Nés en 2010 de la fusion entre le MGS Grand-Saconnex Basket et les Geneva Devils, les Lions de Genève sont depuis devenus un acteur incontournable du basketball helvétique. Avec deux titres en championnat (2013 et 2015), quatre SBL Cup puis quatre Coupes de Suisse (dont la dernière décrochée ce printemps), les hommes de Patrick Pembele sont désormais à une victoire d’un nouveau sacre national.
Mais pour cela, il faudra terminer le travail face à Fribourg Olympic qui, bien que dos au mur, marche encore et toujours sur le basket suisse. Même si l’ogre fribourgeois est loin d’avoir dit son dernier mot, les Genevois font déjà mieux que de résister: ils tentent de redistribuer les cartes dans une SBL vouée à se dynamiser pour gagner en attractivité. Avant le quatrième match de la finale à la Salle du Pommier (19h30), potentiellement décisif, Blick s’est entretenu avec Thierry Moreno, le président des Lions. Coup de fil.
Thierry Moreno, les Lions de Genève sont aux portes d’un exploit. En tant que président, comment vivez-vous cette période intense?
Pour l’instant, je la vis bien, forcément, puisqu’il y a beaucoup d’émotions positives. Après, il y a aussi un peu d’anxiété quand même, parce qu’on sait que les Fribourgeois vont venir très fort ce mardi. Ils ne viendront pas en victimes, au contraire, ils vont arriver avec la ferme volonté de récupérer l’avantage du parquet. Donc, on s’attend de nouveau à un match acharné, dur, avec beaucoup d’émotions.
Vous êtes confiants tout de même?
Même si c’est un match décisif pour eux, on reste quand même l’outsider de cette série. Donc il faudra jouer comme on a su le faire lors des deux derniers matches, en gardant aussi en tête que la première rencontre, que nous avions perdue, était aussi très serrée. Je suis donc convaincu que nous avons nos chances.
Cette saison, vous avez sorti ce même Fribourg Olympic en huitièmes de finale de la Coupe de Suisse et vous êtes allés au bout dans cette compétition. Y a-t-il eu un déclic à ce moment-là? L’équipe prend-elle ce succès comme une référence pour avancer sereinement?
Bien sûr, cela nous enlève une certaine pression. Un des objectifs de la saison, c’était de ramener une coupe. C’est ce que nous avons fait avec la Coupe de Suisse. Je dirais que, maintenant, ce n’est que du bonus. Et puis quoi qu’il arrive, on peut considérer que cette première saison, pour moi comme pour le coach Patrick Pembele, est une réussite. (Ndlr: les deux hommes ont pris leur fonction au club en juin 2024.)
Votre club ne cesse d’évoluer ces dernières années pour s’installer solidement en SBL. Quel regard portez-vous sur la trajectoire de votre organisation?
Nous avons hérité de ce club il y a un an. Chaque année, on ouvre un nouveau chapitre avec une nouvelle équipe. On veut s’approprier cette trajectoire et aussi laisser nos traces dans cette histoire qui continue. On fait un gros travail au niveau du basket lui-même, mais aussi tout autour. Non seulement, il y a le match qui est le cœur de la soirée, mais on essaie de mettre plus d’animations, d’organiser des concours pour en faire une vraie expérience. On essaie d’en tirer le maximum, malgré nos moyens limités ainsi que notre salle qui est peu adaptée.
Quand on voit justement que des clubs comme Neuchâtel, et même Fribourg, ont des soucis financiers, comment fait-on pour régater dans le championnat suisse?
Nous ne sommes pas sereins non plus. On construit déjà l’équipe pour la saison prochaine, mais on n’a pas bouclé le budget qu’on aimerait avoir. On doit déjà boucler celui de cette saison. Et ça, c’est un combat de tous les instants. Cela a évidemment un impact important sur la visibilité que l’on peut avoir et pour prendre des sponsors. Mais nous avons de la chance à Genève, je le souligne tout le temps, par rapport à d’autres cantons. Les autorités publiques nous soutiennent de façon plutôt conséquente. Nous avons le soutien du Canton et des Villes du Grand-Saconnex et de Genève.
Finalement, peu importe l’issue de cette saison, titre ou pas, quels seront vos principaux défis à l’avenir?
Je dirais qu’il y en a deux principaux, qui sont aussi mes objectifs de présidence. Premièrement, nous voulons davantage professionnaliser le club, dans le bon sens du terme. Parce que quand on dit 'professionnalisation', ça fait généralement peur aux gens. Donc on va y aller touche par touche pour essayer d’améliorer l’encadrement du club et pour en assurer la pérennité. Vivre sous la passion d’un comité, c’est bien, mais ça a ses limites. Il faut absolument qu’on puisse mieux structurer le club pour avoir justement la possibilité de continuer à grandir. Si on veut se lancer un jour en Europe, il faut avoir une structure plus solide en termes de fondation et en termes de personnel.
C’est-à-dire?
Je vous donne un exemple: les assurances accidents que nous payons sont très élevées, parce qu’évidemment, pour les assureurs privés, nous sommes à risque au niveau des accidents. Si on prend les gens qui sont dans l’encadrement, par exemple les administratifs ou même les coachs, on paye une prime d’assurance accident qui est la même que pour un joueur. Cela a n’a pas de sens. Donc il faudrait qu’on sépare juridiquement les postes administratifs des postes de joueurs, notamment pour faire des économies.
Et quel est votre deuxième objectif?
Je pense que le fait d’avoir une société, de type SA par exemple, améliorerait l’attractivité vis-à-vis de nos sponsors. C’est un point que nous voulons mettre en place.
Qu’en est-il au niveau des infrastructures?
Le but ultime, ce serait évidemment d’avoir une nouvelle salle un jour, même si on adore la Salle du Pommier. Mais cela permettrait de continuer à faire grandir le club, pour participer à des événements internationaux comme les Coupes d’Europe. Actuellement, nous n’avons malheureusement pas un tel équipement aux normes à Genève. On pourrait avoir la Salle du Bout-du-monde éventuellement avec des dérogations pour participer aux Coupes d’Europe. Mais cela représenterait beaucoup de frais en termes d’éclairage et sur un certain nombre de points.
Au niveau populaire, sentez-vous un intérêt grandissant pour le basket à Genève ces dernières années?
Je suis convaincu que Genève est une terre de basket. Nous sommes quand même un canton urbain. Nous avons pas mal de joueurs issus de la région, mais nous n’avons pas la capacité de tous les recevoir. Donc c’est sûr qu’il y a encore beaucoup à faire pour essayer de cultiver cette terre et pour la faire grandir. Si nous parvenons à le faire, cela va naturellement faire grimper notre attractivité et faire venir davantage de public.
Pour en revenir au match de ce mardi, on sent vraiment que votre équipe donne tout ce qu’elle a sur le parquet. Quelles sont les valeurs de ce club et l’ambiance au quotidien?
En début de saison, nous avons mis en place trois valeurs: courage, force et leadership. C’est ce qu’on a pu montrer sur le parquet. Ce sont des valeurs auxquelles on se raccroche aussi quand ça va moins bien. Ce ne sont pas juste des mots creux, mais des éléments qu’on essaie de cultiver au quotidien pour pouvoir justement continuer à aller chercher des titres.
Vous êtes là pour entretenir la concurrence, c’est plutôt sain non?
Il est indispensable que Fribourg ait au moins un contradicteur. C’est nécessaire aussi parce qu’il faut qu’il y ait une vraie compétition pour pouvoir être attractif. Je prends les mots du président de Fribourg à la fin du premier match à Saint-Léonard. Il m’a dit: «Tiens, ça fait plaisir. J’ai vraiment l’impression que le championnat commence maintenant pour nous.» Pour eux, leurs matches ressemblaient à un échauffement jusque-là, à part leur défaite à Massagno.
Au niveau suisse, vous êtes le seul club, avec Olympic, à être professionnel. Comment gérez-vous cela?
Nous avons neuf joueurs professionnels, donc forcément, c’est un coût. À Genève, il faut se battre pour que cela continue. Si l’un des clubs lâche cela, que ce soit Fribourg ou nous, ce serait le début de la fin du basket suisse, tant il y a besoin d’une réelle compétition.
Au niveau des juniors, êtes-vous optimistes pour la relève?
De notre côté, nous sommes la partie professionnelle des Lions de Genève. Il y a aussi l’association Mouvement Junior, qui a un comité et un budget séparés. Cela représente quand même 450 enfants dans le club, des U6 jusqu’aux U20. On a des listes d’attente longues comme le bras parce que malheureusement, on n’a pas assez d’espaces pour les entraînements. On s’entraîne dans beaucoup de salles différentes. Donc il y a une vraie demande pour le basket, mais on ne peut pas toujours la satisfaire. C’est pour ça aussi que le projet d’une nouvelle salle est vraiment nécessaire.