a commencé à Nice, nous détaille-t-il. Et nous essayons de créer un lien dans cette communauté des passionnés de vélo.» Cette étape au sommet du mythique col était évidemment une occasion en or. «Moi, je pense que je vais peiner à vraiment profiter du passage des coureurs, rigole Victor. Mais par contre, nous avons tout fait pour que nos clients passent un bon moment. Un écran géant leur permettra de voir la fin de l'étape.»
La discussion a duré une poignée de minutes seulement. Mais des centaines de vélos sont déjà passés sur la route devant l'échoppe. Et des milliers vont encore suivre. Plusieurs centaines de mètres en amont, René regarde passer ce drôle de cortège avec étonnement. Avec son van aux plaques thurgoviennes, il s'est garé lundi soir déjà. «Naïvement, je pensais pouvoir monter un bon bout, nous a-t-il confié. J'ai appris quelque chose. Arriver la veille, c'est déjà trop tard (rires).»
Malgré le «TG» devant son VW, René est Appenzellois. Il est en vacances avec ses deux fils et voulait vivre une fois l'expérience du Tour de France «en vrai». «C'est affolant, s'étonne-t-il. Tant qu'on n'est pas ici, on ne se rend pas compte de l'engouement incroyable autour de cette course. Et quelle ambiance. Tout le monde est de bonne humeur.»
Il était 10h30. Tadej Pogacar & Cie ne passeront devant son véhicule que dans plusieurs heures. «Je n'ai pas de télévision dans mon van, mais nous allons profiter de la caravane. Il y a tellement de choses à voir.»
Il ne le verra pas, mais le village de Bédouin est également des plus animés. «Oh arrête de klaxonner, tu ne vas pas aller plus vite.» Depuis la terrasse du «Relais du Ventoux», un homme invective (gentiment?) un véhicule de police visiblement trop pressé pour passer par ici. Au comptoir où les fûts ont été percés depuis plusieurs heures déjà, la clientèle locale a probablement tendance à jurer par Toutatis, là où les nombreux belges sont davantage des adeptes de Jupiler. Chacun sa religion.
«Je ne m'attendais pas à voir de la bière belge», s'étonne un voisin. Pourtant le Plat Pays est largement représenté au Sud de la France en cette période. Et qu'importe si Remco Evenepoel a jeté l'éponge. «On n'est pas là pour un seul coureur, mais pour tous les Belges du peloton», nous confie-t-il avec un accent (forcément) prononcé.
Il est midi lorsque les grills et fours à pizza commencent à sustenter les premiers affamés. Il faut dire que tout le monde n'a pas eu la chance de se ravitailler aux deux boulangeries du village. «Il y a un kilomètre de queue, a pesté une voisine. J'ai abandonné.» La file était longue, mais n'allait pas jusqu'à Marseille non plus. À 11h30, les vendeuses de pain sont déprimées. «Cela fait des heures que nous n'avons plus rien, soupire-t-elle. On ne s'attendait pas à vivre un tel afflux de personnes.» Les quelques personnes tentant d'acheter la dernière baguette sont là pour amener de l'eau à son moulin.
Sur la place du village, le premier groupe joue sur la scène montée spécialement pour l'occasion. Elle accueillera des musiciens jusqu'à 2h du mat'. Au milieu, le peloton passera à moins de 50m de là. Mais il se peut que certains ne les voient même pas. Oui, le Tour de France a réuni tout ce beau monde. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde était là pour le vélo uniquement. Loin s'en faut.